La DGFiP a publié son bilan social 2017 il y a quelques semaines. Ce document qui présente de façon chiffrée et sexuée de nombreuses données sur les effectifs, le recrutement, les emplois, la carrière, nous permet à présent de faire le point sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans notre administration.
L’évincement des femmes...
Les femmes représentent 59,80 % des effectifs payés de la DGFiP. Si elles sont très majoritaires en catégorie C avec 64,40 % des effectifs, force est de constater que plus on monte en grade, plus la tendance s’inverse mystérieusement... En effet, on les retrouve encore à 62,60 % chez les B, à 51,60 % en catégorie A mais elles ne sont plus que 27,20 % chez les A+ et 24 % dans les emplois de direction ! Certes c’est 0,5 % de plus qu’en 2016 dans la catégorie A+ et 1 % de plus dans les emplois de direction, mais à cette vitesse l’égalité femme-homme dans les effectifs payés de la DGFiP sera pour 2043 !
Évidemment, si les femmes disparaissent du paysage hiérarchique supérieur, les hommes apparaissent et représentent 76 % des emplois de direction et 72,80 % des cadres A+. La circulaire de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique du 11 avril 2016 fixe à 40 % la proportion minimale de primo-nomination de chaque sexe à des emplois de directions. En 2017, 27 % de femmes ont été primo-nominées à des emplois de direction, le changement n’est donc pas pour maintenant... et la DGFiP a dû normalement payer sa sanction financière en conséquence, comme c’est prévu par la loi !
L’évincement des femmes dans les grades les plus élevés entraîne de nombreuses inégalités notamment sur les salaires, car si dans la Fonction publique, à indice égal, les femmes et les hommes ont un salaire identique, les inégalités se creusent à cause d’une évolution de carrière beaucoup plus lente, voire souvent inexistante chez les femmes. Le phénomène est d’autant plus curieux, que l’on constate que les femmes ne désertent nullement les voies de promotion. Ainsi, pour l’accès à la catégorie A, elles représentent 59 % des personnels inscrits aux préparations aux concours et examen professionnel (soit 18 points d’écart) et pourtant la tendance ne s’inverse pas au sommet de la pyramide ! Les statistiques sexuées du bilan montrent une différence de 445 € chez les A+ à la faveur des hommes et de 281 € chez les A ; la Direction Générale se contente de préciser que cette différence s’explique par le fait que les hommes évoluent plus rapidement que les femmes dans leur carrière et atteignent des indices de rémunération plus favorables dans un même corps.
Solidaires Finances Publiques revendique de véritables politiques qui permettent l’égalité des salaires comme une prise en compte de l’ancienneté totale liée aux congés parentaux (aujourd’hui limitée à un an, puis réduite de moitié) et l’abrogation des mesures qui vont à l’inverse de l’égalité professionnelle. Cela concerne tout ce qui nuit à l’évolution de carrière des femmes : des mesures Fonction publique qui mettront largement en avant dès demain la rémunération au mérite (sur des critères de disponibilités défavorables aux femmes notamment) - ce qui freine l’évolution de carrière des femmes -, les stéréotypes, les absences de bonifications en cas de grossesse, les formations éloignées, les promotions, concours liés à des mutations souvent ingérables pour les femmes. Des plans d’actions ministériels sont censés remédier à cela depuis 2011, or rien de très concret n’en est sorti, à part ces données genrées à disposition !
Des mesures discriminantes
En 2017, la DGFiP a recruté 3382 agent-e-s par voie externe dont 56 % de femmes. En interne, elles sont 65,4 % à avoir changé de corps par concours interne, 63,6 % par examen pro et 67,9 % par liste d’aptitude. Ces chiffres révèlent que les avancées professionnelles des femmes se font plus largement «en interne». Ne disposant pas de données statistiques nous permettant de mesurer si les hommes obtiennent plus rapidement une promotion par concours que les femmes, il est difficile d’identifier avec précision les causes endogènes de ralentissements de carrière pour ces dernières. Toutefois, on constate qu’en matière de préparation au concours d’IFiP Généraliste, il y 43,7 % d’hommes pour 56,3 % de femmes alors que pour la préparation à l’examen professionnel de B en A, il y a 33,6 % d’hommes pour 66,1 % de femmes.
Nous pouvons donc en déduire qu’il y a, à situation égale par ailleurs, sur la plage utile de l’examen professionnel, bien plus de femmes restant en attente de promotion que d’hommes. Visiblement, cette pénalisation des femmes au regard de l’ascenseur social ne semble pas émouvoir la DGFiP. En effet, par son nouveau décret 2018-662 du 26/07/2018 modifiant le décret 2010-986 du 26/08/2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la DGFiP, elle introduit une limitation à 5 fois le nombre total de participations aux concours externes et internes. Ce type de mesure pénalise d’abord les femmes qui auto-limiteront leurs participations aux concours à cause des charges familiales qui reposent encore majoritairement sur leurs épaules et/ou trouveront moins de temps pour préparer les concours avant épuisement des 5 fois permises. Scandalisé par cette mesure, Solidaires Finances Publiques a argumenté son opposition, mais la Direction Générale est restée arcboutée sur sa décision, sans jamais prendre d’engagement de lutter avec détermination contre les ralentissements de carrière.
Nous avons également tenté la saisine du défenseur des droits mais ce dernier, sans contester les faits que nous avions portés à sa connaissance, se retranche derrière les limites de ses prérogatives largement circonscrites par le législateur. Ainsi, on peut mesurer à quel point, entre l’affichage fait par l’administration et les pouvoirs publics en matière de lutte contre les discriminations femmes-hommes, il y a un fossé.
Le privé est politique
L’égalité professionnelle est aussi, en partie, liée à l’égalité dans la sphère domestique. En 2017, 92,80 % des congés parentaux et 86 % des temps partiels sont pris par les femmes. En effet, ce sont encore majoritairement elles qui s’occupent des enfants et des tâches ménagères à la maison : 4h38 par jour contre 2h26 pour les hommes. Autant de risques de voir sa carrière ralentir, son salaire stagner et moins de temps pour passer des concours ! Par ailleurs, le nouveau dispositif de télétravail a été investi à 70 % par des femmes, c’est là aussi la preuve que la conciliation emploi-famille se compose plus largement au féminin. Se battre contre les inégalités femmes-hommes nécessite donc de le faire sur nos lieux de travail mais partout en-dehors et au quotidien aussi.
Syndicalement : la nécessité de se bouger !
Le bilan social de la DGFiP relève de grandes inégalités entre les femmes et les hommes, mais il mentionne aussi les chiffres de 26,7 % de femmes élues en CAPN et 40 % en CT, la parité étant acquise pour les élu-e-s CHSCT. Le combat pour l’accès aux responsabilités supérieures doit également être mené collectivement dans les organisations syndicales et déjà certaines d’entre elles, comme Solidaires Finances Publiques, s’y emploient avec détermination. Se contenter de faire le constat que les femmes ne sont pas assez présentes syndicalement ne suffit pas. Souvent, les femmes expriment leur envie d’être élues ou de s’engager mais disent ne pas enavoir les moyens, les disponibilités suffisantes qu’elles soient de temps ou mentales (stress foyer/travail/enfants). Il faut qu’à la fois l’administration facilite les conditions matérielles pour militer et que Solidaires Finances Publiques continue, dans la concrétisation de son orientation, à donner les moyens aux femmes d’être présentes partout où nous sommes implanté-e-s.
Le bilan social de la DGFiP permet à présent de mesurer les inégalités en présentant des données sexuées. Cependant, il manque encore certains renseignements, comme les chiffres du harcèlement qu’il soit sexuel ou moral, des informations sur la situation des agentes et agents en difficultés... À la DGFiP comme ailleurs, nous voulons l’égalité professionnelle maintenant. Cette égalité passera par des mesures ministérielles concernant les carrières, les promotions, les recrutements mais aussi par des actions quotidiennes contre le sexisme.
De tous temps, les femmes se sont battues pour une égalité réelle avec les hommes dans toutes les sphères de la vie. Il y a eu des avancées, des reculs aussi. Les droits des femmes ne sont jamais acquis, il nous faut toujours être vigilant-e-s, se battre pour garder ceux conquis, lutter pour en avoir d’autres.