Rapport de la Cour des Comptes sur les 10 ans de la DGFiP, rapport CAP22, discours de G. Darmanin, circulaires du 1er ministre, ces quatre entrées ont beaucoup de points communs dont deux : la rationalisation des coûts en immobilier et la déconcentration de proximité, selon la formulation désormais consacrée.
Les services des Domaines vont jouer un rôle essentiel. La journée d'Etude de la DIE (Direction de l'Immobilier de l'Etat) du 30/05/18 est éclairante. Tous les documents sont en ligne sur Ulysse dans Gestion Publique puis Politique immobilière de l'Etat ou Domaine. Nous nous arrêterons ici sur le dernier diaporama ayant pour thème : "Alternatives à la cession".
Après plus de 10 ans de ventes de biens immobiliers de l'Etat considérés comme devenus inutiles, celui-ci change de braquet pour 2 raisons identifiées.
La première est qu'à force de vendre, il ne reste plus grand'chose dans le panier à céder et que le marché de l'immobilier ne permet pas obligatoirement de vendre ce qui reste proposé. La seconde est que la vente, donc un gain immédiat, peut empêcher de percevoir des revenus sur la durée voire une plus-value à terme, donc des gains plus lointains ou étalés mais pouvant être plus importants.
Soyons donc rassurés, ou pas, l'Etat continue de chercher des rentrées d'argent, seule la réflexion sur la façon d'en réaliser évolue, un peu, à la façon de ce qui peut exister dans le privé (propriétaires et gestionnaires immobiliers) : occupation temporaire, mise en location, espaces de co-working (tiens, cela ne rapelle pas d'autres réflexions sur les restructurations et les manières de travailler à la DGFiP ?)...
Occupation temporaire :
elle se déroulerait pendant le délai de commercialisation afin de permettre le gardiennage ou la limitation des coûts de conservation avant vente, de maintenir un intérêt général territorial et d'obtenir une rémunération.
Occupation à moyen ou long terme :
elle permettrait de maintenir un intérêt général territorial et d'obtenir une rémunération.
Si des questions budgétaires, juridiques et organisationnalles se posent, telles que les modalités de financement et de réalisation d'aménagements, les conditions financières d'occupation ou encore les circuits de gestion à mettre en place, la DIE a déjà rencontré 2 acteurs du marché représentatifs :
1/ Camelot, opérateur de l'occupation temporaire et leader européen de la gestion de biens immobiliers vacants dont le créneau est la protection des sites par l'occupation (essentiellement du logement) ;
2/ Plateau urbain, opérateur de l'occupation temporaire solidaire dont le créneau est l'accueil d'acteurs culturels, associatifs et de l'économie sociale et solidaire.
Ces précédents points concernent les biens immobiliers remis au domaine pour aliénation mais qu'en est-il des immeubles pour le moment maintenus dans le parc immobilier ? Et bien, pas de petites économies pour l'Etat, rationalisons les mètres carrés : il faut obtenir des redevances, alimenter en ressources pérennes le CAS (Compte d'Affectation Spéciale) immobilier. Comment ? En déterminant les espaces vacants, en valorisant les toitures et points hauts, les délaissés fonciers et les espaces disponibles. Au-delà des distributeurs de boissons qui existent déjà dans les immeubles de la DGFiP, ces réflexions laissent la place à de possibles implantations d'antennes mobiles, de panneaux photovoltaïques, etc.
Entre cessions et valorisations alternatives, l'implication de la DNID* et des services des Domaines et de l'immobilier (RRPIE, PED, PGD, SLD)* va être forte.
Faisons le lien entre cette rationalisation des mètres carrés et les réorganisations et autre déconcentration de proximité. Vouloir remplir les mètres carrés disponibles pour permettre aux agent.e.s. de la DGFiP de rester sur place peut être séduisant. Néanmoins, à quel prix ? Faudra-t-il à terme travailler dans un centre des Finances Publiques équipé d'une antenne mobile, avec toutes les conséquences en matière de santé ? Ou sera-t-il transformé en un espace de co-working où l'identité DGFiP disparaitra ? Devra-t'on considérer un centre des Finances publiques comme un espace commercial ? On voit déjà l'intrusion de modes fonctionnels venant du privé (par exemple, en matière de mobilité et de rémunération). Les agent.e.s devront-ils accepter de voir encore plus disparaître leur identité DGFiP par de nouvelles utilisations de leurs locaux professionnels ?
Enfin, les circulaires du 1er ministre n°6029/SG, portant sur l'organisation territoriale des services publics, et n°6030/SG, portant sur la déconcentration et l'organisation des administrations centrales, du 24/07/18, portent la période butoir de la deuxième quinzaine d'octobre 2018 (documents disponibles ici CAP22 : les hostilités sont ouvertes). L'ensemble des écrits interpellent sur de nombreux sujets. Pour ce qui nous concerne ici, deux paragraphes se dégagent.
Le 1er, "L'immobilier levier de rationalisation", porte la nécessité pour l'administration de l'Etat de regrouper tous les services administratifs départementaux sur une même implantation immobilière. Que ces services soient ou non sous l'autorité du Préfet. Pour les services de la DGFiP, cela signifierait pourtant laisser un droit de regard (voire d'ingérence ?) du Préfet sur leur organisation et leur implantation. La DIE et le RRPIE sont mis à disposition de celui-ci pour l'aider en termes de gestion budgétaire et immobilière et à déterminer le nouveau plan départemental favorisant les regroupements immobiliers, y compris au-delà de la sphère RéATE.
Dans le 2ème, "Réinventer le service public de proximité avec un projet ambitieux, concret et fédérateur pour les citoyens comme pour les agents et inscrit au coeur des territoires", l'Etat tire quelques lignes de bilan peu optimiste des Maisons de Services au Public et renvoie vers la possibilité d'utiliser des locaux des collectivités et des opérateurs n'accueillant plus de public afin d'y implanter de nouveaux points de contact mutualisés et polyvalents tels que des maisons de l'Etat ou des sous-préfectures.
A travers ces quelques lignes, on pourrait développer d'autres sujets tels que la décentralisation, le rôle du Préfet, la mobilité, les nouvelles règles de gestion des agent.e.s de la DGFiP, etc, tellement tout se trouve imbriqué. Alors soyons, toutes et tous, plus que jamais attentifs aux annonces faites car tout va aller vite, très vite, avec des conséquences plus profondes que celles directement visibles.
* DNID : Direction Nationale d'Interventions Domaniales
RRPIE : Responsable Régional de la Politique Immobilière de l'Etat
PED : Pôle d'Evaluation Domaniale
PGD : Pôle de Gestion Domaniale
SLD : Service Local du Domaine