Le débat sur le « monde d’après » est engagé. Si chacun s’accorde à dire que la crise sera profonde, durable, probablement plus violente que celle de 1929 et qu’il faudra des mesures fortes pour faire face aux enjeux, les orientations proposées diffèrent largement.
En Europe, un plan d’aide et la suspension du pacte de stabilité et de relance par l’activation de la clause dérogatoire ont été décidés. La Banque Centrale Européenne a également engagé deux programmes de rachat de titres de dette publique et privée de 120 et 750 milliards d’euros et a levé les restrictions limitant la part de dettes publiques nationales qu’elle peut détenir dans ses comptes. La France a pris des décisions d’urgence concernant les aides ou le report d’échéances sociales et fiscales par exemple. Ces mesures d’urgence font l’objet d’un vif débat. Seront-elles suffisantes ? L’avenir le dira. Vont-elles changer durablement la donne ? Rien n’est moins sûr.
En effet, la proposition de mutualiser les intérêts de la dette, baptisée Covidbonds, a essuyé le refus de certains pays comme l’Allemagne. Quant au « green deal », qui devait officiellement constituer une priorité de l’Union Européenne, il est contesté par ceux qui souhaitent le repousser au nom de la seule relance de l’activité économique. En France, le MEDEF a proposé de travailler plus sans gagner plus et de mettre les normes environnementales de côté. Le gouvernement a pour sa part refusé toute hausse d’impôt. Autrement dit, pour l’heure, seule la gestion de l’urgence compte, mais il n’est pas question de remettre en cause l’idéologie dominante. Voilà qui promet...
Au fond, si l’on suit les préceptes libéraux à l’œuvre de longue date, on pourrait se diriger vers un scénario de type « Grèce », mais cette fois à l’échelle mondiale. Rappelons ici le bilan de l’austérité imposée à la Grèce qui a de quoi faire froid dans le dos.
• Le PIB a perdu un tiers de sa valeur dans les neuf ans qui sont suivi la crise.
• En 2008, à la veille de la crise, le taux de chômage en Grèce s’élevait à 7,6 %. Il a atteint 27,8 % en 2013 et reste le plus élevé des pays de l’Union Européenne avec 16,9 % en 2019.
• Le salaire moyen a diminué de 22 % entre 2009 et 2013, il stagne depuis.
• Le salaire minimum a baisse de 28 % en 2013 sous la pression des créanciers de la Grèce. Entre 2010 et 2016, le revenu médian a baissé d'un tiers.
• Les suicides ont augmenté de 35 % entre 2008 et 2013.
• Près de 500 000 personnes ont quitté le pays dont 69 % de moins de quarante ans.
• Environ 20 % des familles grecques n’achètent plus de médicaments.
• La dette publique dépassait 180 % du PIB en 2018.
Ne rien changer reviendrait à faire subir une catastrophe aux dimensions sociales, environnementales et économiques à la plupart des pays. Il faut donc changer. Pour un « autre monde d’après », de nombreuses propositions sont formulées pour faire face aux multiples enjeux (la déclaration des Attac d’Europe du 16 avril en balaie un large panorama).
En matière de fiscalité, il s’agit de privilégier les orientations qui suivent.
• Annuler la dette de cette crise ou, à défaut, la transformer en crise perpétuelle, de sorte qu’elle ne pèse pas sur les politiques sociales, écologiques et économiques.
• Réorienter les politiques économiques et budgétaires pour permettre les investissements publics nécessaires à la prise en charge des besoins sociaux et environnementaux.
• En finir avec la concurrence fiscale et sociale pour réorganiser les systèmes fiscaux, en réhabilitant les principaux objectifs des politiques fiscales : financer l’action publique et réduire les inégalités.
• Établir une autre « gouvernance » internationale prévoyant notamment une taxation unitaire des multinationales et la prise en compte du numérique pour imposer la richesse là où elle est créée. Au sein de l’Union Européenne, ceci suppose également l’harmonisation du système de TVA intracommunautaire et la mise en œuvre d’impôts européens.
• Renforcer la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales (des pratiques qui n’ont jamais disparu avec les crises).
Telles sont pour Solidaires Finances Publiques les principales orientations à mettre en œuvre. Notre organisation les détaillera et les défendra aux côtés de ses organisations amies.