SOLIDAIRES FINANCES PUBLIQUES

L’art de cheminer sur de bien longues routes

Bercy va ouvrir une nouvelle négociation sur l’égalité professionnelle entre femmes et hommes.
L’intention est louable. Encore faut-il que les avancées soient concrètes et que l’on ne se contente pas de quelques petits pas ou d’un bel affichage, domaine dans lequel les
ministères ont parfois un talent certain.
Cela fait maintenant un moment que ce thème s’est inscrit dans le paysage, ce qui est en soi, une forme de progrès. Mais, si on est sur la bonne voie, on peut aussi estimer
que le train avance bien lentement.

Pour la séquence qui nous occupe, un accord de méthode sera proposé avant une négociation de fond. C’est la technique imposée par la loi de transformation de la Fonction Publique. La mécanique est parfois lourdingue et nous n’en sommes pas complètement des défenseurs invétérés, en tout cas pas à tout bout de champ.
Le but du jeu, du côté des administrations, nous renvoie un peu vers le personnage du serpent Kaa dans le livre de la jungle, qui susurrait au creux des oreilles syndicales, un sirupeux « allez, signe donc avec moi …. » Sans trop anticiper, nous n’avons pas de fausse pudeur à signer des accords, quand ces derniers emportent vraiment quelque chose. Tout comme nous n’avons aucun souci à ne pas apposer notre paraphe, quand nous estimons que la copie est creuse …
Pour la séance concernée, elle s’est limitée à une sorte d’état des lieux sur la période 2020-2022, au travers d’une lecture comparée du bilan établi par la délégation à la
diversité et à l’égalité.
Toutefois, l’exercice a permis de mettre en lumière des constats et déjà quelques orientations si on veut faire de la démarche un vrai succès.

 

Présentation du bilan

C’est déjà notre 3e plan.... Il est composé de cinq axes recoupant vingt-trois mesures clé, reprenant cent cinquante six mesures opérationnelles.
Appréciez la rigueur chiffrée. Et le petit côté soviétique…

Alors, on y va : mesure opérationnelle n° 1…
Non, rassurez-vous c’est une mauvaise plaisanterie.

Le plan se proposait de travailler tout d’abord sur l’articulation vie professionnelle / vie personnelle. C’est effectivement un point majeur. Mais derrière l’affirmation, on a surtout vu des actions de communication, des chartes et quelquesactions éparses. Dans le très concret, nous aurions, par exemple le nombre de places en crèche. Ce dernier n’a augmenté que de quatorze unités sur la période. Pas de quoi danser de joie…
Idem pour la multiplication des chartes et autres plans concernant le temps de travail ou la déconnexion : dans les faits, les réunions entre midi et deux, celles qui commencent à 17 h, les courriels envoyés à 6 h le matin ou 19 h 45 sont encore bien ancrés dans le paysage !
Le deuxième point vise la lutte contre les stéréotypes, afin de favoriser la mixité. Là encore, même s’il n’est pas simple de mettre en place des mesures efficaces, nous avons surtout vu des actions de sensibilisation. Signalons la Douane qui a connu un progrès ébouriffant, en adaptant les équipements de la surveillance à la morphologie féminine. Globalement, tout le monde essaie de proscrire les jurys de concours et d’examens uniquement composés par la gente masculine.
Mais ce chemin là n’est pas complètement une nouveauté récente (ce qui est heureux…).

Ensuite, on passe à l’égalité salariale et à l’égalité effective dans les parcours professionnels. À notre sens, c’est un peu là le cœur du réacteur.
Mais, à part des travaux à la DGFIP, en termes de concret, nous n’avons pas grand-chose à nous mettre sous la dent.

L’avant-dernier point (le dernier est réservé à la gouvernance – c’est le chapitre que nos petits cerveaux syndicaux ont du mal à appréhender. Ou alors, on nous baratine sévère, mais avec talent…) est dédié à la prévention des violences sexistes et sexuelles. C’est là une obligation impérieuse à notre sens.
Les engagements ici ont porté essentiellement sur la prise en charge des victimes (il y aurait parfois à redire…) et sur le dispositif de signalement (il y aurait tout autant à redire…).

 

Quelques premières remarques à l’orée de ces travaux...

À notre sens, il y a vraiment deux volets qui doivent être mis en avant :
- les violences sexistes ou sexuelles,
- les écarts salariaux et les inégalités en termes de déroulé de carrière.
Dans le monde que l’on voudrait bâtir, ni les unes, ni les autres ne devraient avoir droit de cité.

Les violences sexistes ou sexuelles

S’agissant des premières, nous insistons sur le terme « prévention ». En effet, il vaut mieux prévenir les choses plutôt d’en gérer les conséquences. Même si, évidemment, l’action de prise en charge doit se faire avec le plus grand soin.
Un motif de satisfaction sur le long terme : il fut un temps où l’on était plutôt dans le déni (« il n’y a pas de ça chez nous, monde peuplé de gens de bonne compagnie »…). Dorénavant, ceci a été balayé et tout le monde reconnaît que nous n’échappons pas à un phénomène qui, malheureusement, touche toute la société.
Rappelons que nous sommes (encore) 130 000. Ne serait-ce que mathématiquement, il était assez illusoire de croire que nous pourrions être complètement préservés, même si évidemment les occurrences sont d’une gravité variable.
Autre satisfecit en passant : Bercy veut également ajouter le sujet des violences conjugales, ce que nous estimons positif.

Un petit coup de griffe par contre : Bercy souligne qu’en trois ans 55 000 agent.es ont suivi une formation sur le sujet. Fort bien. Le chiffre est impressionnant. Mais rappelons que cela fait quand même largement moins d’un agent.e sur deux. Et, surtout, c’est un thème qui est apparu dans le paysage, il y a plus ou moins une dizaine
d’années. Dès lors, il y a de quoi relativiser ce « franc succès »…

Plus grave, le principe du bannissement de la victime (soit disant pour son propre bien) doit être proscrit. Or, il est fort à parier qu’ici et là, dans la pratique, cela ne soit pas complètement le cas, bien au contraire.

Les écarts salariaux et les inégalités de déroulé de carrière

Il faudra commencer par une analyse permettant d’objectiver les choses (Solidaires Finances n’aime pas toujours ce terme, mais ici il s’impose pleinement). Ceci devra permettre d’identifi er les pistes pour réduire (pardon, supprimer !) ces écarts et de faire en sorte qu’il n’y ait pas de différence dans les déroulés de carrière.

Sur ce point, il faut bien reconnaître que beaucoup de choses se limitent à l’accès des femmes aux postes d’encadrement. À titre d’illustration, le secrétariat général a donné la parole successivement à trois directions concernant l’égalité salariale et de carrière.
La première direction a brillamment parlé de l’accès des femmes aux postes d’encadrement. La deuxième s’est empressée de faire de même.
Et devinez donc de quoi a parlé la troisième ? Joli chorus et belle cohérence d’ensemble…

Mais le sujet ne peut se limiter à cela. C’est même quelque part l’aspect le plus « facile ». Et qui a d’ailleurs était largement transposé dans les faits. Cela fait, en effet, un moment que les réunions d’encadrement ne sont plus le règne sans partage des costumes gris ou noirs et des hormones masculines. Solidaires Finances ose le dire : dans la plupart des endroits, c’est une citadelle qui est déjà tombée. Mais il faudra aller plus loin et ne pas se limiter à un cercle d’happy few, et prendre en compte l’ensemble des masses (laborieuses…).

 

Une prochaine réunion est prévue dès le 18 octobre. Nous attendrons de voir d’abord le périmètre des échanges ou, avec un peu plus de poésie, le champ des possibles… Pour l’instant, ce dernier est encore bien vague.
Nous ne le dirons jamais assez : le simple affichage de bonnes intentions ne nous intéresse pas.
Dans ce domaine, il y a aussi le risque d’un décalage entre un ministère (secrétariat général) qui pose plutôt les bons axes, en tout cas des orientations que l’on ne peut
complètement rejeter, et un « terrain » au niveau duquel les choses ne changent pas ou peu. Il ne s’agit pas là de diaboliser tel ou tel niveau, mais c’est le plus souvent une question de moyens et de possibilités concrètes. Et force est de reconnaître que l’état global de nos services est aussi une explication à cette forme d’inertie. Au-delà des seuls engagements contenus dans un plan si bien construit soit-il, au moins dans sa forme, il faudra donc mettre des moyens à tous les niveaux.