Une « niche fiscale » (autrement dit, la « dépense fiscale », son véritable terme budgétaire) est une disposition fiscale dérogatoire qui prend la forme d’une réduction d’impôt, d’un crédit d’impôt, d’une exonération, d’un régime fiscal particulier ou d’une déduction du revenu ou du bénéfice imposable. Une telle disposition permet de réduire l’impôt de son bénéficiaire.
Le rapport « voies et moyens, tome 2 » annexé à la loi de finances pour 2019 en recense 473 pour un coût budgétaire de près de 98 milliards d'euros, un montant comparable au déficit budgétaire de l’État prévu pour 2019 (avant les récentes annonces d’Emmanuel Macron). Il faut ajouter à ces données le nombre et le coût de mesures considérées comme des modalités spécifiques de calcul de l'impôt et non comme des dépenses fiscales proprement dites : on en dénombrait plus de 70 en 2018 pour un coût budgétaire de 22,64 milliards d'euros. Il s’agit notamment de certaines déductions du revenu pour cotisation à des systèmes de retraites spécifiques (Perp) ou encore de certains régimes de l’impôt sur les sociétés comme le régime de l’intégration fiscale.
En théorie, les niches ont pour objectif de modifier les comportements des agents économiques, particuliers et entreprises (la réduction d’impôt pour dons aux œuvres est censée favoriser les dons et soutenir les organismes d’intérêt général par exemple). Plus prosaïquement, elles sont parfois aussi le fruit de l’action de groupes de pression qui cherchent à obtenir des avantages fiscaux particuliers, officiellement au nom de la défense de la compétitivité de leur secteur.
Les niches fiscales n’ont pas bonne presse. Dans l’imaginaire collectif, elles sont synonymes de privilèges fiscaux et, par conséquent, d’optimisation et d’injustice fiscales. C’est malheureusement en partie vrai. Mais la situation est plus complexe : certaines niches bénéficient à de nombreux contribuables (comme l’exonération des intérêts des livrets d’épargne réglementés) mais les plus aisés les concentrent pour baisser leur taux d’imposition effectif des revenus (qui passe de 25 à 20% pour les 1 000 foyers fiscaux les plus riches, loin du taux maximum du barème de l’impôt sur le revenu de 45 %). Il faut donc éviter toute mesure qui remettrait en cause des mesures légitimes et engager une véritable stratégie anti-défiscalisation outrancière...
Pour ce faire, il faut considérer l’ensemble du système fiscal, impôt sur les sociétés compris. A titre d’exemple, le crédit d’impôt recherche (CIR) est très prisé. Et ce, plus en raison de la possibilité qu’il offre de baisser l’impôt dû, notamment au niveau d’un groupe de sociétés, que de la nécessité de financer un projet de recherche. Une véritable revue des niches conclurait à une réforme du CIR permettant d’en baisser le coût budgétaire sans mettre en danger son potentiel effet...
Une vraie réforme fiscale doit donc procéder à une revue des niches avec pour objectif d’en réduire le coût et le nombre et ce, afin de rendre l’impôt plus stable (car les niches sont une des principales sources de l’instabilité fiscale), plus progressif (ce qui neutraliserait les stratégies d’optimisation) et plus simple (car ces dispositifs ajoutent à la complexité de l’impôt). Concrètement, une « revue des niches fiscales » engagée dans cette optique consisterait à étudier le rapport entre le coût budgétaire, l’efficacité et l’impact redistributif de chacune des « niches ». Au terme de cette « revue », certaines seraient maintenues (si leur efficacité est démontrée), d’autres réformées et/ou supprimées.
Il n’existe que des travaux parcellaires sur le sujet. Un rapport de l’Assemblée nationale de 2008 montrait l’ampleur et l’impact des stratégies de défiscalisation. Plus récemment, un autre rapport de l’Assemblée nationale de novembre 2017 sur la fiscalité de la transition écologique s’interrogeait sur l’efficience du crédit impôt pour la transition écologique et sur l’efficacité réelle de la hausse des prélèvements sur les carburants. Les autres travaux restent souvent très généraux, ils portent essentiellement sur le coût global des niches. Or, une vraie réforme fiscale telle que Solidaires Finances Publiques l’appelle de ses vœux nécessite une telle revue.
Question de justice fiscale et sociale, donc de renforcement du consentement à l’impôt...