Liminaire
De restructurations en suppressions d’emplois, d’innovations prônant un solutionnisme technologique douteux en expérimentations diverses, les missions domaniales ne sont pas plus épargnées que les autres missions de la DGFiP. Ainsi en 5 ans, à la lecture des rapports d’activité de la DGFiP, entre 2015 et 2020 ce sont bien plus de 10 % des emplois qui ont été amputés aux services domaniaux.
Le nombre d’évaluations domaniales a fortement baissé. S’il faut écarter l’année 2020, en 2015 plus de 166 000 évaluations avaient été opérées contre 110 000 en 2019, et cette tendance n’est pas aujourd’hui prête à s’inverser. Nous avions échangé lors d’une précédente audience sur le bien fondé de l’avis rapport, et bien que vous aviez consenti quelques aménagements à opérer, les revendications n’ont pas ou peu été entendues.
Pour Solidaires Finances Publiques les dangers pesant sur les missions domaniales ne s’arrêtent pas à ce seul sujet. Nous l’avions évoqué, les expérimentations sur la GPP conduites dans des directions comme le 35, posent question. Si vous aviez rejeté toute externalisation, il est difficile de parler d’internalisation quand une partie des missions autrefois exercées par les services de l’État se voient désormais déléguées à des prestataires privés. Solidaires Finances Publiques s’étonne que des expérimentations ayant un impact national, conduites dans différentes DDFiP ou DRFiP ne soient présentées que très tardivement aux organisations syndicales nationales. C’est pourquoi, il est désormais indispensable que ces groupes de travail se tiennent à intervalles bien plus régulièrs et en amont des projets conduits ci et là.
Sans doute la conséquence d’un dialogue social inexistant au niveau national ces dernières années, les documents présentés ce jour sont pléthoriques et surtout assez atypiques pour des groupes de travail métiers. Pour éviter de complexifier un ordre du jour déjà chargé nous reviendrons plus en détail sur l’ensemble des documents au fur et à mesure de l’avancée de leur présentation et des débats. Néanmoins nous nous inquiétons d’ores et déjà de l’avenir à moyen et long terme des missions domaniales. Quid de la norme 6 en 2024 pour les évaluations étatiques ? Quid des expérimentations de relations de confiance avec certains consultants ? Le domaine suit-il d’autres missions comme le contrôle fiscal, la publicité foncière ou la topographie, où faute de personnels l’administration se met à vanter les mérites d’organismes privés oubliant qu’elles sont animées avant tout par des intérêts commerciaux, non de service public. La relation de confiance ne doit pas conduire à la naïveté ou au laisser-faire. Vous évoquez également les expérimentations d’une intelligence artificielle, avec la société ou start-up Homiwoo. Si comme tout produit de ce genre, vendu par des palanquées de data-scientist, data-ingeneer et autres l’applicatif dispose d’un design et d’une ergnonomie de choix, il coche pour autant toutes les cases d’inquiétude face au développement d’intelligences artificielles. Opacité, Quel coût ? Quelles bases de données utilisées ? Effet boîte noire, comment réussir à expliquer les résultats fournis par les algorithmes ? Déplacement du travail : Qui entraîne les algorithmes ? Les agents par retour d’expérience, la hiérarchie, la DNID, les concepteurs d’Homiwoo eux-mêmes ou autre ?
Pour cette expérimentation, et pour toutes les autres conduites, quelles formations ou informations ont été spécifiquement mises en place ? Plus généralement, Solidaires Finances Publiques insiste sur l’importance de renforcer les modules de formation sur les modules des missions domaines, notamment sur les évaluations pour faire face ponctuellement à des enjeux très particuliers comme des vignes, monuments historiques, travaux de démolition, ou autres. Solidaires Finances Publiques rappelle l’importance fondamentale des missions domaniales dont l’ensemble des agentes et agents assurent un service, de qualité bien sûr, mais également indépendant. A ce titre les pressions politiques diverses ne doivent aucunement interférer sur le travail des agentes et agents et leurs conditions de travail doivent être préservées. Aussi au-delà des documents présentés ce jour, quel avenir pour les domaines et comment valoriser le travail, la compétence et la technicité de ses agents ?
Compte rendu
En réponse aux différentes liminaires, et sur les inquiétudes portées sur l’avenir des métiers domaniaux, plusieurs précisions ont été apportées.
Tout d’abord l’administration se targue d'une certaine ambition pour les missions domaniales. Elle souhaite continuer à valoriser la forte implication des collègues, des évaluateurs et évaluatrices, dans leurs travaux quotidiens. À titre d’exemple, ont été citées les ventes immobilières qui n’auraient jamais connu autant de visibilité. Ceci par l’entremise d’une double présence sur internet et physique. Il en est également de la vente des saisies fiscale par les huissiers qui sont passés de 40 à 79 millions d’euros.
L'administration a ajouté qu'il faudrait se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée et procéder à certaines simplifications comme les taches d’inventaires. Par ailleurs confier ces tâches à des partenaires marcherait très bien. Solidaires Finances Publiques conteste une vision qui segmente le prétendu apport prioritaire de missions de service public, la chaîne des métiers des missions domaniales n'est pas secable, leur externalisation n’est que la conséquence dogmatique des suppressions de postes.
GPP
Idem pour la Gestion des Patrimoines Privés (GPP) l’administration a constaté une très forte hausse des successions vacantes de 160 millions d’euros en 2018 à plus de 280 millions d’euros aujourd’hui. Il s’agit aujourd’hui de répondre au besoin et à ce titre la direction de la DNID annonce avoir demandé des moyens humains supplémentaires. A été également sollicité la création d’un pôle d’Idiv expert pour gérer les dossiers les plus pointus. Solidaires Finances Publiques dénonce les moyens humains en trop forte diminution qu'une création de pôle d'encadrantes et encadrants ne pourra pas combler. Sur la GPP, l’administration porte une demande de simplification qui serait de sortir le juge du point d’entrée. En effet, en raison de l’encombrement des tribunaux, les délais sont parfois très longs (3 ans) et la dématérialisation des échanges très lointaine. En revanche, cette simplification demanderait une modification du Code civil, ce qui demande une intervention et une volonté de la sphère politique. Pour Solidaires Finances Publiques, la lenteur de la justice est incontestable du fait au manque de moyens que daigne y mettre l’État. La sortie complète du juge n’est pas une solution satisfaisante.
Evaluations
Sur les évaluations à proprement dites le nombre d’évaluateurs est d’aujourd’hui de 425, 400 cadres A et 25 cadres B. Le président a fait le constat que l’on a rendu beaucoup d’emplois (110) et qu’il faut accompagner des charges toujours importantes. Il nous a été affirmé qu’à ce jour le nombre d’évaluateurs à la DGFiP était « sanctuarisée » par la Direction générale et que si des gains de productivité se font jour, cela permettrait d’améliorer l’aspect qualitatif des travaux sans ajouter de suppressions d’emplois. Solidaires Finances Publiques reste dubitatif quant à ce constat, malgré une absence complète de cohérence quant à l’efficacité des politiques publiques, les gains de productivité sont toujours perçus comme un point d’entrée pour une intensification des suppressions d’emplois. La DNID n’a d'ailleurs pas la main concernant le nombre d’emplois afférents aux missions domaniales.
Pour l’administration, la problématique majeure aujourd’hui est le nombre d’évaluations réalisées par les services. Malgré une baisse ces dernières années, le chiffre des évaluations est supérieur à 90 000 par an. Il serait donc nécessaire de continuer à examiner les évaluations qui apportent « peu » de valeur ajoutée. Pour Solidaires Finances Publiques, cette vision n’est pas acceptable, le service public rendu ne se juge pas aux seuls montants des valeurs vénales des biens évalués.
En contrepartie, la sphère du contrôle fiscal serait fortement intéressée par l’expertise domaniale, singulièrement au sujet des biens immobiliers soumis à l’IFI. Un protocole a ainsi été passé avec la DNVSF sur ce sujet. Les Organisations syndicales ont unanimement fait remonter les difficultés entre l’appréciation des valeurs fiscales et vénales des biens. L’administration acte cette remarque et précise que la retranscription de la valeur vénale en valeur fiscale sera de la compétence exclusive des services fiscaux et non des évaluateurs et évaluatrices qui n’ont pas vocation à devenir des fiscalistes.
Des focus ont été faits sur certains sujets.
Sur l’application HOMIWOO :
Homiwoo est une application informatique destinée à donner une estimation en ligne d’un bien. Solidaires Finances Publiques s’est exprimé à plusieurs reprises pour porter plusieurs interrogations et inquiétudes tant sur la forme que sur le fond. Sur le fond il s’agit d’un logiciel « apprenant » et utilisant à la fois un module d’intelligence artificielle et de multiples bases de données. Le logiciel analyse les transactions DVF, les sites d’annonces en lignes (prix hors taxe et hors charge), et traite les données pour aboutir à une estimation. Le logiciel « apprend » et peut gérer une même annonce à des prix différents sur différents sites, moduler son estimation en fonction de certains mots-clés (travaux…), tenir compte de l’emplacement géographique du bien… Solidaires Finances Publiques s’étonne que le logiciel puisse utiliser comme élément comparatif des annonces d’agences immobilières alors qu’elles ne reflètent pas toujours le prix de vente final des transactions immos. Par ailleurs, question est posée du caractère auto-apprenant et de qui entraîne les algorithmes. L’administration reconnaît que les résultats sont plus pertinents notamment pour une évaluation des appartements en Île-de-France, les résultats sont beaucoup plus aléatoires quand cela concerne des zones où il y a peu de ventes ou des biens situés dans des zones particulières. À la suite de notre intervention, l’administration a bien précisé que cette application n’était qu’un outil, largement perfectible, mis à disposition des services et ne devait nullement remplacer le travail et l’analyse des évaluateurs. Toutefois, ce logiciel peut servir dans certains cas bien précis comme répondre rapidement à la demande des services comptables, des GIR ou du Pole GPP.
Le président a précisé que pour améliorer « intelligence » du programme et optimiser les algorithmes de calcul, on avait besoin d’un maximum de retour des agents évaluateurs. Mais pour lui, encore une fois, il ne s’agit que d’un outil supplémentaire mis à disposition et qui ne doit être utilisé qu’en ce sens et dans un contexte très précis. Solidaires Finances Publiques rejette tout intéret de ce logiciel qui n'apporte aucun gage de technicité pour les agents. Par ailleurs il n'est pas du ressort de l'administration d'aider des boîtes privées à améliorer leur système algorithmique (pour qu'elles le revendent ensuite) en apportant des correctifs sur les valeurs proposées par l'applicatif.
Sur la démarche de confiance passée avec certains consultants :
Sur ce point Solidaires Finances Publiques est intervenu afin d’exprimer sa plus grande opposition sur le principe même de la démarche. Déléguer l’évaluation de certains biens, même si la démarche est encadrée, suscite de nombreuses inquiétudes. Pour Solidaires Finances Publiques, la relation de confiance ne doit pas conduire à la naïveté ou au laisser-faire. Nous portons le fait que l’évaluation doit rester entre les mains de l’évaluateur ou de l’évaluatrice.
Certes, il est possible que l’évaluation de certains biens, notamment des terres, dans des zones géographiques très précises et sériées, puisse ne pas poser de problème particulier. Il demeure toutefois que si l’administration veut vraiment passer par une démarche de confiance envers certains consultants, il est indispensable que cette possibilité soit très encadrée, limitée, soumise impérativement à un barème précis et qu’elle ne puisse être mise en place que pour une zone géographique ne touchant aucune zone urbaine ou suburbaine. Dans tous les cas, une révision et une réactualisation périodiques des barèmes devront être mises en place afin de ne laisser place à aucune interprétation de la société, et des contrôles de cohérence devront être faits périodiquement par les services du domaine. Pour Solidaires Finances Publiques il n’est pas acceptable que les suppressions d’emplois successivement et le manque de moyens aboutissent à cette délégation. L’évaluation du service des Domaines est avant tout une mission de service public sur lesquelles les communes peuvent s’appuyer sans qu’elles aient besoin de recourir aux services marchands d’un tiers.
Sur la mise en place de l’avis-rapport :
Ce point a fait l’objet de très nombreux échanges entre l’administration et les organisations syndicales. Le but affiché de l’administration serait de donner une forme de transparence sur le travail et la technicité des évaluateurs ainsi que de valoriser leur travail. Il n’en demeure pas moins de multiples interrogations portant à la fois sur le fond et la forme.
Sur le fond, si certaines questions ne sont pas nouvelles (secret fiscal, utilisation de termes de comparaison…) elles restent porteuses d’une légitime inquiétude auprès des collègues évaluateurs. Ainsi l’administration a apporté certaines réponses techniciennes (privilégier l’utilisation des moyennes…) sans toutefois répondre de manière exhaustive à l’intégralité des questions et des cas évoqués par les OS. Le président a admis qu’il pouvait encore se poser des questions pas totalement résolues à ce jour, et que le but de la poursuite de l’expérimentation était de mettre ces différentes questions à jour. Pour Solidaires Finances Publiques, de nombreux éléments techniques restent encore en suspens et sont susceptibles de mettre en difficultés l’évaluateur ou l’évaluatrice,
Sur la forme, nous avons fait remonter le ressenti profond des collègues, à savoir pour la grande majorité d’entre eux, un aspect potentiellement chronophage et une perte de technicité inhérente à la rédaction de l’avis-rapport. L’administration a rétorqué que l’expérimentation était en train de démontrer que ces deux craintes étaient infondées, et que l’avis rapport était globalement bien perçu tant par une grande majorité d’agents que par nos consultants.
Le président a réaffirmé que l’avis-rapport avait pour but de permettre à la fois une valorisation du travail et de servir de base de négociation pour nos consultants.
Pour rappel L’expérimentation avait concerné 20 PED (14, 17, 31, 33, 34, 35, 37, 38, 51, 54, 67, 68, 74, 80, 81, 84, 87, 88, 971, 974) avec l’absence remarquée des PED d’Ile-de-France,
L’administration s’est engagée à faire un nouveau point sur ce sujet au printemps 2023. Mais globalement les inquiétudes retranscrites au cours de la précédente audience sur la thématique de l’avis rapport ne sont pas levées.
Rémunération
Concernant la rémunération, la DNID s’est engagée à continuer de porter la demande des évaluateurs et évaluatrices de ne plus être écartée de l’ACF expertise-encadrement. Solidaires Finances Publiques porte avec les agentes et agents cette revendication.
La communication de la DNID est rodée, elle annonce vouloir valoriser et pérenniser l’activité domaniale, et défendre ses agentes et agents. Solidaires Finances Publiques reste sceptique et inquiet du futur des missions domaniales notamment face aux volontés politiques pouvant se faire jour pour modifier ou faire évoluer les règles actuelles. Ensemble luttons pour nos conditions de travail notamment face aux évolutions des méthodes de travail imposées par l’administration.