Après une très longue période sans le moindre cadre de discussion institutionnelle sur la situation du handicap à la DGFiP et sa prise en compte par celle-ci, un GT s'est tenu le vendredi 9 juillet 2021.
Liminaire
Selon l’INSEE, près de 20 % de la population sont en situation de handicap soit environ 12 millions de personnes. Cela fait maintenant 16 ans que la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (ou loi Handicap) a été votée, puis amendée en 2018, et 4 ans que le premier ministre de l’époque annonçait le handicap comme priorité du quinquennat.
Où en est-on aujourd’hui ? Les indicateurs sociaux alarment sur la fragmentation de plus en plus marquée de la société française et les personnes en situation de handicap sont percutées de plein fouet. La réforme des retraites en est un exemple, tout comme l’obligation de rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite 100 % des logements neufs qui a fait long feu avec la loi ELAN de 2018 qui l’a racornie à 10 %... L’on pourrait continuer à l’envi. Mais il en est un autre exemple récent : le passage en force du gouvernement pour rejeter l’individualisation des droits de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée Nationale, pourtant votée par le Sénat en première lecture. Cette déconjugalisation devait permettre à une personne en situation de handicap de ne plus être dépendante du revenu de son conjoint ou de sa conjointe, de ne plus être potentiellement considérée comme une charge financière, de pouvoir quitter le domicile conjugal avec une allocation en cas de violences. Solidaires Finances Publiques rappelle que le montant de cette allocation (903,60 euros maximum) place les personnes en situation de handicap sous le seuil de pauvreté déterminé par l’INSEE. L’AAH, lorsqu’elle est perçue à taux plein, ne permet pas une autonomie financière, et encore moins de vivre dignement. Imposer un abattement forfaitaire à fixer par décret au lieu de l’individualisation ne résoudra rien aux problématiques soulevées par les premières personnes concernées et par les associations qui militent en ce sens depuis des années. Le gouvernement n’y voit qu’un gain financier : l’abattement forfaitaire coûterait 186 millions d’euros contre les 730 millions estimés pour l’individualisation. Elle est où la grande cause du quinquennat ?
Certainement pas dans l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap : en 2019, elles sont 16 % au chômage, soit 2 fois plus que l’ensemble de la population active. La loi Handicap du 11 février 2005 instaure un droit à la compensation, dispositif inclusif qui doit permettre d’améliorer la vie quotidienne et sociale, quels que soient l’origine et la nature de la déficience, l’âge ou le mode de vie. Au travail, il ne se résume pas à une prestation financière ou à un aménagement technique de poste. Il doit être appliqué tant par la fourniture par l’employeur d’un matériel adapté que par l’aménagement du temps de travail, des objectifs assignés et d’un accompagnement humain.
La loi de transformation de la Fonction publique de 2019, loi que nous dénonçons à bien des égards, car elle fragmente les repères et les droits et garanties des personnels, ainsi que le rôle de leurs représentant·es, comporte néanmoins, en son chapitre III, diverses dispositions visant à favoriser l’égalité professionnelle pour les travailleurs et travailleuses en situation de handicap. Les articles 91, 92 et 93 notamment évoquent certaines pistes, pour certaines qualifiées d’expérimentales. Mais les déclinaisons semblent tarder et restent largement absentes du périmètre du dialogue social. Il en est de même concernant l’ordonnance Fonction publique de mai dernier, relative à l’évolution professionnelle de certains agents publics dont certains personnels en situation de handicap.
A la DGFiP, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap dépasse l’obligation légale de 6 % depuis plusieurs années. Il est de 7,75 % pour 2019 (cf le Bilan social), dont 160 agent·es recrutés par la voie contractuelle et 2 apprenti·es. Ces chiffres ne doivent pas cacher les conditions de recrutements, de déroulement de carrière, de conditions de travail, etc. Il ne faut pas oublier également tous les personnels qui basculent dans le handicap suite à un problème de santé, d’accident de la vie et qui poursuivent leur vie professionnelle sous le regard peu accompagnateur de leur hiérarchie. Globalement, il est essentiel de ne pas occulter les difficultés quotidiennes rencontrées par les collègues concerné·es : non prise en compte du handicap dans les charges de travail, remise en question des préconisations du médecin de prévention, refus de congés, multiples pressions… s’y rajoute l’isolement depuis le début de la crise sanitaire, que ce soit en raison d’un accès au télétravail quand il a été rendu possible ou le positionnement en ASA.
Cela nous conduit à faire un arrêt sur image, sur le rôle que devrait pouvoir tenir le référent handicap. A la DGFiP, les collègues qui assurent cette mission de 1er plan le font avec un engagement soutenu, mais celui-ci est-il vraiment reconnu ? Nous pouvons en douter, et beaucoup ont le sentiment d’être peu épaulés. L’article 92 de la loi de transformation de la Fonction publique est clair sur le fait que le référent ou la référente handicap doit disposer sur son temps de travail des disponibilités nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Cela est loin d’être le cas partout et Solidaires Finances Publiques vous demande de sécuriser le périmètre fonctionnel des référent·es handicap. Nous réaffirmons également que, compte tenu des spécificités de la DGFiP, aucune mutualisation de cette fonction avec d’autres employeurs publics ne peut être envisagée.
La fonction de référent handicap est d’autant plus essentielle que les inquiétudes pèsent sur les agentes et les agents en situation de handicap et continueront de peser de par les évolutions des règles de gestion via les Lignes Directrices de Gestion (LDG), par la perte de compétence des CAP, par le développement de l’affectation au profil, par la mise en place de l’entretien d’évolution de carrière et les souhaits mobilité « proposés » aux agent·es n’ayant pas effectué de mobilité fonctionnelle depuis 5 ans… Tout ceci dans un contexte de suppressions d’emplois, de restructurations, de NRP.
Ce GT intervient après une très longue période sans discussion sur ce dossier. Au-delà des 3 fiches qui nous sont soumises, nous aurions aimé trouver des bases de travail sur les éléments que nous venons d’évoquer. Ce n’est pas le cas.
Nous reviendrons plus longuement sur le contenu des fiches présentées au cours du groupe de travail mais plusieurs remarques liminaires :
- la première porte sur le fait que, malgré nos demandes, nous n’avons toujours pas d’échanges de fond sur les modalités de recrutement et les nécessaires corrections à apporter afin d’assurer à tous les candidats et candidates un examen homogène de leur dossier. Ce sujet pour les recrutements contractuels est transposable au recrutement des apprenti·es en situation de handicap. De plus, au regard de certaines difficultés, lors des concours, dans le suivi des scolarités, il y a nécessité de devoir échanger sur les modalités de déroulement des concours, des examens, sur l’organisation des scolarités, et ce sur la base d’un diagnostic méticuleux ;
- la deuxième porte sur la question de l’accompagnement. Le réseau des correspondants et correspondantes handicap est un atout, mais celui-ci nécessite d’être soutenu, formé, disponible et reconnu, et avoir la quotité de travail nécessaire. Il en est de même pour tous les autres acteurs qui contribuent au soutien des personnels en situation de handicap. Ainsi, nous sommes surpris du silence qui entoure votre fiche concernant le rôle et la place des maîtres d’apprentissage. Déjà largement perfectible pour les apprenti·es de tous horizons, cette mission est d’autant plus essentielle pour celles et ceux en situation de handicap ;
- la troisième porte sur le fait de savoir si la DGFiP entend décliner certaines dispositions expérimentales de la loi de transformation de la Fonction publique, notamment celles de l’article 93 et si oui, comment et avec quel dialogue social ;
- la quatrième enfin porte sur la déclinaison de l’ordonnance Fonction publique sur l’évolution professionnelle. En effet, certaines déclinaisons en matière d’accompagnement personnalisé des personnes en situation de handicap (accès au bilan de parcours de carrière, plan individuel de développement des compétences,…) méritent largement d’être mises au débat, via des GT, pour une mise en œuvre concrète ;
- un dernier point relatif à la gestion des dossiers de ces collègues : il s'avère que nous avons été sollicités à plusieurs reprises par des collègues qui venaient de rejoindre la DGFiP et qui ont eu bien du mal à avoir un dossier cadré, notamment en matière de rémunération ; il ne serait pas inutile de former davantage les agent·es des CSRH et du SIA à ces problématiques.
Compte rendu
Après plus de 2 ans sans groupe de travail dédié au sujet du handicap, les attentes étaient fortes. Elles ont vite été déçues.
3 fiches, vides de contenu. Ce qui n’a pas freiné les organisations syndicales dans les questions et débats nécessaires à porter. Prévu sur une matinée, celle-ci n’a pas suffi pour couvrir l’ensemble des échanges rendus nécessaires par un agenda social vide sur le champ du handicap.
Ce groupe de travail était présidé par M. GRIMARD, chef du bureau RH2-C de la DG. Il était accompagné par Mme GARCIA, référente handicap nationale de la DGFiP, et par M. HUMBERT, président sur le départ de l’APAH-Finances (Association Pour l’Aide au Handicap au sein des ministères financiers).
Les sujets à l’ordre du jour étaient :
- le bilan de l’accompagnement des agents en situation de handicap en période de crise sanitaire,
- le recrutement des apprentis en situation de handicap,
- le pilotage et l’animation du réseau et perspectives.
Seuls les deux premiers points été étudiés, faute de temps (le GT ayant été mal dimensionné par l'administration comme trop souvent), le troisième étant reporté à un prochain groupe de travail.
En lien avec la crise sanitaire, le sujet du télétravail est revenu à plusieurs reprises. En 2020, 281 aménagements de postes ont été effectués et ils sont 223 au 30 juin pour l’année 2021 (dont 75 pour les agentes et agents en situation de handicap). Ces aménagements portent sur les matériels tels que l’écran, le siège ou encore une lampe. Depuis le début de la crise sanitaire, près de 500 agent·es en situation de handicap ont bénéficié d’un aménagement de poste.
Pour Solidaires Finances Publiques, en dehors de la période de crise sanitaire, le recours au télétravail doit être exclusivement sur la base du volontariat. Il doit être utilisé avec précaution de manière générale pour les personnels de la DGFiP, et encore plus particulièrement pour celles et ceux en situation de handicap afin d’éviter leur isolement du reste du collectif de travail. Une attention particulière doit être portée aux conditions de travail. Pendant la crise sanitaire, tous les personnels en situation de handicap n’ont pas été contactés par les services RH de leur direction ou par les acteurs et actrices de prévention, ou alors tardivement.
Ainsi, le rôle essentiel des acteurs et actrices de prévention, en national et en local, a été rappelé. Même si le sujet sera vu lors d’un prochain GT avec l’étude reportée de la fiche 3, la proximité nécessaire des médecins du travail et des correspondant·es handicap locaux, en lien avec les services RH, a été rappelée. Cela suppose des moyens humains et matériels renforcés.
L’accompagnement est une question essentielle, avec une mobilisation et une disponibilité totales, tout au long de la carrière des agent·es. Ces accompagnements doivent exister au-delà de la crise sanitaire, notamment lors des moments charnières, telles les mutations ou les formations initiales en écoles. Solidaires Finances Publiques réclame une vraie logique nationale de pilotage et de recrutement.
Nous sommes intervenus, au-delà de la seule crise sanitaire, afin d’aborder nombre d’autres points tels que la prise en charge des personnels n’ayant pas de RQTH et ayant pourtant des problèmes de santé lourds, celle des personnes en situation de handicap cognitif très souvent très mal appréhendé par les services RH, les chef·fes de service et les collègues.
Nous avons relevé le manque d’éléments de bilan essentiels tels que l’accessibilité des bâtiments de la DGFiP pour les personnels en situation de handicap, celle des logiciels informatiques pas souvent adaptés ou encore la livraison complexe des matériels dédiés.
Ensuite, sur la question de la fourniture des masques inclusifs, il y a eu beaucoup de retard (jusqu’à 6 mois après le début de la crise sanitaire), le marché ayant mis du temps à se mettre en place et la qualité des masques étant très relative.
Si le marché restreint et les précautions nécessaires peuvent expliquer ce retard, il s’avère néanmoins que des collègues en situation de handicap ont dû financer leurs propres masques, voire ceux de leurs collègues directs, afin de faciliter leur échanges. Et si le marché national a pu avoir du mal à se mettre en place, les directions locales n’ont pas plus réagi en faisant des achats en attendant.
Enfin, la question du recrutement d’apprenti·es en situation de handicap, en lien avec la mise en application de l’article 91 de la loi sur la transformation de la Fonction publique, a été l’occasion de nourrir des échanges sur le recrutement, la formation et la titularisation des personnels en situation de handicap, qu’ils intègrent la DGFiP par concours, contrat ou apprentissage (2 apprenti·es en 2019).
L’apprentissage est un vrai mode de formation, avec un rôle pédagogique afin d’obtenir un diplôme, pas un parcours d’intégration professionnelle (comme le contrat). La confusion doit être évitée car les deux systèmes n’emportent pas les mêmes postulats ni les mêmes finalités. Par exemple, si le recrutement par contrat emporte une titularisation au bout d’un an, l’apprentissage n’aboutit pas obligatoirement à une volonté d’intégrer ensuite la DGFiP par l’apprenti, avec en plus le passage par le concours…
Ainsi, un tuteur ou une tutrice n’est pas un maître ou une maîtresse d’apprentissage. Une vraie question de formation se pose, au-delà d’un guide mis à disposition. C’est le cas de manière générale sur l’apprentissage, mais encore plus de sujets d’attentions, de sensibilisations, de points de vigilance doivent être étudiés pour les personnes en situation de handicap.
La DGFiP travaille en lien avec l’association ARPEJEH (Accompagner la Réalisation des Projets d’Études de Jeunes Élèves et Étudiants Handicapés) afin de faire connaître son offre d’apprentissage envers un public qui ne s’intéresserait peut-être pas d’office à notre administration. Les futur·es apprenti·es percevront une indemnité forfaitaire de 1 525 euros ainsi qu’une rémunération fixée en fonction des textes législatifs.
A notre demande, la liste des directions accueillantes sera fournie. Solidaires Finances Publiques a également demandé un bilan statistique des décrochages en cours d’apprentissage, et qu’un accompagnement social soit assuré pour cette population.
Beaucoup de remontées, beaucoup de questions mais très peu de retours et de réponses. Des GT spécifiques sont nécessaires afin d’entrer dans le détail des sujets. Un GT dédié à l’application des articles 91, 92 et 93 de la loi sur la transformation de la Fonction publique devrait être organisé à la rentrée.
Information complémentaire : le taux d’emploi des personnes en situation de handicap à la DGFiP était de 8,10 % au 1er janvier 2021, ce qui est une très bonne chose mais qui ne doit pas cacher les difficultés liées à l’adaptation du poste de travail, de la charge de travail, des difficultés d’intégration professionnelle...
La séance s’est terminée avec une très courte intervention de M. HUMBERT, par manque de temps. Autre conséquence de l’organisation du dialogue social à la DGFiP. Si les organisations syndicales subissent cet état de fait et réagissent en conséquence, il est inadmissible que les personnes invitées n’aient pas la possibilité de s’exprimer.
Solidaires Finances Publiques remercie l’investissement de M. HUMBERT, en tant que président de l’APAH-F, et qui continuera dans l’association, et souhaite une bonne présidence à son successeur, M. MERMET.