Les 29 et 30 mars se sont tenues les 21èmes journées intersyndicales femmes à la Bourse du Travail de Saint-Denis. Solidaires Finances Publiques était présent.
Ces deux journées qui ont rassemblé plus de 400 femmes et hommes des syndicats Solidaires, CGT et FSU ont été l'occasion d'avoir de nombreux débats. En effet, 4 séances plénières étaient organisées sur des thématiques d'actualité dans le mouvement féministe.
Le débat autour de « Femmes et espace public » a permis de questionner le genre de la ville, en réfléchissant par exemple à un urbanisme qui ne soit pas le reflet de discriminations sexistes. Les villes sont des reflets des organisations sociales et on constate un accès inégal à la ville notamment pour les femmes. Les intervenantes ont fait part de leurs recherches sur le terrain, à travers des discussions dans les quartiers en France mais aussi sur d'autres continents, et l'organisation entre autres, de cartes sociales où les femmes font part des trajets qu'elles font régulièrement et comment elles occupent la ville.
Dans un second débat, nous avons travaillé sur «Les luttes féministes et le mouvement ouvrier » : après une introduction de l'historienne Michèle Perrot qui a rappelé comment les femmes étaient entrées sur le marché du travail et du coup comment elles avaient investi les syndicats, faisant souvent face aux réticences des hommes militants dans un premier temps, la syndicaliste Fabienne Lauret est venue exposer son expérience d'ouvrière dans les usines Renault à Flin puis Fanny Gallot, historienne, est revenue sur la façon dont les ouvrières ont révolutionné le travail et la société à travers les luttes dans les usines de Moulinex et de Chantelle des années 60 aux années 90.
La seconde journée s'est ouverte avec un débat sur les retraites : une camarade a décrypté les mécanismes des propositions d'Emmanuel Macron et expliqué pourquoi le modèle « à la suédoise » tant vanté actuellement par les libéraux serait vecteur d'encore plus d'inégalités pour les pensions des femmes. Elle a aussi rappelé que les écarts de pensions entre les femmes et les hommes étaient actuellement de 14 % dans la Fonction publique. Une camarade basque a ensuite raconté leur lutte victorieuse dans de nombreux EHPAD suite à 370 journées de grève. Cette lutte syndicale et féministe a permis de conquérir de nombreux acquis pour les salariées dont 140 € d'augmentation mensuelle et la prise en charge de 100 % de leur salaire en cas d'arrêt maladie.
Enfin une dernière table ronde a rassemblé Sophie Pochic, sociologue, et Delphine Brochard, économiste, qui viennent de remettre un rapport à la DARES sur l'égalité professionnelle dans les entreprises. Alors que la loi de 2012 menace de sanctions financières les entreprises qui n'ont pas mis en place des négociations et un plan sur l'égalité femmes-hommes, les chercheuses ont rappelé que dans 60 % des entreprises aucun accord n'avait encore eu lieu et que seulement 0,2 % d'entre elles avaient été sanctionnées. Elles ont expliqué le contenu des accords ou des plans quand ils existaient et mis en garde sur certaines dérives de l'application de cette loi comme la tonalité maternaliste de ces accords, le manque d'indicateurs dans les textes produits, la difficile appropriation par les acteurs et actrices et l'égalité élitiste généralement produite.
Nous avons conclu nos travaux avec une réflexion sur la préparation du 8 mars 2019, la nécessité de le concevoir comme une journée de batailles interprofessionnelles et intersyndicales et l'importance du slogan politique de « Grève des femmes » qui s'adresse à toutes les femmes, qu'elles soient salariées ou non.
Au-delà des débats en plénières, ces intersyndicales femmes ont aussi été l'occasion de mener de nombreuses discussions informelles entre camarades de toute la France sur les inégalités subies sur nos lieux de travail, le sexisme parfois ressenti dans nos syndicats et les perspectives à donner à nos luttes féministes dans un cadre très convivial. Ces deux journées ont aussi permis de s'approprier de nouvelles thématiques du mouvement féministe, à décliner sur nos lieux de travail pour gagner l'égalité tout de suite !
Quelques livres des intervenantes pour aller plus loin :
- Corinne Luxembourg, Emmanuelle Faure, Edan Hernandez-Gonzalez : « La ville : quel genre ? » Editions Le temps des Cerises
- Fanny Gallot : « En découdre : comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société » Editions La découverte
- Fabienne Lauret : « L'envers de Flin : une féministe révolutionnaire à l'atelier » préfacé par Annick Coupé, Editions Syllepse
- Michelle Perrot : « Mélancolie ouvrière » Editions Grasset
- Sophie Pochic, Catherine Marry, Laure Bereni, Alain Jacquemart, Anne Revillard : « Le plafond de verre et l’État : la construction des inégalités dans la fonction publique » Editions Armand Collin