Alors que la catastrophe environnementale impose de profondes transformations des modes de vie et de travail, la DGFiP applique sous couvert d’écologie des mesures qui, loin de répondre aux véritables enjeux, dégradent les conditions de travail des agentes et agents, contournent le dialogue social et se limitent à des logiques d’économie budgétaire.
Liminaire
Solidaires Finances Publiques a parfaitement conscience des conséquences et des enjeux actuels s’agissant des crises environnementales, de leurs conséquences y compris sur des collègues qui ont eu à subir des intempéries et autres évènements climatiques. Si les modes de vie ainsi que les pratiques professionnelles se doivent d’intégrer ces enjeux, cela ne peut pas être au détriment des droits des agentes et agents et de la remise en cause brutale des conditions d’exercice de leurs missions.
Or, plusieurs exemples récents prouvent que certains directeurs et directrices forcent l’adoption de mesures prétendument écologiques avec des conséquences nocives sur l’organisation des missions, les conditions de travail et les droits des agentes et agents.
Parmi les cibles, nos collègues EDR (équipe de renfort) qui sont requalifiés en télétravailleurs/euses pour éviter des déplacements (et des remboursements de frais) avec l’affichage de lutter contre les gaz à effet de serre. La doctrine d’emploi des EDR est remise en cause, la logique de cette mission de renfort battue en brèche et avec lui l’intérêt du travail.
Des sites sont également ciblés et fermés un jour par semaine. Les agentes placé-es en télétravail, afin de faire baisser la consommation (et les factures) d’électricité et de chauffage. Le télétravail qui est basé sur le volontariat devient ainsi une obligation.
Des objectifs labellisés Ecofip sont assignés dans le Compte-rendu d'évaluation professionelle (CREP) de collègues, notamment dans le domaine du contrôle fiscal, les engageant à utiliser les véhicules de service. L’écologie à la sauce punitive pèse ainsi sur l’évaluation annuelle des collègues.
Ces diverses mesures se résument en réalité en uniquement des économies budgétaires et font que l’écologie à la DGFiP devient synonyme de contrainte. Une telle méthode dénature les enjeux écologiques et échoue clairement à faire adhérer et participer les premiers acteurs du changement que sont les agentes et agents. A contrario, d’autres mesures écologiques urgentes se font attendre, soit car considérées comme non prioritaires soit par faute de moyens, comme l’isolation des locaux, le changement des systèmes de chauffage, la production d’énergie autonome (photovoltaïque), la végétalisation des sites, le numérique éco-responsable, l’alimentation et la question des restaurants administratifs, etc.
Or, pour Solidaires Finances Publiques, pour réussir la bifurcation écologique, plusieurs conditions sont nécessaires :
- la formation de l’ensemble des agentes et agents est indispensable pour appréhender les enjeux ainsi que les solutions qui peuvent être mises en œuvre. Cette formation est, du reste, un objectif de la circulaire Borne du 21 novembre 2023, mais n’est pas encore mise en œuvre. De plus, imaginer qu’une simple e-formation, certes moins coûteuse, permette la sensibilisation réussie des collègues est un leurre. Pour Solidaires Finances Publiques, il doit s’agir d’ateliers interactifs permettant la réflexion collective. Se pose également la formation des ambassadeurs, référents mais également celle des collègues des services BIL ;
- la transition écologique doit être évoquée dans le dialogue social national comme local. Ainsi, l’activité de la mission Ecofip doit être présentée et débattue en CSAR. Les plans de transition environnementaux et les plans d’actions locaux doivent également être présentés en CSAL, et pas pour simple information, mais pour être discutés et améliorés. A ce titre, les documents présentés à ce GT ne présentent aucun des bilans qualitatifs détaillés du plan de transition de la DGFiP, se contentant de citer le nombre des axes, mesures et autres indicateurs. Nous regrettons particulièrement la non-présentation du tableau de bord, ce qui nuit à la transparence des échanges du jour ;
- le changement ne peut se concrétiser sans la participation en toute connaissance de cause des agents eux-mêmes. Les phases d’élaboration puis d’expérimentation ainsi que d’adoption des solutions doivent les associer pleinement.
De plus, le plan d’action présenté par la DGFiP est largement centré sur les plans de mobilité employeur (PDME) ce qui renvoie à la question de l’éco-responsabilité individuelle des agents et au télétravail comme uniques solutions. L’objectif cible de 25 % de télétravailleurs par jour en 2027 (pour une situation de 15 % atteinte en 2024) pose également question quant à l’organisation des services et des missions et de l’impact sur les conditions de travail des collègues. Nous rappelons que l’accord Fonction Publique du 13 juillet 2021 pose le volontariat et la réversibilité comme des garanties pour les agents. Du reste, dans son dernier rapport, la Cour des comptes souligne que la pratique du télétravail se doit d’être « ajustée au regard de la pratique effective et des contraintes de fonctionnement des services » en soulignant les nécessités de service ainsi que le bon fonctionnement du collectif de travail. Se pose également la question du transfert de consommation d’énergie au domicile des collègues, mal compensée par l'allocation forfaitaire de télétravail.
Par ailleurs, les documents fournis pour ce GT soulignent surtout la faiblesse des moyens indispensables pour atteindre les objectifs assignés par la circulaire Borne et notamment l’absence de financements d’investissements de long terme.
Nous ne pouvons par exemple que regretter la faiblesse du Fonds vert de l’État, à savoir 687 000 € pour 1 640 bâtiments soit à peine 418 € par bâtiment, ce qui est plus que dérisoire. La bifurcation écologique nécessite à la fois du courage politique et des moyens. Solidaires Finances Publiques défend son financement sur le principe de la justice fiscale.
Compte-rendu
Avant toute chose, les documents fournis pour ce GT nous laissaient espérer une présentation du tableau de bord servant au pilotage de la démarche ECOFiP ainsi qu’à une présentation des actions concrètement menées. Mais nous avons vite compris que le tableau de bord était « non finalisé » et sera donc transmis plus tard aux représentants des personnels. Nous ne savons donc rien de l’outil de suivi et de sa quarantaine d’indicateurs qui servent pourtant à évaluer l’avancement de la démarche et qu’il a donc été facile pour l’administration de présenter comme bien engagée. S’agissant des plans de transition locaux et des initiatives des directions locales, nous n’avons eu le droit qu’à des indications statistiques nous laissant clairement dans le flou sauf à admettre que des affirmations du style « Plus d’un tiers (36%) des mesures portent sur l’axe bâtimentaire ; les axes « mobilités » et « achats » représentent chacun 25% des engagements... » soient qualitatives.
Tout aussi significativement, notre revendication d’inscrire la démarche d’éco-responsabilité dans le cadre des instances nationales et locales de dialogue social (CSA et FS) n’a clairement pas été entendue. Réunir un GT annuel alors même que les démarches engagées ont des incidences sur les conditions de travail des collègues, sur les services et même parfois sur les missions, nécessite une transparence que le dialogue social doit permettre d’assurer. La DGFiP ne s’est donc guère montrée volontariste sur le sujet.
Comme pointés dans notre déclaration liminaire, Solidaires Finances Publiques a mis l’accent sur les points suivants :
- la réelle faiblesse des moyens financiers alloués par la DGFiP pour la mise en œuvre des mesures bâtimentaires. Ainsi, la DGFiP a reçu en 2024 du Fonds vert de l’État la somme de 687 000 € pour 1 640 bâtiments, ce qui représente à peine 418 € par bâtiment. Ce montant dérisoire explique que bien des investissements immobiliers, pourtant indispensables pour lutter à la fois contre les déperditions d’énergie (isolation, rénovation des ouvrants) et les gaz à effet de serre (GES) (changement de système de chauffage, production d’électricité par installation de panneaux photovoltaïques) ou encore contribuer à la désimperméabilisation des sols, ne soient pas davantage réalisés ou programmés. Les crédits de la mission Ecologie de la loi de Finances 2025 ayant été de plus amputés de deux milliards d’euros, les ambitions affichées ne peuvent qu’être donc revues à la baisse faute de financement à la hauteur des enjeux. Concernant l’enveloppe 2025 pour la réalisation de travaux immobiliers (rénovation énergétique...), la DGFiP n’en connaît pas encore le montant ce qui, à date, pose clairement problème. L’administration parle, comme pour d’autres sujets, « d’adaptation des objectifs aux moyens », de « cohérence » de ses engagements mais « à la mesure des moyens disponibles » en insistant sur la « sincérité » de sa démarche et sur l’obligation de la juger sur le long terme.
- la densification des locaux (comprendre moins de M2 via notamment les organisations flexibles) est un objectif assumé pour la DGFiP, ce qui n’est pas selon elle contradictoire avec l’amélioration des conditions de travail. Les collègues apprécieront. Un GT Immobilier est convoqué le 7 juillet prochain et permettra d’aborder à nouveau le sujet.
- cette politique de densification rime trop souvent avec télétravail imposé, et de plus le collectif de travail en prend un coup. Pour Solidaires Finances Publiques, les principes de volontariat et de réversibilité de l’accord Fonction publique du 13 juillet 2021 sur le Télétravail doivent être respectés. La DGFiP a indiqué qu’un GT serait dédié au télétravail et a déclaré que le télétravail n’est pas un objectif de transition mais est d’abord un objectif d’organisation du travail, assurant que le principe du volontariat reste. Elle a aussi annoncé en fin de réunion qu’un audit sur l’adaptation de l’organisation du travail au changement climatique est lancé (restitution en août). Son but : évaluer les impacts et évaluer les modes de gestion et les bonnes pratiques pour anticiper les événements climatiques. Le prochain bilan de l’expérimentation actuellement menée par la DDFiP du Val-de-Marne, avec la fermeture de plusieurs sites les vendredis, sera également un bon indicateur concernant la bonne conjugaison par la DGFiP de ses objectifs écologiques, du respect des droits des agents et de leurs conditions de travail ainsi que la bonne organisation et exécution de toutes les missions sans exception.
- la trop grande focalisation des mesures sur les déplacements des collègues et notamment les trajets domicile-travail. Certes, les déplacements de personnes sont le premier facteur d’émission de GES à la DGFiP (36 % du total des émissions et les déplacements domicile-travail en représentent 80 %). Concernant les déplacements professionnels, plusieurs exemples récents prouvent que certains directeurs et directrices forcent l’adoption de mesures prétendument écologiques avec des conséquences sur l’organisation des missions, les conditions de travail et les droits des agentes et agents (doctrine d’emploi des EDR voire suppression des EDR, inscription dans les CREP d’objectifs telle l’utilisation des véhicules électriques de service). Ces diverses mesures se résument en réalité à uniquement des économies budgétaires et font que l’écologie à la DGFiP devient synonyme de contrainte. Une telle méthode dénature les enjeux écologiques et échoue clairement à faire adhérer et participer les premiers acteurs du changement que sont les agentes et agents. La DGFiP mène de plus actuellement un audit concernant la mission EDR et ne cache pas son intérêt pour les seuls aspects financiers en arguant en GT que leurs frais de mission constituent le premier poste de dépense budgétaire.
De même, si la généralisation des plans de mobilité employeur (PDME) a son importance, la DGFiP ayant pour objectif que 100 % des directions soient couvertes en 2027, elle renvoie la question sur l’écoresponsabilité individuelle des agents pouvant même confiner à leur culpabilisation, les collègues n’ayant souvent pas de solutions alternatives à l’utilisation de la voiture. Ces solutions dépendent avant tout des politiques publiques permettant le développement des services publics de transport collectifs. La DGFiP dit vouloir sensibiliser et convaincre pour inciter au changement des comportements et ne pas vouloir faire dans l’injonction. Mais, comme nous l’avons souligné, et même dans le cas du déploiement de modes collectifs de transport, des contraintes personnelles s’imposent et la question de l’allongement des temps de trajet se pose également : cela pourrait du reste constituer pour la DGFiP une voie d’accompagnement via l’intégration du temps de transport dans le temps de travail, comme Solidaires Finances Publiques l’a revendiquée. Il est de plus utile de souligner que les distances domicile-travail ont eu tendance à augmenter du fait du NRP, ce qui n’est en rien le fait des agentes et agents. Et bien sûr, cela pénalise aussi les déplacements des usager-es, avec les mêmes conséquences sur les émissions de GES.
- l’absence remarquée du numérique et de l’alimentation (quid de l’application de la loi Egalim aux restaurants administratifs ?). Rien non plus contre l’artificialisation des sols pour cause d’inondations dont on ne peut que constater l’ampleur des dégâts. Or la végétalisation des abords des sites de la DGFiP apporterait une contribution non seulement à la désimperméabilisation des sols, mais aussi à l’absorption de CO2, principal gaz à effet de serre. Pour le numérique, c’est finalement en séance que des éléments d’information nous ont été transmis. Bien qu'au cœur de la stratégie de la DGFiP et pleinement inclus dans la circulaire Borne de 2023, le numérique est cependant totalement absent des priorités de réduction de l'empreinte carbone.
Or, l’enjeu numérique est en pleine expansion, stimulé par les politiques publiques qui misent sur la dématérialisation totale et l'usage de l'IA dans toutes les missions. Pourtant, cette technologie est insoutenable en raison de sa consommation énergétique, ainsi que des infrastructures et matériels nécessaires à son fonctionnement, qui reposent entre autres sur l'extractivisme des métaux rares et la pollution d’immenses volumes d’eau, nécessaires pour refroidir les datacenters et pour extraire les métaux. Dès lors, comment parler de numérique responsable ? A fortiori lorsque, comme notre syndicat l’a dénoncé, l’opacité est totale en matière de numérique à la DGFiP.
L’administration reconnait être confrontée à des difficultés pour obtenir les données nécessaires à l’évaluation de l’empreinte carbone du numérique. Cette situation est en grande partie due à l’externalisation d’un certain nombre de projets à des prestataires privés et à la chaîne de sous-traitance, ce qui sonne comme un aveu de faiblesse pour une administration qui affirme être en maitrise de son SI et qui au final est dépendante d’acteurs extérieurs.
Sur notre interpellation concernant la vétusté de certains datacenters, la DG confirme et nous informe que les 4 datacenters de la DGFiP sont en-dessous des moyennes en termes d’efficacité énergétique, avec un PUE (Power Usage Effectiveness, indicateur utilisé pour ce cas précis) inférieur à la moyenne nationale. Comprendre qu’ils consomment énormément. En réponse à notre question sur les mesures concrètes prises, on nous indique le projet de freecooling (technique de refroidissement des datacenters utilisant l'air extérieur ou l'eau pour réguler la température, réduisant ainsi la consommation énergétique liée à la climatisation) ainsi que l'utilisation de l'IA frugale. Cependant, aucune information ne nous a été fournie concernant le budget alloué à l'adaptation écologique de ces infrastructures. Nous restons ainsi dans le domaine de l’affirmation gratuite, sans engagement clair ni action tangible.
L’allongement de la durée de vie des matériels est un enjeu majeur, étant donné que la fabrication et le recyclage sont les étapes les plus polluantes. La DGFiP répond avoir augmenté de un an la durée de renouvellement des matériels, passant de 5 à 6 ans, et avoir acheté des housses pour PC. Pour Solidaires Finances Publiques, ce sont des « mesurettes » bien loin de répondre aux enjeux de l’urgence écologique.
Nous avons une nouvelle fois dénoncé le marché monopolistique de Microsoft, dont le système d’exploitation équipe les 95 000 postes des agent.es de la DGFiP. Ce modèle contribue directement à l'aggravation de l'empreinte carbone numérique de la DGFiP, en imposant une obsolescence forcée. Microsoft oblige ainsi le remplacement de matériels parfaitement fonctionnels sur simple décision unilatérale, rendant soudainement incompatibles des équipements qui fonctionnaient très bien. Cette pratique, qui sert avant tout les intérêts des actionnaires et non ceux des utilisateurs, génère un impact environnemental catastrophique, en plus de multiplier les déchets électroniques.
A la question combien de matériels DGFiP ont dû être renouvelés pour répondre à ces nouvelles exigeances, nous n’avons eu une fin de non-recevoir.
Au-delà des enjeux sécuritaires et budgétaires (sans réponse quant au montant de ce marché contracté avec Microsoft), cette dépendance au géant américain nous coûte une fortune pour un bénéfice écologique nul. Suite à ce que nous avons soulevé lors du groupe de travail informatique d’avril, la DG affirme désormais étudier la possibilité de recourir à des systèmes libres, comme Linux, afin de prolonger la vie des matériels et d’obtenir une meilleure maîtrise de son système d’information, à l’instar d’autres administrations régaliennes qui ont déjà franchi le pas.
- l’importance d’une formation en présentiel au plus près des collègues ainsi qu’une formation des référents, ambassadeurs et collègues des BIL (sans oublier de leur donner le temps indispensable pour se former et exercer leurs missions). Pour l’ensemble des agents, la DGFiP est malheureusement partie sur la voie de l’e-formation d’ici fin 2027. Ce type d’e-formation évolue de plus en plus vers l’obtention d’une attestation de suivi/résultat. L’administration veut visiblement occulter qu’une formation de qualité repose avant tout sur l’inter-activité de la relation entre le groupe et le formateur que seule l’animation en présentiel permet d’assurer. Seul devant l’écran avec le clic de la souris, pas de richesse des débats. Mais là encore, l’e-formation coûte moins cher : il faut des emplois pour la formation en présentiel, comme Solidaires Finances Publiques l’a d’ailleurs revendiqué.
Pour son plan de transition écologique, la DGFiP centre donc son action sur le PDME alors que la circulaire Borne du 21 novembre 2023 qui en constitue le cadre balaye beaucoup plus largement tous les axes d’action d’une transition écologique de l’Etat. L’absence notable de crédits suffisants limite forcément les ambitions. Du coup, l’action de transition écologique de la DGFiP est orientée davantage vers la recherche d’économies plus que l’investissement pour l’avenir. Mais attention, le coût de l’inaction se révèle souvent plus lourd que le coût de l’action comme l’a démontré en son temps le bien connu rapport STERN. En témoigne le coût des conséquences des inondations récentes subies dans le sud comme dans le nord de la France.