La CAP nationale de sélection au grade d'inspecteur par liste d'aptitude s'est tenue du 28 janvier au 4 février 2020
Liminaire
Monsieur le Président,
Le mouvement social contre le projet de réforme des systèmes de retraites connaît depuis le 5 décembre une intensité et une durée historiques. Après 50 jours, la population reste majoritairement opposée à ce projet et soutient ce mouvement.
Le projet du gouvernement est éminemment idéologique : il traduit une volonté claire et brutale de changer de modèle de société. Le système dit « universel » prôné par le pouvoir constitue une harmonisation par le bas. La plupart des futurs retraités seraient perdants. L’objectif du gouvernement est de stabiliser voire de faire baisser, la part de la richesse nationale consacrée aux retraites alors qu’il y aura davantage de retraités et donc de développer les régimes individuels par capitalisation.
Les fonctionnaires figurent au rang des grands perdants : ce projet emporterait la fin des dispositions du Code des pensions (notamment le calcul de la pension sur les 6 derniers mois). Après la loi de transformation de la fonction publique, ce serait un nouveau coup très rude porté contre le statut des fonctionnaires.
Solidaires Finances Publiques s’est inscrit dans ce mouvement social en appelant à faire grève et à participer aux manifestations lors de chaque « temps fort » depuis le 5 décembre. Notre organisation est solidaire des secteurs en lutte depuis le début du conflit.
Après une participation record des agents des finances publiques à la journée du 5 décembre et plusieurs journées de grève, la mobilisation reste significative à la DGFiP avec encore près de 20 % le 9 janvier dernier. Nous sommes l’un des secteurs de la sphère publique les plus mobilisés.
Le mouvement social contre le projet de la réforme des retraites se poursuit avec le soutien de la population (60 % de soutien le 14 janvier). Le gouvernement s’entête à vouloir imposer une réforme globale injuste. Il met en avant l’enjeu du financement, estimant que seule sa réforme permettrait de « sauver le système actuel ».
Pour Solidaires Finances Publiques assurer et améliorer le financement du système par répartition et des pensions des fonctionnaires est possible.
- En arrêtant les suppressions d’emplois dans la Fonction Publique. Les fonctionnaires par leurs cotisations sociales contribuent au financement de la retraite et plus globalement de la protection sociale.
- En mettant fin aux niches sociales évaluées à 90 milliards d’euros qui ne répondent en aucun cas à leurs objectifs initiaux (exemple : le Crédit impôt compétitivité emploi transformé en allègement pérenne des cotisations sociales patronales).
- En augmentant les salaires, les rémunérations, en mettant fin notamment au gel du point d’indice des fonctionnaires (prévu jusqu’en 2022).
- En mettant fin aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes.
- En faisant le choix d'une politique fiscale redistributive (exemple : mettre fin au prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus financiers qui privilégie les plus riches).
- En luttant de façon efficace contre la fraude et l'évasion fiscales (80 milliards d'euros). Ce manque de recettes contribue à un affaiblissement du financement de la protection sociale et des pensions de fonctionnaires et des militaires.
La journée de mobilisation du 24 janvier a montré que l'opposition à la réforme ne faiblit pas, n'en déplaise au gouvernement. Solidaires Finances Publiques appelle les agents des finances publiques et plus largement tous les citoyens à la nouvelle journée nationale de manifestation du mercredi 29 janvier 2020. Dans ces conditions, les élus de Solidaires Finances Publiques vous demandent de neutraliser la CAPN le 29 janvier.
Le contexte social à la DGFiP:
Alors que le gouvernement poursuit la mise en œuvre du projet libéral de destruction du modèle social, la DGFIP et ses personnels sont depuis des années au cœur de cette cible idéologique. Soumis à de nombreuses restructurations, à des vagues successives de suppressions de postes (25 000 depuis sa création et 42000 depuis 2002), à un management contraignant et à une hausse de la charge de travail, les agents des finances publiques subissent une dégradation continue et préoccupante de leurs conditions de travail.
La Direction générale des finances publiques (DGFiP) est à la croisée des chemins. Les pouvoirs publics veulent imposer une profonde refonte du réseau territorial qui se traduira par de nombreuses suppressions et transferts de services et missions vers d’autres opérateurs publics et de plus en plus fréquemment privés (la poste, buralistes,...). Il en résulterait une contraction brutale et inédite de la présence territoriale de la DGFiP alors que les besoins sont importants en termes d’accueil, de lutte contre la fraude fiscale ou de gestion des collectivités locales. Parallèlement, le pouvoir engage une remise en cause inédite des principes, du statut et de l’organisation de la fonction publique.
Il est important d'indiquer des données chiffrées révélatrices :
La hausse de la charge de travail est démontrée.
A titre d’exemples, entre 2008 et 2018 :
- le nombre d’avis d’impôt sur le revenu a progressé de 6,3 %,
- le nombre d’avis de taxe d’habitation a progressé de 5,4 % et de 12,9 % en matière de taxe foncière,
- le nombre d’entreprises soumises à TVA a progressé de 49,5 % et celui d’entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés de 54,5 %,
- le volume des sollicitations dans les accueils des services a progressé de 27,4 %. Cette tendance s’observe dans les autres missions de la DGFiP…
L’intensification du travail qui résulte de l’effet ciseau « plus de travail/moins de moyens » est une réalité
- le nombre d’heures écrêtées en 2018 représente près de 260 emplois à temps plein,
- le nombre de jours déposés sur un CET représente un peu plus de 7000 emplois à temps plein sur l’année 2018. Ce nombre est en constante évolution depuis de 2015 (+20 % entre 2015 et 2018).
Même les travaux officiels montrent une réelle et préoccupante dégradation des conditions de travail consécutive à cette évolution générale :
- entre 2011 et 2018, le nombre de situations de souffrance au travail se sont officiellement accrues de 25 % (davantage si le nombre de situations non déclarées était révélé),
- 76 % des agents sont pessimistes concernant leur propre avenir au sein de la DGFiP contre 55 % en 2016…
L'administration doit être consciente de ces réalités, et doit prendre les mesures nécessaires. Les agents subissent depuis trop longtemps les orientations destructrices de notre administration. Il est urgent de remettre les agents au cœur du dispositif afin que ceux-ci puissent retrouver du sens à leur travail.
Concernant cette CAP:
Solidaires Finances Publiques condamne la suppression des CAP de promotion, et notamment celle de liste d'aptitude. Cela confirme la volonté de vouloir détruire tout dialogue social. Cette suppression ouvre la porte à l'arbitraire le plus total et favorise une opacité intégrale, et ce au détriment de tous les agents de la DGFiP.
Solidaires Finances Publiques rappelle son attachement au recrutement par concours, la liste d'aptitude constituant une 3e voie permettant aux agents d'accéder au grade supérieur.
Solidaires Finances Publiques dénonce des volumes de promotions internes bien trop restreints. Les besoins en inspecteurs sont réels, et Solidaires Finances Publiques demande a minima l'appel des listes complémentaires des concours qui vont sortir.
Au titre de cette année, 3873 agents (contre 4066 l'année passée) ont fait acte de candidature. Cette baisse est d’autant plus importante que le nombre d'agents sur la plage d’appel statutaire augmente (24451 agents contre 24100 en 2019). Pour Solidaires Finances Publiques cette baisse peut s’expliquer par le très faible volume de promotion et par la refonte des règles d’affectation avec la départementalisation qui désabusent les agents.
Solidaires Finances Publiques condamne le changement de doctrine de l'administration concernant la gestion des agents classés excellents. Jusqu’à présent, la Direction Générale préconisait de donner de la visibilité aux agents. Ainsi, un agent classé « excellent », sous réserve du maintien de sa manière de servir, remontait progressivement dans le classement du directeur au fur et à mesure des promotions. Aujourd’hui, de nombreuses directions affirment avoir reçu pour consigne de la Centrale de « rebattre les cartes » chaque année. Cette consigne assombrit un peu plus une sélection déjà très opaque.
Concernant les agents positionnés en excellent, l'examen des situations nous conduit à constater que les classements des directeurs locaux continuent de reposer sur des critères subjectifs.
Des dérives locales non exhaustives subsistent:
- des directions, en l’absence de potentialité, ne voulaient même pas classer d’agents en excellent pour ce motif. Toutefois, les potentialités affichées n’étaient que prévisionnelles. De ce fait, certaines directions auraient pu classer des agents en « excellent ». La gestion prudentielle du classement en excellent aurait dû aussi aboutir dans certaines directions à accroître la volumétrie des candidats classés excellents pour tenir compte des résultats des concours.
- des directions qui classent des agents âgés de plus de 58 ans en excellent mais en position non éligible à court ou à moyen terme au vu des potentialités disponibles,
- des directions qui ne veulent pas classer d’agents en très bon pour ne pas constituer un vivier naturel, et privent les agents d’une certaine visibilité.
- des directions qui n’assument pas face aux agents les décisions qu’elles prennent
- certains se voient à nouveau classés au même rang, voire reculent, quand bien même un agent mieux positionné a été promu l'année précédente. Et les explications sont le plus souvent inexistantes ou fallacieuses.
- certains directeurs ne tiennent pas compte de l’avis de leurs prédécesseurs et déclassent des candidats quand bien même leur manière de servir demeure excellente
- certaines directions font pression sur les candidats pour leur faire accepter une mobilité fonctionnelle pour mieux leur rétorquer ensuite qu’ils manquent d’expérience sur leur nouveau poste.
- encore trop de directions qui, contrairement aux instructions de la Centrale, ne font pas vivre le dialogue social local en ne laissant aucune marge de manœuvre à la CAP
- certains agents ont leurs mérites reconnus depuis plusieurs années par leur direction locale les plaçant en numéro un, et dont le seul tort est d'être dans une petite direction sans potentialité. Leur situation devient problématique quand ils dépassent désormais les 60 ans. C’est d’autant plus insupportable quand différents présidents de CAPN ont annoncé une promotion à très court terme.
Dans le cadre de cette CAP, il reste 7 potentialités. Ce type de situation doit trouver une solution indépendamment des potentialités et des ratios promus/promouvables que l'administration centrale prend en compte. Il en va de la crédibilité de l'administration.
Ces dérives démontrent bien que la liste d'aptitude, telle qu’elle est conçue actuellement, est complètement subjective, non transparente, inégalitaire et incompréhensible pour les agents.
Ces dérives sont d’autant plus problématiques que la Direction Générale valide quasi systématiquement les choix et les classements des directeurs.
Solidaires Finances Publiques dénonce les classements des directeurs locaux et exige que la CAP Nationale joue pleinement son rôle.
C’est pourquoi les élus de Solidaires Finances Publiques voteront contre votre liste à l'issue de la CAP