Au lendemain des annonces gouvernementales des mesures de confinement de l’ensemble de la population, tous les enjeux ont tenu dans l’harmonisation des dispositifs de protection de la santé des agents et agentes des Finances publiques.
En cela Solidaires Finances Publiques a concédé en la période une certaine latitude à la DG pour assurer cette priorité absolue. Le télétravail devant devenir la norme de travail pour réduire à son minimum les agents obligés d’exercer leur mission en présentiel. Pour ce faire, la DGFiP, n’ayant pas anticipé d’avoir à mettre autant d’agents en télétravail, a eu à recourir à des formes bien sauvages de télétravail allant jusqu’à ce que l’agent travaille depuis son poste personnel.
Les résultats
Enquêtes Solidaires Finances Publiques
Suite à l’initiative lancé par Solidaires Finances Publiques, presque 15 % de nos adhérentes et adhérents ont participé. C’est un très bon score surtout que l’enquête était exclusivement destinée aux personnels qui étaient en télétravail.
Sommaire :
- Situation DGFiP
- Analyse descriptive des données
- Environnement physique et numérique
- Activité et charge de travail
- Encadrement
- Relations de travail
- Articulation des temps de vie
- Bilan
Situation DGFiP
Évolution des agents en télétravail au sein de la DGFiP
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Analyse descriptive des données
Répartition Femme/Homme
Répartition d'âge
Répartition chef·fes de service/agent·es
Répartition par structure
Répartition par expérience de télétravail
Avant le Coronavirus, vous arrivait-il de télétravailler ?
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Environnement physique et numérique
Qualité installation
Plus de la moitié des télétravailleurs ont une bonne qualité d’installation (60 %). 40 % ont une qualité d’installation de moyenne à médiocre.
Qualité équipement
Plus des 3/4 des télétravailleur·ses considèrent avoir des outils adaptés à l’exercice de leur activité en télétravail.
Qualité de la connexion Internet
80 % des télétravailleur·ses ont une bonne connexion Internet. 20 %, une qualité moyenne à pas du tout un bon accès.
Donc la majorité des télétravailleurs et télétravailleuses disent avoir un environnement physique et numérique de bonne qualité.
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Activité et charge de travail
Capacité de réalisation des tâches en télétravail
La majorité des télétravailleurs (53 %) ne peuvent faire leur tâches que partiellement en télétravail. Un peu plus d’un tiers peuvent exécuter leur tâche habituelle en télétravail comme en présentiel.
Qualité de la définition des tâches à réaliser en télétravail
77 % des télétravailleur·ses considèrent que les activités qu’ils doivent réaliser en télétravail sont bien définies. Mais pour presque 1 télétravailleur·se sur 10, les tâches à réaliser en télétravail ne sont pas bien définies.
Ajustement du télétravail
Pour plus d’un tiers des télétravailleur·ses, leurs objectifs, délais et résultats ont été ajustés. Mais pour la majorité des télétravailleurs (62 %) ils n’ont été que partiellement ou pas du tout ajustés.
Présence de critères de priorisation
Pour la majorité des répondants et répondantes, des critères de priorisation ont été données. Mais pour presque la moitié restante, il n’y en a eu que partiellement, très partiellement voire pas du tout. Presque 2 télétravailleurs sur 10 n’ont pas eu de critères de priorisation.
Quantité de travail
Pour la majorité des télétravailleurs il n’y pas eu de sentiment de plus ou moins travailler que d’habitude. Il y a eu plus de répondants à trouver que c’était moins que plus que d’habitude (26 % contre 13 %).
Sentiment de fatigue
Il y a presque une répartition en tiers : 1/3 trouve qu’ils sont plus fatigué (31 %), 1/3 autant (32 %) et 1/3 moins que d’habitude (37 %). Avec une prévalence pour le moins fatigué.
Niveau d'efficacité
Pour la majorité de télétravailleurs et télétravailleuses, son niveau d’efficacité est le même. Mais pour 45 % ce niveau est dégradé.
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Encadrement
Sentiment de préparation
Présentation dispositifs RH
Point régulier avec son supérieur
Sentiment de soutien
Flexibilité des horaires de travail
Relations de travail
Sentiment de soutien par les collègues
Réunion d'équipe
Articulation des temps de vie
Conciliation vie pro/perso
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Bilan
Satisfaction semaine passée
Télétravail pour après
Notre analyse
Quelques mots sur cette enquête…
Face aux risques de contamination à la Covid-19, la modalité de travail privilégiée a été le télétravail. Ce mode de travail a été initié en 2018 au sein de la DGFiP. À l’issue du bilan d’étape réalisé à la fin du 1er semestre 2019, 3 367 agent·es étaient en télétravail, soit un taux de 3,2 % des effectifs (104 112 agent·es). Dès le 19 mars nous sommes passé·es à 10 000 agent·es (environ 10 % des effectifs) pour finalement atteindre au 12 mai le plus haut taux avec 27 %, soit 27 574 agent·es.
Sommaire :
- Le télétravail : un mode de travail apprécié par les agent·es de la DGFiP
- Télétravail à la DGFiP : une remise en cause de l’organisation du travail
- Une perception du télétravail influencée par différents facteurs
- Face à la montée du télétravail, réfléchir à nos revendications
- Pour continuer le débat
Nous sommes ainsi entré·es massivement dans une forme d’organisation du travail inédite par son ampleur : le télétravail total pour un grand nombre d’entre nous. Les situations des télétravailleuses et télétravailleurs sont très disparates. Il était important de recueillir le vécu et la perception des personnels en télétravail pour nous permettre d’avancer ensemble sur cette modalité de travail.
Solidaires Finances Publiques a lancé, le 19 mai, à l’ensemble de ses adhérent·es, un questionnaire de 28 items issus de celui initié par l’ARACT Paca1. Cette consultation en ligne portait sur les conditions de travail des agents et agentes qui ont été en télétravail pendant la période de la crise sanitaire.
Un grand nombre d’adhérents et adhérentes ont répondu avec un niveau très élevé de participation, presque 15 %, d’autant plus que cette consultation était destinée uniquement aux personnels en télétravail. 2/3 sont des répondantes. Les 45 à 54 ans sont la catégorie d’âge la plus représentée (40 %). 1 télétravailleur·euse sur 10 est chef·fe de service et 60 % des personnels ayant répondu n’ont jamais télé-travaillé auparavant.
Sur les 23 questions posées, la dernière offrait l’opportunité d’une expression libre. 900 répondants et répondantes ont fourni des précisions et des compléments conséquents. Les 22 questions fermées ont apporté des éléments quantitatifs qui sont disponibles ici. La question ouverte a permis d’éclairer de manière plus qualitative les données chiffrées.
Bien entendu cette étude est loin d’être complète, elle n’appréhende pas le sujet du télétravail dans sa globalité mais dans un contexte de crise sanitaire. Certaines données sont absentes, l’étude n’a pas permis d’examiner l’ensemble des facteurs qui peuvent influer sur les perceptions de ce mode de travail. De même les effets liés au genre ou au grade n’ont pas été approfondis. Il s’agit d’un point d’étape dont il conviendrait par la suite de mettre en discussions les premiers éléments de réflexion, éventuellement de les compléter par des entretiens individuels sur le sujet, de les comparer avec les résultats d’enquêtes d’autres secteurs.
Cette première enquête en ligne a rencontré un franc succès par son taux de participation qui démontre l’intérêt des agents et des agentes sur le sujet. Les analyses présentées dans ce document sont autant d’axes de réflexion pour notre revendicatif sur le télétravail.
Le télétravail : un mode de travail apprécié par les agent·es de la DGFiP
Globalement, à la lecture du questionnaire, le télétravail est un mode de travail souhaité et apprécié par les agentes et agents qui en ont bénéficié. 67 % d’entre elles et eux évaluent positivement cette organisation du travail pendant le contexte particulier de la crise sanitaire tandis que près de 86 % d’entre elles et eux envisagent de le poursuivre après la crise. Les agent·es ne dénient pas pour autant l’importance du présentiel pour maintenir un cadre collectif du travail. Iels relèvent dans la majorité de leurs remarques littérales que le télétravail devrait être limité à une fréquence allant de 1 à 3 jours par semaine.
Les principaux items relevés par les agent·es sur les aspects positifs du télétravail ont porté sur l’amélioration du quotidien et les aspects favorables sur l’exercice de leurs missions.
Un quotidien amélioré
Les agentes et agents relèvent majoritairement à 90 % qu’iels sont parvenu·es à concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle.
À ce titre, les agentes et agents positionnées en télétravail pendant la période ont en grande majorité souligné la suppression des heures quotidiennes de trajet comme l’un des plus grands avantages : « Mon domicile se trouve éloigné de mon lieu de travail. Cette période de télétravail continue m'a épargné des réveils très matinaux et de longs trajets en voiture. » Ce sentiment n’est pas une surprise. La suppression et/ou fusion de nombreux sites, les restructurations en tout genre (NRP, démétro…), un budget de l’action sociale en baisse impactant les offres de logement, des possibilités de mutation de plus en plus restreintes et aléatoires ont conduit à augmenter les temps de trajet entre travail et domicile. Mécaniquement le télétravail devient la solution refuge pour s’éviter l’utilisation chronophage des transports en commun ou du véhicule personnel. Par conséquent, les agent·es ont apprécié pouvoir dormir davantage. Le baromètre de Santé Publique France révèle que les Français·es ont perdu entre 60 et 90 minutes de sommeil en 50 ans.
Les enquêté·es révèlent aussi être moins stressé·es au quotidien. L’impression de devoir courir partout sans avoir la moindre minute de répit a été gommée par ce contexte de télétravail. Certain·es mettent en exergue un sentiment de bien-être physique et physiologique, évitant à la fois la fatigue des déplacements et les douleurs musculaires liées à l’activité professionnelle. Aussi 32 % des agents et agentes ne s’estiment pas plus fatiguées qu’habituellement. Ces remarques doivent néanmoins être nuancées par l’important volume de télétravailleuses et télétravailleurs (presque un sur deux) ayant développé un nombre de douleurs physiques (cervicales, lombalgies, douleurs oculaires…) plus conséquent qu’en travail présentiel2.
Des bienfaits sur l’activité professionnelle
Au-delà des bienfaits quant à leur vie personnelle, les répondants et les répondantes ont également relevé des items positifs pour l’exercice de leurs missions. La flexibilité des horaires de travail et la souplesse dans l’organisation du temps de travail sont positivement perçues par les télétravailleurs et les télétravailleuses. Néanmoins cette apparente liberté organisationnelle est nuancée par les risques d’hyper-connexions et de sollicitations permanentes : « Dans un premier temps je ne me servais de ces outils que lors de déplacements puis très vite le week-end et le soir. J'ai pu ainsi constater que je n'étais pas la seule et échangé régulièrement avec des collègues lors de jours ou à des heures hors des heures ou jours dits de bureau. C'est bien là le premier danger : se laisser déborder et ne plus "sortir" la tête du travail. » Nombre d’agent·es trouvent en leur domicile un endroit plus propice pour se concentrer et éviter les sollicitations extérieures rencontrées sur leur lieu de travail habituel. Dès lors que les conditions de télétravail sont perçues comme optimales par les collègues et que le télétravail est choisi, les agent·es s’estiment plus efficaces dans leur travail, voire même plus productifs et productives : « Pour finir, télétravailler sans être dérangé, dans le calme et la tranquillité que l'on a chez soi, nous permet d'être plus efficace, à condition d'être suffisamment équipé. »
Derrière un certain nombre de retours positifs, le questionnaire laisse paraître malgré tout de nombreuses interrogations et fait remonter des éléments qui doivent nous questionner sur ce mode de travail.
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Télétravail à la DGFiP : une remise en cause de l’organisation du travail
Si les réponses au questionnaire laissent paraître un attrait certain des personnels pour cette modalité de travail, les 900 expressions littérales font état d’un nombre important de problématiques. Ces commentaires nuancent l’idée d’un télétravail idyllique qui n’emporterait que des avantages pour les agentes et agents des Finances Publiques.
Temps de Travail
Le télétravail dérègle le temps passé à travailler. De façon générale, les répondant·es déclarent une surcharge de travail liée à l’absence de coupure entre les espaces professionnels et personnels : « La sphère professionnelle a envahi la sphère privée. Ma seule pièce de vie étant devenue mon lieu de travail, la déconnexion était difficile ». Si 39 % des personnes interrogées témoignent d’un ajustement de leurs objectifs, délais et résultats, iels font état d’une déconnexion difficile à mettre en place et d’un sentiment d’envahissement par les sollicitations numériques en tous genres : « Le télétravail c’est aussi une surcharge mentale décuplée, car les deux cerveaux pro et perso ne sont pas dissociés et 5 jours sur 5 c’est très compliqué ». Par ailleurs, la mise en place d’un télétravail dégradé bouleverse les habitudes d’un certain nombre d’agent·es en décalant leurs plages de travail à des horaires inhabituels. Près de 31 % des collègues ont ressenti une fatigue plus importante qu’en temps habituel, cette donnée n’est pas anodine.
Un (télé)travail minoré et des télétravailleurs, télétravailleuses déconsidéré·es
Un sentiment d’iniquité dans l’attribution du télétravail semble être partagé par un certain nombre de répondants et de répondantes : « Le télétravail ne m’a pas été accordé au motif que j’avais insuffisamment d’expérience ». Il ressort de l’enquête que cette nouvelle modalité de travail est mal appréhendée.
Ainsi certains télétravailleurs et certaines télétravailleuses ont l’impression que le travail effectué en télétravail est déconsidéré que ce soit par leurs chef·fes de service : « Même quand les objectifs sont atteints, les chefs de services considèrent que travailler chez soi, c’est ne rien faire », ou par leurs collègues : « Manque de considération du collectif de travail qui considère que les agents en présentiels sont les seuls investis ». Cela allant jusqu’à développer de la défiance à leur égard avec des chef·fes de service s’adonnant à des méthodes de surveillance trop invasives ou des collègues de bureau qui voient les personnels en télétravail comme des agents et agentes qui ne travaillent pas ou qui travaillent moins.
Les enquêté·es expriment clairement que ce sentiment de déconsidération est amplifié par la promulgation en plein confinement de l’ordonnance du 15 avril permettant la ponction de jours de congés pour les agentes et agents en ASA mais également, dans une moindre mesure, en télétravail : « On nous impose de prendre des congés, on nous suspecte de ne pas travailler, la confiance n’est plus de mise ».
Des liens dégradés
Seulement 28 % des personnes sondées rapportent avoir bénéficié de réunions de services régulières. Aussi, de nombreux et nombreuses enquêtées pointent le risque lié à l’isolement lorsque l’on est en télétravail et leur attachement aux liens suivis avec leurs collègues : « Le travail en équipe, le côté social, la mutualisation des connaissances… tous ces domaines sont indispensables à la vie de groupe et pour maintenir un esprit d'équipe ».
Par ailleurs, les encadrants et encadrantes ont témoigné de leur difficulté à organiser ces rendez-vous collectifs et à maintenir le lien. D’autant plus qu’iels n’avaient, pour la plupart, pas bénéficié de formations ni même disposé de conseils de leurs directions ou supérieurs hiérarchiques. Pour maintenir le lien, les collectifs de travail, indépendamment de toutes considérations hiérarchiques, se sont saisis d’outils divers. L’absence de solutions adaptées a donc contribué à l’utilisation « sauvage » de ces derniers : « Heureusement que nous avons créé un groupe WhatsApp pour conserver les liens ». Pour celles et ceux dont les contacts avec l’équipe n’ont pas pu être préservés, l’isolement a été particulièrement mal vécu : « Lâchée dans la nature sans réelle directive, je suis désabusée ». Ce manque de contacts, notamment avec leur supérieur hiérarchique, a concerné davantage les femmes.
Au-delà de la remise en cause de l’organisation du travail, les complications liées à l’exercice du télétravail sont également induites par des facteurs extérieurs. Il est indispensable de les déterminer et de les appréhender afin de limiter leur influence négative sur les conditions de travail des télétravailleurs et télétravailleuses.
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Une perception du télétravail influencée par différents facteurs
Un télétravail de crise sanitaire
Le télétravail mis en place pendant le confinement ne peut être transposé dans une situation ordinaire. Dans le cadre de la crise Covid, le télétravail a été perçu comme un moyen sanitaire et sécuritaire de protection des agents et agentes : « Je préfère rester à 100 % en télétravail malgré tout car dans ma DDFiP, je trouve que le risque sanitaire est mal maîtrisé… ». Cependant, l’improvisation, et la soudaineté de son organisation ont de nombreuses fois été relevées par les répondants et répondantes : « Ce qui a rendu le télétravail très difficile, c'est le confinement total et le climat anxiogène qui allait avec. On s'est retrouvé coincé chez nous du jour au lendemain, sans la moindre préparation quant aux choses à emmener chez nous pour créer un environnement de travail correct et sans imaginer que ça allait durer aussi longtemps ».
L’utilisation du télétravail combiné aux nécessités de service de la DGFiP ont amené certains et certaines agentes à être redéployées sur des missions qu’iels ne maîtrisaient pas ou moins bien : « Télétravail sur des réponses e-contact qui ne correspondent pas à mon activité ». Ces éléments doivent conduire la DGFiP à revoir son idéologie de formation à poste unique sur des métiers alors qu’il demeure indispensable que les agentes et agents acquièrent une connaissance globale des chaînes de travail dans une perspective de carrière.
Des situations individuelles variables
L’exercice du télétravail ne peut échapper aux contraintes personnelles et familiales des agentes et agents. Ainsi, pendant la période du confinement, la présence ou non d’enfants a été un déterminant quant à la faisabilité du télétravail dans des conditions optimales. Quand bien même près de 90 % d’agents et d’agentes estiment avoir réussi à concilier vie personnelle et vie professionnelle, pour la moitié d’entre elles et eux, cela n’a pas été facile. Les remontées textuelles démontrent les nombreuses difficultés rencontrées par les mères et pères de famille. Les situations ont ainsi été rendues plus compliquées selon la composition du foyer, les impératifs domestiques et scolaires : « La situation de confinement ne peut en aucun cas être une référence en matière de télétravail. En effet les conditions de confinement autant matérielles que psychologiques ne sont en rien comparables à une situation normale. Présence des enfants, sollicitations permanentes (devoirs, angoisses…), organisations de la journée (repas, rangement, ménage, courses…) liées à la présence permanente de toute la famille ». Ces caractéristiques, si elles emportent déjà des conséquences en période usuelle, ont été amplifiées par la crise sanitaire et la situation de confinement.
Les ressentis des télétravailleurs et télétravailleuses sont aussi conditionnés par leur logement et notamment la présence d’une pièce dédiée au télétravail. Le mobilier utilisé a également été prégnant dans la dégradation des conditions de travail. Si 60 % des sondé·es estiment avoir été bien installé·es , selon le questionnaire du Secrétariat Général, près de 50 % des agents et des agentes ont ressenti l’apparition de douleurs pendant la période.
Enfin, des difficultés de connexions et des ralentissements applicatifs sont aussi remontés comme autant de facteurs rendant le télétravail compliqué au quotidien.
Les relations hiérarchiques
Le télétravail a exacerbé les relations préalables entre les agents, agentes et leurs chef·fes de service. Les collègues ont ressenti tantôt une pression et un sentiment de « flicage » de leur activité, tantôt un abandon total de la part de leurs encadrant·es : « Nous avons été abandonnés à notre triste sort pendant deux mois ». Finalement le télétravail accentue des modalités d’encadrement qui en temps normal se régulent plutôt bien. Par ailleurs, nombre d’agents et d’agentes voient dans l’apparition du télétravail un moyen de cadrer davantage l’exercice d’une mission nécessitant de la souplesse dans l’organisation du travail. Cette difficulté a été relevé par des vérificateurs, des vérificatrices, des géomètres et des chargé·es d’enseignement dans les écoles de formation.
L’ensemble de ces problématiques nous amène à faire évoluer notre revendicatif syndical au regard de ces nouvelles modalités de travail et des enjeux qu’elles soulèvent.
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Face à la montée du télétravail, réfléchir à nos revendications
Les personnels, qui ont été en télétravail pendant la période de confinement, font état d’un engouement certain à cette nouvelle modalité de travail malgré une mise en œuvre inopinée. Néanmoins iels font remonter de nombreuses difficultés et la nécessité d’apporter des améliorations au dispositif. Il nous revient de porter leurs revendications et de continuer à mener une réflexion sur les effets de bord que peut emporter la généralisation de cette modalité de travail.
Il est important de rappeler que télé-travailler, ce n’est pas faire la même chose à distance. Si on n’élabore pas au préalable de la mise en place du télétravail un référentiel commun (des habitudes de travail, des règles de travail), le travail à distance va être difficile et peu efficace. Le télétravail amplifie ou révèle des dysfonctionnements déjà existants. Les agents et les agentes en présentiel devant travailler avec des personnels télé-travaillant vont avoir à établir de nouvelles modalités de relations, de collaborations et d’échanges qui sont donc à réinventer dans un environnement de travail déjà contraint, en perpétuel changement voire en difficulté.
Pour assurer l’accès au télétravail dans les meilleures conditions possibles, l’analyse du questionnaire montre que le télétravail doit être accompagné de mesures fortes en termes d’organisation de travail, de formation, de locaux de travail, de matériels, et de santé, sécurité au travail.
Concernant l’encadrement et l’organisation du travail
Les agents et les agentes au sein d’une équipe mêlant travail à distance, télétravail et présentiel évoluent dans des « espaces-temps » différents. Les temps de travail dissociés créent des contraintes d’organisation. Il est indispensable de donner à l’ensemble de l’équipe de la visibilité sur ce que chacun et chacune a à faire mais aussi ce que font les autres, seuls et en groupe sans rentrer dans un contrôle excessif mais bien dans l’intérêt d’organiser collectivement l’activité du service : « Je déplore l'absence de communication avec mon chef de service, l'absence totale de directives, j'ai moi-même cherché le travail que je pouvais faire en dehors de mes missions habituelles (car suspendues par la crise sanitaire). Aucune tâche afin d'alléger mes collègues en présentiel ne m'a été confiée (courriel, courrier, transfert de la ligne téléphonique ...) ».
Il est indispensable que les encadrants et les encadrantes puissent être formé·es à l’encadrement distanciel, et plus généralement à une gestion humaine des équipes : « On a un WhatsApp télétravailleur dans le service et une personne qui coordonne. Le chef de service prend contact avec nous une fois par semaine et nos échanges concernent plus l’humain que le boulot donc c'est plutôt cool mais tout le monde ne travaille pas dans ces conditions. » Ces formations doivent permettre d’acquérir les compétences nécessaires à l’animation et au pilotage des équipes présentiel/télétravail, faire connaître le droit à la déconnexion, les différents moyens de rencontre virtuelle : « Il me semble absolument nécessaire d’envisager une formation adaptée au management à distance. Le module e-formation sur le télétravail pour les managers est largement insuffisant. » En complément, il faut prévoir des temps d’échanges et de retours d’expérience entre encadrant·es sur la gestion des différentes modalités du travail au sein de son service.
Concernant la formation des agents
La formation des télétravailleurs et des télétravailleuses doit faire l’objet d’une attention toute particulière de la part de l’administration. Les transformations induites par ces nouvelles modalités de travail doivent conduire l’administration à établir un véritable plan de formation concernant l’usage des NTIC. Les transformations de la nature du travail ne doivent pas conduire à écarter et laisser sur le bord de la route celles et ceux qui ne maîtrisent pas les nouveaux outils numériques et les nouvelles modalités de travail. Cette réflexion doit donc être intégrée dans le plan de formation en tant que tel.
Concernant les locaux de travail
L'espace du télétravailleur peut se révéler inadapté à l'exercice de son travail : « Absence de pièce dans mon domicile à mettre à la disposition de l'administration ; je me sens envahie par les outils professionnels, dossiers… qui polluent mon espace privé ». Aussi des recommandations pour adapter le domicile à l'exercice du télétravail sont indispensables. Certains travaux avancent que l’absence d’un espace dédié au télétravail au sein du domicile est facteur d’augmentation des heures travaillées. En effet, le fait de disposer d’une pièce dédiée permet à la fois de s’isoler pour se concentrer sur l’activité de travail, mais surtout cela formalise une « coupure symbolique » entre l’espace domestique et l’espace de travail. Cela permet de maintenir la frontière entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle : «Sortir de cette pièce, c’est quitter le travail». Il est important de définir des critères pour adapter le domicile car l'administration n'a pas les moyens de vérifier cette conformité.
Concernant le matériel
La mise en place du télétravail ne doit pas conduire les agent-es à engager des dépenses supplémentaires liées à l’aménagement du poste de travail. Le matériel doit être fourni par l'administration et le type de matériel mis à disposition doit être le même que celui des agent·es présent·es dans les services, comme la fourniture de double écran.
La lenteur d’un système informatique peut générer des temps d’attente très pénalisants pour l’atteinte des objectifs quotidiens avec le sentiment d’être démuni et de ne pouvoir rien faire face à la situation. En cela, les PC doivent être adaptés aux tâches opérées (puissance nécessaire et renouvellement fréquent) : « Si mon équipement internet est capable de supporter le télétravail, ce n'est pas le cas de l'internet de la DGFiP. Si la pandémie va inciter le télétravail, il serait sage que l'informatique à la DGFiP soit capable de supporter plus de télétravailleurs. Ce n'est pas normal qu'on appelle des renforts pour détasser sur E-Contacts et que cette application sature. » Les imprimantes et matériels de téléphonie doivent être fournis.
En sa qualité d'employeur, il revient à l'administration de donner aux fonctionnaires les moyens de pouvoir exercer leur mission. En l'espèce, elle doit mettre à disposition un poste informatique de type portable, une connexion sécurisée et une habilitation permettant d’accéder à la messagerie professionnelle, aux serveurs partagés, à l’intranet et aux applications métiers : « Les écrans des portables sont vraiment trop petits et la connexion avec la clé 4G n'est pas terrible : il faut souvent l'éteindre et la relancer pour que ça marche. La connexion VPN peut être compliquée et certaines applis sont longues à se mettre en route : c'est à mon sens autant lié à la connexion qu'à l'ordinateur dont les capacités ne sont pas terribles. » Solidaires Finances Publiques appuie la nécessité de commander et fournir au plus vite les matériels nécessaires à l'exercice du télétravail.
Solidaires Finances Publiques exige que pour les agent·es en télétravail, que ce soit de façon habituelle, ponctuelle ou exceptionnelle, l'application du 2ème alinéa de l'article 6 : "L'employeur prend en charge les coûts découlant directement de l'exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci" en incluant les éventuels travaux nécessaires pour la mise aux normes des réseaux électriques.
Concernant la santé et la sécurité au travail
Pour Solidaires Finances Publiques, l’accompagnement des télétravailleurs et télétravailleuses en matière de santé et de sécurité au travail est un élément indispensable du dispositif, une garantie pour l’analyse de leurs conditions de travail et pour la prise en charge de situations que le télétravail ne manquera pas de susciter (accidents de service, charge de travail…). Il faut définir au sein de la direction un service pour informer, former et sensibiliser à ces risques.
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Pour continuer le débat
Cette enquête met en relief les aspects du télétravail vus comme positifs par les agents et les agentes de la DGFiP. La perception favorable de cette nouvelle modalité est en partie liée à la dégradation des conditions de travail en présentiel (éloignement du lieu de travail, difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle…). Néanmoins, il ressort d’importantes inégalités soit générées, soit exacerbées par ce mode de travail qui agit comme un miroir grossissant des difficultés habituelles rencontrées dans l’exercice des missions à la DGFiP. Non prises en charges, ces inégalités pourraient conduire à une marginalisation de certains agents et agentes et au développement d’un télétravail élitiste qui privilégierait les cadres hommes les plus gradés.
Les réserves exprimées par Solidaires Finances Publiques ne sont pas tant sur les modalités du télétravail mais d’avantage sur les évolutions des organisations de travail (destruction des collectifs de travail), adaptation nécessaire du service des télétravailleurs et télétravailleuses (gestion des missions transverses telles que la réception ou l’accueil physique, gestion des agents, congés, temps partiels…), adaptation des missions au télétravail (compatibilité des tâches avec l'applicatif métier) et aux conséquences sur la santé des agent·es (isolement progressif, spécialisation et standardisation du travail, intensification du travail, RPS et TMS…). Ces évolutions modifient en profondeur la nature du travail des agent·es ainsi que les relations avec les usagères et les usagers du service public de notre administration (particuliers, professionnels et collectivités locales).
Notre organisation syndicale doit continuer à s’interroger et à prendre part au débat sur cette modalité d’organisation du travail qui ne doit, en aucun cas, se substituer au travail en présentiel. Il s’agit de poursuivre ainsi nos réflexions sur la meilleure façon d’informer et de permettre aux agents et agentes de se protéger des risques liés au télétravail. Nous défendrons dans les instances une gestion plus humaine de cette façon de travailler et le respect des choix de nos collègues, avec notamment un accompagnement syndical des collègues en cas de refus de télétravail. Enfin, une vision alternative du télétravail, voire du travail en général, est à construire. Ces considérations seront nourries des apports des autres branches professionnelles faisant les même expériences, au travers d’échanges avec nos camarades de l’interpro.
Par ailleurs, nous serons attentifs et attentives à ce que le développement du télétravail et le travail à distance ne permettent pas à l’administration de mener à bien d’autres projets contre lesquels nous luttons comme la réduction des surfaces immobilières de nos services, la réduction du maillage territorial, etc.
Enfin, assez rapidement, nous devrons aussi réfléchir aux nouvelles formes de travail que l’administration envisage déjà : co-travail3 (co-working), bureau flexible4 (flex-office)... Plus largement, notre organisation syndicale doit mener une véritable réflexion sur les évolutions du travail, leurs risques sur la santé des agent·es et l’organisation générale du travail et de nos missions. Dans un contexte où la crise sanitaire et sociale ne manquera pas de favoriser toutes les initiatives individualistes et budgétaires, notre réponse devra tenir compte des aspirations de nos collègues et de l’intérêt collectif.
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1) ARACT Paca : Agence Régionale d’Amélioration des Conditions de Travail, région Paca. Les résultats de l’enquête sont consultables ici : https://paca.aract.fr/resultats-de-la-grande-enquete-teletravail-et-coronavirus-comment-le-vivez-vous
2) Selon le questionnaire télétravail du Secrétariat Général effectué au mois de mai 2020.
3) Le co-travail est une méthode d'organisation du travail qui regroupe un espace de travail partagé, ou des bureaux partagés, et un réseau de travailleurs pratiquant l'échange et l'ouverture.
4) Le bureau flexible consiste en l’absence de bureau attitré sur le lieu de travail. Chaque matin, le salarié, équipé de son smartphone et de son ordinateur portable, s’installe là où il trouve de la place.
Nos revendications
La bataille du télétravail
Avec la crise sanitaire, le télétravail a connu un fort essor à la DGFiP. Cette modalité de travail rencontre un franc succès par celles et ceux qui la pratiquent et permet, a priori : plus de souplesse dans l’exercice de ses missions, une meilleure conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle et la réduction des temps de trajets.
Cependant, cette organisation du travail génère aussi de nombreux risques. Pour Solidaires Finances Publiques, le télétravail ne doit en aucun cas se substituer au travail en présentiel.
Pour assurer l’accès au télétravail dans les meilleures conditions possibles, Solidaires Finances Publiques revendique des mesures fortes :
- La fourniture d’un poste de travail complet par l’administration : un ordinateur récent d’un minimum de 15’’ avec un double écran, une station d’accueil, une imprimante, un scanner, un clavier, une souris, une chaise ergonomique, un repose pieds...
- La prise en charge des coûts : électricité, abonnement internet, mise à disposition d’une partie de son logement personnel pour un usage professionnel…
- Une formation en présentiel pour les agent-es
- Une formation en présentiel sur l’encadrement distanciel
- L’accompagnement des télétravailleurs et télétravailleuses en matière de santé et de sécurité au travail
- La justification des motifs de refus des demandes de télétravail
Tu peux contacter ta section locale Solidaires Finances Publiques :
Pour contester en CAPL ton refus de demande de télétravail
Si tu as besoin d’une adaptation de ton poste
Si tu rencontres des difficultés dans l’exercice de tes missions en télétravail