La CAP nationale de sélection des inspecteurs divisionnaires filière chefs de service s'est tenue en seconde convocation et a terminé ses travaux le 5 juin.
34 dossiers écartés de la sélection ont été rattrapés en séance grâce à l'intervention des élu-e-s, notamment ceux de Solidaires Finances Publiques.

Déclaration liminaire

Madame la Présidente,

L'objectif du gouvernement : supprimer 50 000 emplois dans la Fonction publique d’État d'ici 2022 dont 18000 à 25000 rien que pour la DGFiP. Comme dans le même temps 16000 collègues partiraient à la retraite, ce sont donc entre 2000 et 9000 agents qui se retrouveraient sans mission, sans résidence, sans chaise !
Comment ? En externalisant, en privatisant, en supprimant des missions, en restructurant dans tous les sens, en accentuant la dématérialisation.

Cerise sur le gâteau : le Préfet aura la main mise sur les fonctions supports (budgets, logistique, informatique, RH), mais sera aussi partie-prenante en matière d'exercice des missions et d'allocation des moyens d'organisation structurelle. Et c'est bien la première fois de l'Histoire qu'un directeur général abandonne ses prérogatives aux préfets sans essayer de les défendre.
Et tout est prêt pour que les agents subissent la réforme des règles d'affectation à la DGFiP et la mise en place de la rémunération au mérite, formidable outil de chantage à la mobilité forcée.

Solidaires Finances Publiques dénonce l’omerta qui a régné sur le sujet de la « géographie revisitée » depuis la présentation de Monsieur Darmanin de son projet de démantèlement de la Direction générale des Finances Publiques avec la déconcentration de proximité, lors d’une réunion des numéros 1 en juillet 2018 partagée auprès des agents via les réseaux sociaux.
Aucune information n’avait été donnée tant au plan national qu’au plan local malgré la demande insistante des organisations syndicales. Seulement dans un Comité technique de réseau de début d’année avait été évoquée la géographie revisitée par l’ancien directeur général, M. Parent qui aurait dû faire l’objet d’un cycle de discussion.
Le gouvernement ne peut valablement prendre le prétexte d’un contexte difficile, dans lequel sa responsabilité est clairement engagée, pour justifier ce silence.

Le mouvement dit des Gilets jaunes dans lequel l’injustice fiscale et sociale et le besoin d’un service public de proximité s’expriment et le « grand débat national » n’auront pas servi à grand-chose : le gouvernement maintient ses orientations et s’apprête à mettre en place un service public low cost qui, pour la DGFiP, est synonyme d’un affaiblissement inédit. Et ce sans compter son attaque frontale contre la fonction publique et les fonctionnaires.
À la DGFiP, au plan national, à maintes reprises les organisations syndicales ont demandé une audience auprès du ministre de tutelle pour que ce dernier donne les grandes lignes, les moyens ainsi que le calendrier de son éventuelle mise en œuvre. Il a fallu attendre le 26 mars pour être reçues et le 9 mai la lettre de cadrage national donnant un mois aux syndicats pour y répondre.
Cette stratégie du gouvernement entraîne opacité et inquiétudes des personnels quant à leur avenir professionnel et personnel. Pour les agents, cela s’est en effet avéré anxiogène : les questions sur leur statut, leur devenir, leur rémunération ou encore leur perspective de carrière sont nombreuses.

Une situation inquiétante des agents de la DGFiP :

Les agents de la DGFIP ont fait la démonstration de leur capacité d’adaptation au cours de ces dernières années à apporter un service public de qualité et à faire face aux réformes de grande ampleur. C’est d’ailleurs principalement grâce à l’investissement, au sens du service public et à la conscience professionnelle de nos collègues que la DGFiP peut encore se targuer d’être une administration de référence. C’est la raison pour laquelle il faut la consolider et la renforcer et non l’affaiblir comme cela est le cas depuis de trop nombreuses années. Le gouvernement veut faire l’inverse : qu’il ne se plaigne pas des oppositions que son projet suscite. Nous saurons lui rappeler sa responsabilité s’il démantèle ainsi la DGFiP.

Cet affaiblissement est, à juste titre, de plus en plus mal vécu par nos collègues. Il s’exprime par la multiplication des signaux d’alerte mis en lumière dans les résultats du baromètre social ministériel : ainsi tous grades et tous services confondus, 61 % des répondants issus de la DGFiP indiquent une démotivation au travail, 1 sur 10 n’est plus satisfait de travailler à la DGFiP, 68 % ne se sentent pas reconnus et 72 % sont insatisfaits de leurs conditions d’avancement et de promotions… Ce niveau de malaise préoccupant ne cesse de s’accroître au fil des ans. Ses causes sont connues : absence de reconnaissance, baisse des moyens, perte de sens, restructurations successives et inquiétudes devant les évolutions à venir.

La situation actuelle devrait interpeller les pouvoirs publics et les conduire à entendre les attentes de nos collègues qui défendent, eux, le service public. Celles-ci portent sur la rémunération, la promotion interne, les conditions de travail, les moyens, l’exercice des missions, le sens du travail, la mobilité choisie ou encore le statut de fonctionnaire dont nous pouvons aujourd’hui mesurer combien, grâce au sens du service public et à l’investissement de nos collègues, il a bénéficié à l’action de la DGFiP et de l’État. Ces chantiers sont majeurs. Il y a urgence à ouvrir des discussions et de leur apporter des décisions positives.

Un avenir et une évolution préoccupantes des missions de la DGFiP :

La volonté d’externaliser, d’abandonner et de réorienter ses missions n’est pas la bonne solution. Si nul n’est pour l’immobilisme, puisque nous voulons justement améliorer le service public, la période ne pose au fond qu’une question : engager une démarche globale de progrès du service public ou le déstructurer et l’affaiblir.

De ce point de vue, empêcher l’administration fiscale et financière d’encaissement de paiement en numéraire pour le confier à des prestataires privés tourne radicalement le dos au sens même du service public. Il en va de même de l’orientation du contrôle fiscal, contre-partie du système déclaratif, vers un service de conseil, également l’externalisation des missions cadastrales et de recouvrement. De plus, l’éventuelle constitution d’une agence unique de recouvrement ne peut constituer une valeur ajoutée, en matière d’efficacité du service public. Quant aux agences comptables, elles ne mettent pas seulement en danger la place et le rôle du comptable mais aussi, plus largement, la bonne gestion des finances locales. On peut évoquer également l’externalisation de la certification des comptes des collectivités locales et de la conformité à la loi fiscale, les deux dévolus à des prestataires privés payés par les entités qu’ils seraient censés contrôler. Personne n’aura donc tiré les leçons de l’affaire Enron ?

Une présence territoriale déjà très affaiblie de la DGFiP :

Pour exercer ses missions, notre administration doit être réellement présente sur l’ensemble du territoire. Si « offrir un service humain de proximité en dépassant la forme traditionnelle de présence de la DGFiP » comme le propose M. Darmanin dans son courrier du 9 mai Solidaires Finances Publiques le revendique également. Mais manifestement, les solutions divergent.
La « densification » que mentionne le Ministre ne peut s’accorder selon nous avec les formes de service public « low cost » promu par ce gouvernement.

Il y aurait pourtant matière d’envisager une présence efficace qui permette aux usagers d’avoir un accès à un réel service public de qualité (à moins de 30 minutes de chez eux) et à nos collègues de pouvoir travailler près de chez eux, ce qui correspond profondément à leurs « aspirations ». Outre cet accueil de proximité, l’outil numérique permettrait à nos collègues d’assurer des missions de la DGFiP.

Il est donc pour le moins paradoxal de vouloir poursuivre les fermetures de trésoreries de proximité (notamment les 800 trésoreries de 5 agents au plus) tout en affirmant qu’elles peuvent constituer « des lieux d’accueil des maisons France services ». Car, si tel devait être le cas, il faudrait précisément maintenir les trésoreries (et leurs missions) qui accueilleraient, dans leurs murs mais sans confusion des genres, ces entités.

Une nécessaire reconnaissance des agents :

Dans son courrier, le Ministre fait référence au dispositif d’accompagnement des mobilités en affirmant qu’il n’y aura pas de mobilité forcée, ni de perte de rémunération. Or tel est déjà le cas du fait de l’absence de revalorisation de la valeur du point d’indice d’une part, et du régime indemnitaire d’autre part. Nous sommes évidemment ouverts à la discussion sur le rattrapage de ces pertes et sur l’instauration d’un mécanisme permettant de les éviter à l’avenir. La question de la rémunération ne saurait donc se cantonner à l’accompagnement des mobilités. Prétendre cela est une provocation.

Nous notons l’engagement du Ministre selon lequel « il n’y aura pas de mobilité forcée », nous ajoutons « pas de mobilité fonctionnelle et géographique forcée ni incitée » pour être bien clairs : ceci doit par conséquent se traduire notamment par le maintien du maillage territorial et par l’application de règles nationales de gestion claires et équitables.

La question des déroulés de carrière est également déterminante. Le manque de reconnaissance provient également de l’absence de plan de transformations d’emplois et d’un déroulé de carrière freiné et, pour tout dire, ignorant les qualifications réelles de nos collègues. Les perspectives de déroulé de carrière concernent donc l’ensemble des agents. Il faut y répondre.

Bien évidemment, les nombreux sujets d’inquiétude et de mécontentement sont décuplés par l’impact potentiel de la réforme de la fonction publique dont la philosophie et les mesures qu’elle prévoit sont à l’opposé de ce que les missions et les agents des finances publiques ont besoin.

Le Ministre a donné le feu vert aux directeurs la semaine dernière pour présenter leurs projets de « déconcentration de proximité ».

Pour Solidaires finances Publiques, les agents ne sont pas dupes des éléments de langage : la hausse affichée du nombre de « points de contacts » n'a pour seul but que de masquer une attaque brutale et inédite contre la DGFiP :
- des suppressions de services : forte réduction du nombre d’impantations « réelles » : le nombre de trésoreries et de SPF est divisé par 3 environ, les « services fiscaux » sont appauvris (regroupement des SIE par ex), des SIP sont globalement maintenus mais fragilisés (ils seront touchés par la suppression de la TH : 3 900 agent.es en « ETPT »), d’autres services sont regroupés (PCRP, PCE, BDV…).
- des missions des trésoreries scindées entre les « services de gestion comptable » (recettes/dépenses) et les conseillers comptables,
- des transferts de missions et de services au sein, ou entre directions et/ou vers la province.
- des antennes provisoires sont prévues, ainsi que des espaces de « co-working », du travail à distance, du télétravail...
- pour les agent.es, les seules mesures concernent l’accompagnement (prime de restructuration de services) et la mobilité, avec un décalage entre le contenu de la réforme de la Fonction publique et ce que Gérald Darmanin a écrit aux OS (« il n’y aura pas de mobilité forcée »).

Solidaires Finances Publiques mesure l’ampleur de cette attaque et ses conséquences sur l’ensemble des personnels et sur le service public. Nous combattons résolument ces orientations néfastes et régressives et d’idéologie sous-jacente. L’heure n’est pas à la résignation, elle est à la combativité et à la reconstruction. Nous sommes déterminés à nous battre pour un vrai service public, accessible, technicien et de proximité ainsi que pour les droits et les garanties des personnels.

S'agissant de cette CAP :

Solidaires Finances Publiques dénonce une fois de plus le manque d’attractivité fonctionnelle et une reconnaissance financière qui n’est pas à la hauteur des enjeux.
À cela viennent s’ajouter des difficultés d’ordre géographique et leurs répercussions familiales et économiques. D’autant plus que les restructurations et les suppressions de poste d'IDIV obèrent leurs possibilités de retour dans les meilleurs délais.
À cela s’ajoute une pression hiérarchique qui ne cesse de s’accroître et qui est de plus en plus difficile à gérer. Enfin, les perspectives de déroulé de carrière s’amenuisent d’année en année.
Solidaires Finances Publiques revendique un indice brut 1015 pour les IDIV HC, ainsi que la fusion des deux grades d'IDIV et une revalorisation du régime indemnitaire des IDIV administratifs.
Concernant la sélection proprement dite :
Solidaires Finances Publiques souligne une fois de plus l'excellence des candidatures : 93 % des candidats ont un avis « apte » de leur directeur, et seuls 2 candidats ont un dossier comportant une mention.
Concernant les rapports des directeurs :
Certains chefs de service directs des agents ont été surpris que leur direction ne les sollicitent pas avant d’établir leur rapport. Par ailleurs, comment comprendre les avis des directeurs qui laissent des inspecteurs sur des postes d’encadrement tout en infligeant un avis « à confirmer » pour leur sélection?
Concernant le déroulé de l’entretien : Solidaires Finances Publiques reste très attaché à celui-ci qui devait être garant d’une équité de traitement entre tous les candidats. Malheureusement, le déroulement de ce dernier ne répond toujours pas à nos attentes. Solidaires Finances Publiques est exaspéré de reprendre l'intégralité des critiques formulées depuis de nombreuses années.
Nous avons encore une fois constaté des disparités flagrantes dans le déroulé de celui-ci d’où la nécessité de professionnaliser les jurys.
Pire, les remontées des candidats donnent l'impression que la situation se dégrade encore par rapport aux années passées. Sans faire une liste exhaustive, quelques remarques :
- une hostilité croissante voire une agressivité d'un ou des membres de plusieurs jurys ressentie par plusieurs candidats. Certains d'entre eux avaient l'impression que le jury se moquait ouvertement d'eux.
- certains candidats ont eu l'impression que leur parcours n’intéressait pas les jurys, pire, que tout était « joué d'avance »
- un écart considérable entre les oraux blancs et les entretiens passés par les candidats, notamment en matière de présentations, quand elles sont validées par les directions locales et les oraux blancs et retoquées brutalement par les comités d'entretien. Certains candidats vivent très mal cette distorsion et ne savent du coup plus comment se positionner. Les commentaires parfois très sévères des jurys déstabilisent d'autant plus les candidats qu'ils vont à l'encontre de tout ce que leur direction leur ont dit jusque-là.
- enfin, certains candidats ne comprennent pas pourquoi ils ont été interrogés pendant plus de 50 minutes quand pour d'autres l'entretien s'est interrompu au bout de 40 minutes.
L'accroissement de ces dérives, sauf à ce que la DG ait donné des consignes régressives en matière comportementale de la part des jurys, prouve que la formation d’une journée dispensée par RH1B et la fiche sur la conduite des entretiens fournie à chacun des membres des jurys demeurent largement insuffisant pour assurer une bonne conduite des entretiens et l’équité entre les candidats.
Ces dérives constatées renforcent Solidaires Finances Publiques dans sa revendication d’un jury national professionnalisé.
Nous avons demandé lors des précédentes CAP la mise en place d’un cahier des charges bornant l’exercice de l’entretien, transmis aux jurys des oraux blancs afin d’éviter les distorsions entre l’oral blanc et l’entretien.
Sur la grille d’appréciation : la suppression de la note chiffrée pour chaque item de cette grille ajoute de l’opacité à la note finale attribuée, par le jury.

Pour conclure, cette année encore, certains directeurs locaux connaissaient les résultats 15 jours avant la parution sur Ulysse informant ainsi les agents de leur note à l'entretien voire de la nécessité de se faire évoquer en CAPN. Pour Solidaires Finances Publiques, il est inadmissible que tous les candidats ne soient pas traités de façon identique, et qu'en fonction de leur direction d'affectation, ils aient le résultat avant les autres. Et qu'en conclure en termes de dialogue social ?