Le projet de Loi de Finances Rectificative 2022 vient d’être adopté par l’Assemblée Nationale. Il s’inscrit dans un contexte de baisse du Produit Intérieur Brut (PIB) et d'une inflation en forte hausse. Sans surprise, cette loi de finances rectificative constitue un indicateur des soutiens recherchés par le Gouvernement pour mener sa politique et de l’orientation politique des prochains budgets.

Pour redonner du pouvoir d’achat et contrer la paupérisation d’une partie toujours plus grande de la société, les mêmes recettes sont proposées :
- triplement de la prime exceptionnelle défiscalisée et exonérée de cotisations sociales à hauteur de 3 000 ou 6 000 € (en cas d’accord d’intéressement) pour les salariés gagnant jusqu’à trois fois le SMIC jusqu'à fin 2023,
- revalorisation des retraites à 4 % (alors que l’INSEE table sur une inflation à 5,9%),
- augmentation des APL à 3,5 %,
- déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) avec un amendement permettant d’en compenser les effets négatifs pour certains contribuables.

La prime exceptionnelle reste optionnelle, même si le Gouvernement a des velléités à la rendre pérenne. Tous les salariés n’en sont pas attributaires. Beaucoup d’entreprises, au lieu d’augmenter les salaires, optent pour cette très favorable solution, au détriment du salarié, notamment pour le calcul de sa retraite, mais également des caisses de l’État et des organismes sociaux qui permettent une meilleure redistribution sociale.

Le vote de la hausse du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires de 5 000 € à 7 500 € au titre de 2022 relève de cette même politique, faire assumer à l’État, le choix fait par les entreprises de ne pas augmenter les salaires. En effet, au cours du premier quinquennat, les entreprises ont pris l’habitude de voir assumer par l’État certaines de leurs prérogatives, et ce sans contreparties. 

Autre dérive : le recours beaucoup plus important aux énergies fossiles. Alors que tous nos efforts devraient porter sur le développement des énergies renouvelables pour lutter contre le réchauffement climatique, le manque d’anticipation et d’investissements en la matière du dernier quinquennat, aboutit à ces choix écologiquement contestables (terminal gazier flottant au Havre, réouverture de la centrale à charbon de St Avold). 

Le prolongement du bouclier tarifaire a été voté.

Un amendement a autorisé l’usage d’huile de friture en guise de carburant, une pratique courante mais illégale. Afin d'éviter les effets de seuils, une ristourne sur le fioul domestique à hauteur de 230 millions d’euros a également été votée contre l’avis du Gouvernement. Il souhaitait la contenir à 50 millions en faveur des ménages modestes.

Les choix faits en matière énergétique sont des non-choix. En effet, l’ensemble de la population va bénéficier de ces mesures, des bénéficiaires du RSA au 1 % de la population française la plus riche, proportionnellement plus consommatrice en matière d’énergie 

L’Assemblée Nationale, contre l’avis du Gouvernement, a voté pour 2022 une aide aux départements à hauteur de 120 millions d'euros pour compenser intégralement la hausse de 4 % du RSA (à la charge des départements). 

La suppression de la contribution à l’audiovisuel public et son remplacement par une subvention soulèvent le problème du financement pérenne et de l’indépendance de l’audiovisuel public face aux pouvoirs politiques. Il est absolument indispensable d’avoir une ressource affectée à ce service public indépendant. Le Gouvernement met en avant le soutien du pouvoir d’achat de près de 23 millions de foyers pour justifier cette suppression. En réalité, ce gain s’élèverait à 38 centimes par jour, par foyer, en métropole (cf les publications du Syndicat National des Journalistes). Une nouvelle fois, c’est « une fraction » de la TVA (près de 3,7 milliards d'euros) qui est affectée à son financement. Les questions sur sa pérennité et son montant demeurent.

Le Gouvernement persiste dans ses choix budgétaires très libéraux : suppressions de taxes impactant le budget, refus d’augmenter la fiscalité des plus aisés, volonté de revenir à une maîtrise des dépenses publiques. Avec ces choix, soutenir l’activité économique et le pouvoir d’achat demeure une équation insoluble.

Certains pays européens (Royaume-Uni, Espagne, Italie, Hongrie,...) ont fait le choix de taxer les surprofits ou de créer une taxe exceptionnelle sur les bénéfices de certaines activités, notamment liées à l’énergie. Certains secteurs d’activité déclarent des bénéfices records. Ces recettes sont affectées au financement des aides aux ménages modestes. 

Pour Solidaires Finances Publiques, une remise à plat de la fiscalité est nécessaire, elle doit être associée à une politique d’investissement planifié à court, moyen et long termes en matière d’énergie, d’industrialisation, de transports, de respect de l’être humain et de l’environnement, au service d’une justice fiscale, sociale et environnementale.