La proposition de loi transposant la directive européenne du 8 juin très critiquée sur le « secret des affaires » a été adoptée par le Sénat en avril 2018. Particulièrement favorable au monde des affaires, elle rend illégales l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’une information qui revêt une valeur commerciale et qui n’est pas connue à l’extérieur d’une entreprise. Le Sénat a même durci les sanctions prévues dans le texte voté par l’Assemblée nationale.
Cette transposition a été menée rapidement, sous couvert d’une proposition de loi, afin d’éviter tout débat public. Elle n’utilise aucune des marges de manœuvre permises par la directive. Alors qu’il aura fallu du temps et de nombreuses affaires (HSBC pour la fraude, fiscale, le Médiator pour la santé publique) pour que le rôle du lanceur d’alerte soit enfin reconnu, elle constitue un véritable bond en arrière matière de droit à l’information et, en l’état, en matière de lutte contre la délinquance économique. Car, de fait, elle tente de museler les lanceurs d’alerte potentiels. Pour Solidaires Finances Publiques, il faut au contraire qu'ils aient un cadre juridique clair et protecteur. Dans ce cadre, l'expérimentation en cours d'indemnisation des lanceurs d'alerte, dûment contrôlée, mérite non seulement d'être poursuivie mais aussi généralisée...
Difficile dans un tel contexte de croire aux déclarations du gouvernement en matière de lutte contre la fraude fiscale. Son plan « anti-fraude » est très insuffisant. La création d’un service fiscal judiciaire est certes intéressante sur le papier. Mais, outre que ce service s’annonce d’ores et déjà sous-dimensionné (30 à 40 agents fiscaux judiciaires « transférés » des services de contrôle fiscal auxquels ils manqueront), il devra éviter de concurrencer l’actuelle brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au sein de laquelle travaillent déjà des agents fiscaux judiciaires… Quant aux autres mesures, elles ne répondent pas aux besoins (notamment en matière d’effectifs ou de coopération entre l’administration fiscale et la justice) et s’annoncent difficiles à mettre en œuvre. Il en va ainsi de la publication du nom des fraudeurs (le « name and shame ») car les possibilités de recours prévues risquent d’amoindrir l’effet recherché.
Tous les gouvernements veulent leur « plan anti-fraude », celui-ci n’échappe pas à la règle. Mais derrière l’effet d’annonce, la réalité peut s’avérer décevante. Les citoyens attendent des mesures vraiment efficaces. On en est loin...