Un groupe de travail "informatif" égalité professionnelle femmes-hommes et diversité était convoqué ce vendredi 6 novembre 2020 pour présenter le projet de plan d'actions de la DGFiP en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Nous étions sceptiques sur la tenue et la portée des échanges lors de ce groupe de travail, puisqu'informatif, et parce qu'il s'est tenu en tout distanciel. Même si les échanges ont été nourris, nous restons dubitatives sur l'intégration de nouveaux éléments dans la version définitive du plan, modifications qui devraient rester très à la marge.
Pour un plan qui a été annoncé comme "non figé", il apparaît à la fin de ce GT comme n'ayant bougé que d'un cil.
Déclaration liminaire
L’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes sont des luttes à mener toute l’année, au quotidien. Mais en ce mois de novembre, un focus sera fait comme tous les ans, le jour du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes.
Et cette année, cette journée résonne plus particulièrement sur le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Leur dénier ce droit est une forme de violences sexistes et sexuelles.
32 pays, dont les États-Unis, le Brésil, la Hongrie ou l’Egypte, se liguent contre le droit à l’avortement dans une déclaration commune. En Pologne, des milliers de femmes manifestent et ont participé à une journée de grève nationale des femmes contre les restrictions du droit à l’avortement, le rendant impossible. En France, la vigilance reste de mise car on voit bien que les droits acquis restent fragiles et peuvent être remis en cause.
Aujourd’hui, nous sommes réuni·es pour travailler sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur la diversité au sein de la DGFiP.
Avant de parler du fond, nous allons parler de la forme de ce groupe de travail « informatif ». Il s’inscrit dans un agenda social, avec une date fixée depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois. Pour autant, les documents de travail n’ont été fournis aux représentantes et représentants du personnel que nous sommes qu’il y a 4 jours, en soirée, ne nous laissant que 3 jours pour travailler dessus, et compte tenu du calendrier social, ce ne sont en réalité pas 3 jours complets que nous avons pu consacrer à l’analyse de leur contenu. C’est inacceptable ! La date de tenue de ce GT n’ayant pas été modifiée, les documents étaient donc prêts bien avant. Il existe des règles pour la transmission des documents préparatoires à nos instances et ce ne sont pas les organisations syndicales qui les ont instaurées.
Sur les conditions matérielles, avec une jauge de seulement 8 personnes en présentiel, sur un délai aussi contraint, ce GT va se tenir principalement en distanciel. Nous avons déjà l’expérience en d’autres instances pour savoir que ce ne sont pas les conditions idéales pour travailler sereinement et efficacement, en partant du principe qu’il n’y aura aucun souci technique. Quoiqu’il en soit, le choix d’une salle plus grande permettant un plus grand nombre de personnes en présentiel aurait été plus judicieux, même si pour cela, le GT aurait été décalé de quelques jours pour la trouver.
Sur le fond, vous nous soumettez 2 documents, un bilan statistique et un projet de plan d’actions en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes à la DGFiP.
Un bilan statistiques reprenant des éléments du bilan social et d’une étude de cohorte de contrôleurs et contrôleuses de la DGFiP. Ces éléments démontrent, encore une fois, que bien que la DGFiP soit une administration majoritairement féminine, des écarts en matière de déroulé de carrière, en matière de rémunération perdurent entre les hommes et les femmes. Et cette situation subie pendant la vie active se répercute mécaniquement une fois à la retraite.
Le second, un projet de plan d’actions basé sur le plan ministériel pour les années 2020-2022 sorti en mars 2020. La première chose qui frappe, c’est la différence de poids et du nombre de pages entre les deux. S’il est évident que des mesures ministérielles n’ont pas vocation à apparaître dans un plan directionnel, il apparaît que des mesures ont disparu entre les deux niveaux de décisions. A contrario, on note qu’au moins une mesure, pourtant supprimée du plan ministériel au terme du cycle de discussions et de travail avec les organisations syndicales, réapparaît d’office dans le plan que vous proposez.
Lors de la sortie du plan ministériel en mars 2020, notre fédération Solidaires Finances s’inquiétait de n’avoir aucune garantie sur sa déclinaison par les directions, le risque étant grand d’en voir certaines adapter à leur convenance ses dispositions. Il semble bien que ce soit le cas à la DGFiP.
Par contre, des constantes avec le plan ministériel : l’absence de moyens notamment budgétaires et d’échéances. Si les volontés dégagées et certaines propositions de mesures sont louables, il n’empêche que sans moyens alloués, elles ne resteront que ce qu’elles sont : de belles intentions portées sur du papier glacé.
Nous vous demandons d’ores et déjà, pour le projet de plan d’actions, de revenir sur chaque mesure, de nous présenter pour chacune, votre démarche sur le fait de retenir ou pas telle ou telle mesure, d’en réintroduire une autre.
Ce groupe de travail est qualifié d’« informatif ». Pour autant, il n’est pas question pour Solidaires Finances Publiques de ne pas pouvoir travailler sur ce projet de plan d’actions sur l’égalité entre les femmes et les hommes à la DGFiP, de ne pas pouvoir apporter des modifications qui nous apparaissent nécessaires et utiles.
Pour Solidaires Finances Publiques, l’ensemble de ces documents mérite le temps de l’échange et du débat mais il faut pour cela que vous en acceptiez le principe. Ainsi nous attendons que vous nous confirmiez que le plan proposé n’est pas figé, que nous pouvons valablement échanger, afin de pouvoir apporter des modifications, des propositions, selon un calendrier restant à définir.
Si cela ne devait pas être le cas, si le projet soumis est de fait fixé, et que cette réunion n’était qu’une simple modalité d’information et de pouvoir cocher une case en matière de « dialogue social », Solidaires Finances Publiques en tirera les conclusions utiles.
Fiche 1 - Bilan statistique - Etat des lieux de l’égalité professionnelle à la DGFiP
Cette fiche n'a pas été étudiée en tant que telle. Les éléments qu'elle porte ont été évoqués ou ont servi d'illustrations pour la fiche 2.
Nous ne reviendrons pas ligne par ligne, tableau par tableau sur ce bilan statistique. Des éléments sont extraits du bilan social, celui-ci sera vu lors d’un CTR. D’autres proviennent de l’étude d’une cohorte de contrôleurs et contrôleuses des Finances publiques, entre 2013 et 2016.
Néanmoins, nous allons revenir sur certains éléments qui doivent servir de base, d’exemples sur ce qui ne doit plus exister, ce qui doit être amélioré, et ce qui doit être envisagé à la DGFiP.
La DGFiP est une administration majoritairement féminine, dans toutes les catégories sauf quand on atteint les grades A+. Encore et toujours. Les déroulés de carrière entre les femmes et les hommes restent différenciés.
Les agentes sont plus âgées que les agents. Leur carrière hachée, notamment pour gérer la famille, les oblige à rester plus longtemps en activité pour espérer moins perdre de revenus au moment de partir à la retraite. Et avec les diverses réformes du système de retraites, ce n’est pas gagné. Il est donc vital qu’au moins pendant la période active, tout soit fait pour améliorer les revenus perçus une fois à la retraite.
Cela en lien avec les conditions de travail. Les femmes sont majoritaires à prendre les temps partiels. On ne peut parler de véritable choix en la matière car bien souvent, c’est pour pouvoir garder les enfants. Par manque de dispositif adéquat et à disposition, en lien avec l’Action sociale. Mais aussi par manque de moyens financiers pour payer du personnel formé ou des structures pour accueillir leurs enfants. Ce sont donc les premières catégories des effectifs, les C et B, donc les moins bien rémunérées qui prennent ces temps partiels, qui donc perdent encore de la rémunération, qui donc perdent encore sur le montant de leur pension si elles ne peuvent pas, en plus, payer une surcotisation.
Sur les heures écrêtées, pourquoi un tel différentiel entre les femmes, qui se font le plus écrêter, et les hommes ? Parce que sur les postes occupés majoritairement par les femmes, les charges de travail sont telles qu’une journée type est insuffisante ? Un gros travail d’analyse et de correction est à mener sur ce point. Il s’agit bien d’un problème plus global de charges de travail, d’organisation du temps de travail et des services.
Ce qui nous amène au télétravail, facilitateur pour concilier vie privée et vie professionnelle ? NON. Le télétravail est un mode d’organisation du travail et des services. Il doit être vu et organisé en ce sens, avec le volet des conditions de travail.
Sur le déroulé de carrière, on voit bien, encore et toujours, que les femmes privilégient les voies de promotion interne. CIS, EPA, LA, tableaux d’avancement qui nécessitent une certaine ancienneté, qui interviennent après un certain nombre d’années d’activité, cela essentiellement parce que les femmes se censurent, font passer la vie familiale avant (élever les enfants) et ne pensent à leur carrière qu’après et évitent aussi une mobilité liée à une promotion lorsqu'elles ont encore de jeunes enfants.
En application de la loi Sauvadet, dans son titre 3, un décret d’application apporte des précisions, notamment sur les primo-nominations aux emplois supérieurs de la DGFiP. Ce décret de 2012 a été modifié le 27 décembre 2018. Pourquoi ? Parce que la DGFiP était en-deça des pourcentages de primo-nominations fixés par le législatif pour la deuxième année consécutive et a donc participé à l’amende qu’a dû payer Bercy pour non respect des engagements. Qu’à cela ne tienne, la liste des emplois concernés est modifiée de manière restrictive. Moins d’emplois concernés, moins de risques de ne pas atteindre les chiffres demandés. Redressement de la barre pour 2019. Mais qu’en sera-t-il pour 2020 ? Etre passé par la case décret sera-t-il suffisant pour modifier la tendance sur la durée ? Rien n’est moins sûr.
En matière de rémunération, les différences s’expliquent par la NBI fonctionnelle, et des primes ACF parce qu’elles sont en lien avec des affectations et des fonctions sur des métiers exercés majoritairement par des hommes. La récente disparition des attributions de réductions d'ancienneté ne doit pas obérer le fait que les femmes enceintes ont souvent été discrimées l'année de leur grossesse, voyant ainsi leur ancienneté avancer moins vite. Les effets se voient encore aujourd'hui bien que le dispositif n'existe plus.
Enfin, nous voulons faire un focus sur une population. Les femmes de plus de 50 ans. Elles sont les plus exclues des formations. Avec toutes les réformes actuelles et à venir, leur fin de carrière n’est plus la même. Elles nécessitent un accompagnement et un suivi particuliers sur leur déroulé de carrière, quelle que soit leur catégorie, y compris pour progresser jusqu’aux grades A+, dans un contexte de recrutement et d’affectation au profil qui s’accentue.
Si l’étude de cohorte reprise dans ce document pointe des éléments pérennes, il n’empêche qu’elle est obsolète sur certains points. Les règles de gestion, en matière d’affectation notamment, ont beaucoup évolué et les nouvelles règles auront forcément des impacts.
Des études d’impact des lignes directrices de gestion, du développement des postes à profil, sur la rémunération au mérite, par exemple, devront être menées pour mettre à jour les analyses sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
Fiche 2 - Projet de plan d'actions égalité professionnelle
Le plan d'actions DGFiP a été déroulé, en faisant le parralèle avec le plan ministériel.
Il comporte 5 axes, chaque axe étant détaillé en mesures et en actions :
- axe 1 : Mieux articuler vie professionnelle et vie personnelle
- axe 2 : Lutter contre les stéréotypes de genre pour favoriser la mixité des métiers
- axe 3 : Garantir l'égalité salariale et l'égalité effetive dans les parcours professionnels
- axe 4 : Prévenir et lutter contre les violences sexistes et sexuelles
- axe 5 : Améliorer la gouvernance pour un déploiement efficace de la politique égalité
Le plan ministériel dont découle le projet de plan directionnel est perfectible. Nombre d'éléments manquent, notamment en matière d'échéances, de moyens humains et budgétaires, de sanctions envers les directions qui ne respecteraient pas le plan. C'est ce qui avait incité les fédérations syndicales, dont la nôtre Solidaires Finances, à ne pas le signer.
Pour autant, il a été rédigé après un cycle de discussions entre le Secrétariat général et les représentantes et représentants du personnel.
Le Secrétariat général a inclus des propositions des fédérations syndicales, que ce soit en ajout ou en suppression de mesures. Ce qui ne sera pas exactement le cas avec la DGFiP. D'une part, le projet de plan présenté ne devrait être modifié que très à la marge et, alors que les organisations syndicales ont demandé le retrait d'une mesure (sur le télétravail, voir plus loin), la DG reste campée sur ses positions et la maintient. D'autre part, les échanges suivants se feront lors des suivis annuels, donc a posteriori de l'élaboration du plan.
Communication est le maître mot de ce plan d'actions. Par l'information, dispensée très largement sur les droits des parents ou sur les violences sexistes et sexuelles par exemple. Sur ce dernier point, la DG va rappeler les obligations en matière d'affichage dans les services sur les sanctions judiciaires en la matière.
Par la formation, initiale et en cours de carrière. Que ce soit sur les discriminations ou sur les violences sexistes et sexuelles, tous les agents et toutes les agentes doivent être formé.es. La DG va préciser le plan en ce sens.
L'accompagnement ressort également beaucoup. Accompagnement des parents, accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles, accompagnement des personnels pour améliorer leur déroulé de carrière, etc.
Les intentions sont louables. Les études et bilans à établir doivent permettre de voir ce qu'il y aura à corriger. Néanmoins, nous restons très vigilantes et vigilants sur les effets des actions envisagées.
Il ne faut pas occulter l'impact qu'auront les lignes directrices de gestion et le NRP, pour ne citer qu'eux. La DGFiP subit des changements en profondeur qui auront nécessairement des effets en matière d'égalité professionnelle.
Exemple de mesures portées dans le plan ministériel et absentes du plan DGFiP :
Accorder une heure d'autorisation d'absence par jour, pendant une année à compter du jour de la naissance de l'enfant aux femmes à compter du jour de la naissance de l'enfant aux femmes souhaitant allaiter leur enfant et ou tirer leur lait
Ce qui est actuellement prévu à la DGFiP :
En l'absence de dispositions particulières, il n'est pas possible d'accorder un congé d’allaitement ou des autorisations spéciales d’absence aux mères allaitant leurs enfants, tant en raison de la durée de la période d'allaitement que de la fréquence des absences nécessaires. Toutefois, lorsque l’enfant est gardé au sein d’une structure appropriée se situant dans les locaux administratifs ou à proximité (crèche ou lieu de garde de l’enfant voisin du lieu de travail de la mère), les intéressées peuvent bénéficier d'autorisations d'absence pour allaiter leur enfant dans la limite d'une heure par jour, à prendre obligatoirement en deux fois.
Cela suppose que les enfants sont à grande proximité du lieu de travail, ce qui est très loin d'être le cas partout et ne porte pas la situation où la mère veut tirer son lait. Dans certaines directions, voire certains servies au sein d'une direction, une salle peut être mise à disposition. Mais le plus souvent, les collègues doivent se rabattre au mieux dans le coin cuisine, s'il existe et qu'il se ferme à clé, au pire sur les toilettes... Nous avons demandé à ce que les mères qui veulent tirer leur lait puisse le faire dans les meilleures conditions sanitaires possibles.
La DG a répondu en indiquant qu'elle valorisera les bonnes pratiques qui existent, afin de montrer qu'elle les approuve, mais elle manque de moyens pour le faire dans les 3 ans du plan actuel. Elle informera et contactera les directions locales sur ce sujet et le garde à l'esprit pour le plan suivant...
Mesure enlevée du plan ministériel et remise dans le plan DGFiP :
Promouvoir le télétravail et de nouvelles modalités d'organisation du travail
Mesure qui dans le détail ne concerne que le télétravail.
Le télétravail est un mode d’organisation du travail et des services. Il doit être vu et organisé en ce sens, avec le volet des conditions de travail.
Travailler sur le télétravail en matière d'organisation du travail, d'organisation des services, de conditions de travail, de mesures d'accompagnement avec l'Action sociale. OUI.
Vanter et présenter le télétravail comme facilitateur pour concilier vie personnelle et vie professionnelle dans l'optique de l'égalité entre les femmes et les hommes. NON.
Lors du début de l'expérimentation du télétravail à la DGFiP, nous avons eu des remontées de collègues féminines à qui leur participation avait été refusée parce que justement, elles pensaient pouvoir concilier vie privée et vie professionnelle. Les directions concernées, sur ce point, ont été honnêtes. Et aujourd'hui, la DGFiP veut faire croire au contraire.
Le télétravail ne réduit pas la charge de travail, ne raccourcit pas les journées de travail (quand il ne les rallonge pas). Les agentes et les agents devront donc continuer à s'organiser pour, par exemple, emmener les enfants à la crèche, chez la nounou, à l'école à l'autre bout de la ville ou à plusieurs kilomètres de la maison. Comme le temps partiel, il est majoritairement demandé par contrainte, pas par véritable choix.
Nous étions plusieurs fédérations aux Finances à demander le retrait de cette mesure, le Secrétariat général nous a écoutées et l'a enlevée du plan ministériel. Ce n'est pas le cas de la DGFiP.