L’INSEE vient de publier l’édition 2022 du portrait social de la France. L’un des dossiers est consacré à l’impact des réformes socio-fiscales de 2020 et 2021 sur le revenu disponible et le niveau de vie des ménages en 2021.
Ces réformes se composent de mesures pérennes : baisse de l’impôt sur les revenus de 2020, poursuite de la suppression de la taxe d’habitation en 2020 et 2021, revalorisation du minimum vieillesse et de l’allocation supplémentaire d’invalidité, extension de la garantie jeunes en 2021, sous-indexation de certaines prestations par rapport à l’inflation en 2020 ; et de mesures exceptionnelles comme les aides ponctuelles, le chèque complémentaire de 100 euros ou encore l’indemnité inflation de 100 euros et la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dite « prime Macron ».
Si les mesures sociales et fiscales augmentent de 1,1 % le niveau de vie des personnes en France métropolitaine, il est cependant constaté, sans surprises, qu’elles profitent à la moitié la plus aisée de la population.
Ce sont les mesures exceptionnelles qui touchent majoritairement les plus modestes. Les mesures pérennes comme la réforme de la taxe d’habitation, d’abord dégrevée puis supprimée en 2023, et la baisse des taux applicables aux tranches de l’impôt sur le revenu, accroissent majoritairement le pouvoir d’achat des foyers les plus imposables à l’impôt sur le revenu. Ces inégalités se traduisent par une augmentation du niveau de vie allant jusqu’à 470 euros annuels en moyenne pour les personnes dont le revenu disponible se situe entre 26 680 euros et 30 820 euros, contre 90 euros pour les personnes dont le revenu disponible est inférieur à 21 250 euros.
Concernant l’impôt sur le revenu : il existe actuellement 5 tranches dont les taux ont été revus à la baisse passant de 14 % à 11 % pour la deuxième tranche, et dont les montants des tranches ont été ajustées.
Dans son bilan fiscal et social, Solidaires Finances Publiques rapportait déjà que cet ajustement avait pour conséquences une moindre imposition liée à la baisse du taux mais une augmentation de l’imposition pour les catégories intermédiaires avec les effets de seuils.
Le rapport de l’INSEE confirme que la baisse des taux a eu très peu d’impact sur la moitié des foyers les plus modestes qui ne sont pas ou peu imposables.
Pour Solidaires Finances Publiques, l’impôt sur le revenu est le principal impôt progressif et doit permettre, à ce titre, de corriger les inégalités de revenus, de parvenir à plus de justice fiscale et de générer des ressources budgétaires conséquentes. La réforme de l’impôt sur le revenu associée à la mise en place du prélèvement forfaitaire unique et à la multiplication des niches fiscales a entraîné une dégressivité de l’impôt pour les plus riches, ce que confirme cette nouvelle enquête de l’INSEE. Nous défendons une réelle progressivité de l’impôt sur le revenu qui passe par une augmentation du nombre de tranches pour que chacun·e puisse contribuer selon ses ressources.
Quant à la taxe d’habitation de la résidence principale, sa réforme a conduit à une dégressivité de son dégrèvement en fonction du revenu fiscal de référence des ménages et du quotient familial. Pour 80 % des foyers fiscaux elle a été supprimée en 2020 après avoir été dégrevée de 30 % en 2018 puis de 65 % en 2019. Alors que la poursuite de son dégrèvement a favorisé les ménages de niveau de vie intermédiaire en 2020, le volet 2021 n’a eu aucun effet sur les 70 % les moins aisés mais a augmenté le niveau de vie des plus aisés de 240 euros !
Notre organisation syndicale a très tôt alerté sur les conséquences néfastes de la suppression de la taxe d’habitation sur les finances des collectivités territoriales dont elle représente un tiers des budgets. Si la taxe d’habitation est bien un impôt injuste qui repose sur des bases obsolètes, sa suppression et son remplacement par le versement d’une fraction du produit de la TVA nationale sont de profonds facteurs du renforcement des inégalités territoriales. Pour une mesure qui se voulait sociale, la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale bénéficie majoritairement aux populations les plus aisées qui n’ont pas d’abattements ou d’exonération initiales sur cet impôt.
À propos des prestations sociales, l’enquête montre que les augmentations de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, de l’allocation supplémentaire d’invalidité et de la garantie jeunes sont annulées par la sous-indexation de certaines prestations sociales par rapport à l’inflation en 2020. Au final, les mesures concernant les prestations sociales n’ont pas ou peu d’effet sur le niveau de vie des plus modestes.
Enfin, les mesures exceptionnelles conditionnées aux revenus, impactent principalement les populations les plus précaires. La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dite « prime Macron » a un effet moyen sur le revenu disponible annuel par ménage concerné de 30 à 170 euros. Par ailleurs, elle est soumise à la décision de l’employeur. Son exonération sociale et fiscale génère un manque à gagner dans les caisses des cotisations sociales de 40 à 280 millions d’euros et de 30 à 180 millions d’euros pour l’impôt sur le revenu. Solidaires Finances Publiques avait déjà émis des réserves sur le coût pour la collectivité d’une telle mesure. Si les primes exceptionnelles permettent de desserrer ponctuellement les budgets des ménages les plus modestes, nous défendons des augmentations de salaires pérennes et une meilleure répartition des richesses produites.
Cette enquête confirme ce que notre organisation syndicale dénonce depuis plusieurs années. Les mesures fiscales des gouvernements Macron profitent aux plus riches. Elles sont non seulement profondément injustes, mais elles accentuent les inégalités.
Bref, le ruissellement c’est pas pour maintenant !
Il y a urgence à faire de la fiscalité un véritable instrument de répartition des richesses pour plus de justice fiscale, sociale et environnementale !