L’annonce de la suppression de la déclaration des revenus par le ministre de l’action et des comptes publics intervient au mauvais moment et soulève de nombreuses questions.
A quelques jours de la campagne de réception du public, cette annonce instillera immanquablement le doute chez certains contribuables qui se demanderont quand cette disposition sera applicable et s’ils sont concerné.es. On peut donc s’attendre, outre les questions habituelles et, désormais, celles relatives au prélèvement à la source, à des interrogations suite à cette annonce.
Plus fondamentalement, cette annonce a de quoi interpeller sur la politique fiscale du gouvernement. Outre le caractère éminemment citoyen du système déclaratif qu’il faut réaffirmer sans relâche, surtout dans la période, il faut rappeler l’utilité proprement fiscale de la déclaration des revenus. Car grâce au « récapitulatif » de l’année précédente qu’elle comporte, elle permet notamment de déterminer en année N l’impôt restant éventuellement à payer ou le « trop payé » à rembourser au titre de l’année N-1. Ce faisant, elle sert à actualiser le taux de prélèvement à la source et/ou les acomptes à verser sur les revenus autres que les salaires ou les pensions de retraite. Ne la rendre obligatoire que dans certains cas reviendrait à complexifier l’impôt sur le revenu, ce dont il n’avait pas besoin (il faudra déterminer quels critères la rendent obligatoire, sachant qu’ils peuvent être mouvants d’une année sur l’autre), avec le risque d’oubli et, par conséquent, de réveils difficiles pour les contribuables. On peut ainsi imaginer qu’un contribuable ayant oublié de déposer sa déclaration soit relancé, qu’il ne comprenne pas la régularisation mise à sa charge, etc. Au surplus, la dispense de déclaration concernerait une minorité des foyers fiscaux dont la situation ne change pas. Mais pour la grande majorité, qui perçoit des revenus autres que salariaux, qui bénéficie des crédits d’impôt ou tout simplement dont la situation financière et/ou familiale change, la déclaration de revenus resterait obligatoire… Vu la structure de l’impôt sur le revenu et le rapport complexe des contribuables à l’impôt, une telle mesure ne s’impose pas...
Au-delà, il y a de quoi s’inquiéter devant les évolutions véritablement envisagées par le pouvoir. En effet, les déclarations du ministre de l’action et des comptes publics, en janvier 2019, interrogent. Car il affiche sans détour sa préférence pour la CSG, un « bon impôt » car « il est proportionnel ». Si la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG fait régulièrement débat, la piste la plus évidente pour un gouvernement hostile à la redistribution fiscale et, par conséquent, à la progressivité de l’impôt sur le revenu, pourrait être d’en finir avec l’impôt sur le revenu et de compenser le manque à gagner par une hausse de la CSG. Une hausse de 5 points sur l’ensemble des revenus dégagerait ainsi l’équivalent du rendement de l’impôt sur le revenu. Il lui resterait cependant à revoir le circuit de l’affectation des recettes, entre l’Etat et les branches « maladie » et « famille » de la sécurité sociale. Une telle orientation, pour l’heure non confirmée (fort heureusement), ne serait pas neutre. Elle signerait la mort de la progressivité, déjà affaiblie par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. Ceci aurait pour conséquences un transfert massif d’imposition vers les classes modestes et moyennes, un effondrement de la contribution des plus aisés, une explosion des inégalités et une dangereuse confusion des budgets de l’État et de la Sécurité sociale. L’affaire ne s’arrêterait pas là, car un tel transfert d’imposition grèverait également le pouvoir d’achat de nombreux ménages, ce qui provoquerait une chute de la consommation, donc des recettes fiscales, avec des risques sur l’emploi, les investissements, etc.
A l’opposé d’une orientation libérale et, « en même temps », conservatrice, il faut au contraire consolider et renforcer la progressivité du système fiscal et rééquilibrer ce dernier car les injustices y sont nombreuses. Vu sous cet angle, la question se pose donc: la déclaration des revenus non obligatoire est-elle un énième effet d’annonce (mais contre-productif) ou un premier jalon d’une régression fiscale sans précédent depuis plus d’un siècle ? L’avenir le dira…