Moins de deux mois après sa publication, la « liste noire » des paradis fiscaux établie par l’Union européenne se voit déjà réduite à 9 pays, souvent lointains. 8 pays ont en effet été reclassés dans une liste grise qui contient désormais 55 territoires. La liste noire ne prévoyant pas de sanction, l’utilité de la « liste grise » est donc largement sujette à caution.
Le débat est manifestement difficile au sein des instances européennes. Un premier travail de consolidation de plusieurs listes noires des États membres dressait une liste de 30 juridictions figurant sur au moins 10 listes préalables à la liste noire présentée le 5 décembre dernier. Il s'agit des États suivants : Andorre, Anguille, Antigua and Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Bermudes, les ïles vierges britanniques, Brunei, Îles Caïmans, Îles Cook, Grenade, Guernesey, Hong Kong, Liberia, Liechtenstein, Maldives, Îles Marshall, Île Maurice, Monaco, Montserrat, Nauru, Niue, Panama, Saint Kits et Nevis, Saint Vincent et les Grenadines, les îles Seychelles, Turks et Caicos, US Virgin Islands et Vanuatu.
Aucun État membre de l’Union européenne ne figurait sur cette liste, déjà plus consistante que la liste publiée en décembre 2017. Il existe pourtant de véritables « trous noirs fiscaux », selon le Commissaire européen Pierre Moscovici dont le Luxembourg, l’Irlande ou encore les Pays Bas, qui ne figurent sur aucune liste…
Plus largement, l’utilité des listes noires est en question. En l’absence de sanction, ou de mesure telle que le renversement de la charge de la preuve (selon laquelle la fraude fiscale est présumée lors d’une opération de contrôle dans le cas de liens avec un paradis fiscal, sauf preuve contraire apportée par le contribuable ou l’entreprise), la liste noire revêt une dimension symbolique. Surtout, elle faitl’objet d’âpres négociations géopolitiques fort éloignées des réalités fiscales.
Comme la liste noire de l’OCDE, qui s’est vidée au point de ne comporter aucune territoire en 2009 à la veille du G20 de Londres, alors que les paradis fiscaux n’avaient jamais été aussi nombreux et néfastes (en témoignent les nombreuses affaires révélées depuis une dizaine d’années), la liste noire européenne a déjà perdu son sens et sa crédibilité.
La priorité est autre : renforcer l’ensemble des moyens des services des États, améliorer la coopération et la transparence, mieux sanctionner la fraude, revoir les législations pour neutraliser l’optimisation fiscale dite « agressive » et redonner du sens au consentement à l’impôt.