SOLIDAIRES FINANCES PUBLIQUES

Un peu comme une série aux multiples rebondissements, l’histoire des CumCum nous livre une nouvelle saison. Le dernier épisode oppose l’administration fiscale et le ministre de l’Économie à la représentation nationale (Assemblée nationale et Sénat).

Pour mémoire, en 2018, étaient révélées des pratiques d’évitement de l’impôt, appelé « CumCum ».

CUM CUM : Kezaco ?

Sous cette appellation se cachent différents schémas d’évasion fiscale (dits CumCum interne et CumCum externe), entraînant des pertes de recettes fiscales colossales pour plusieurs États européens. La France aurait ainsi perdu 33 Mds d’euros de recettes fiscales sur 20 ans.
La pratique du CumCum interne consiste pour un actionnaire d’une entreprise à transférer la propriété de ses actions quelques jours avant la distribution de dividendes à une banque française, exonérée pour partie de la taxe sur les dividendes. Après le paiement des dividendes, les actions et les dividendes sont restitués au propriétaire initial. Avec le CumCum externe, le schéma se complexifie en faisant intervenir des sociétés-écran et des établissements bancaires étrangers, sur fond de conventions fiscales favorables.

Un seul but : contourner l’impôt sur les dividendes
Présentée à l’origine comme une pratique légale d’optimisation fiscale, cette pratique a franchi depuis longtemps la ligne rouge et relève désormais d’un abus de droit, constitutif de fraude fiscale. Sont mises en place des opérations complexes dans le seul but de contourner l’impôt sur les dividendes dû par les actionnaires d’entreprises. L’impôt éludé fait souvent l’objet d’un partage entre le facilitateur de cette pratique (souvent un établissement bancaire) et son client.

En 2018, la France s’est dotée d’un « bouclier anti CumCum »….dès sa création, ce dispositif anti-abus avait suscité de nombreux débats ! Des parlementaires le déclaraient insuffisant et lui reprochait de ne concerner que le CumCum interne, écartant de facto le CumCum externe. Ainsi, n’étaient pas visés par ce bouclier les actionnaires étrangers qui perçoivent des dividendes de sociétés françaises.

En mars 2023, dans le cadre d’enquêtes ouvertes en décembre 2021 par le Parquet national financier, était organisée une opération inédite de perquisitions dans différents établissements bancaires français et étrangers. Certains sont soupçonnés de blanchiment de fraude fiscale aggravée, d’autres de fraude fiscale aggravée pour plus de 30 Mds d’euros. Avec ces affaires, la question des CumCum revient en force dans le débat public.

Dans le cadre du budget 2025, les sénateurs ont à l’unanimité fait adopter un dispositif destiné à éradiquer ces pratiques en renforçant le dispositif légal. Désormais, la retenue à la source sur les dividendes sera appliquée au bénéficiaire effectif des revenus, même en cas de structures intermédiaires en cascade, utilisées pour masquer l’identité réelle du bénéficiaire final. Ce dispositif s’applique également à l’ensemble des produits dérivés complexes, qui échappaient au dispositif anti-abus.

Le ministre de l’économie plus sensible au lobby bancaire qu’à la lutte contre la fraude ?

Avec ce nouveau cadre légal et l’application d’une retenue à la source systématique, est ainsi mis en place un dispositif jugé efficace par nombre d’experts pour lutter contre la pratique des CumCum.

Cependant, un nouveau rebondissement agite sénateurs et parlementaires. Ils dénoncent le texte de doctrine fiscale qui précise les modalités d’application du nouveau dispositif, publié par le ministère des finances. Ce texte viendrait vider de sa substance la loi votée par le Parlement en introduisant des cas de non-application du dispositif antifraude.

Accusé d’avoir cédé au lobby bancaire, le ministre des finances s’est lancé, lors de son audition devant la commission des finances le 9 juillet dernier, dans une explication très technique sur la nécessité de sécuriser le dispositif tout en répondant aux interrogations des marchés réglementés quant à l’application de la retenue à la source et son éventuel remboursement. Il a affirmé n’avoir ouvert aucune brèche et fait valoir le chiffre de 4,5 Mds d’euros de redressements effectués depuis 2017 (sur une fraude estimée à plus de 30 Mds !?). Les services de contrôle conserveront toute latitude pour intervenir. Il a également rappelé que « son rôle est de protéger la place de Paris, sans nuire aux affaires ». Cet énième épisode (sans doute pas le dernier) interroge fortement et l’argumentaire déployé tout autant. A voir la suite réservée à cette affaire.

En matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, Solidaires Finances Publiques ne cesse de rappeler la nécessité d’une réelle volonté politique et de revendiquer, outre des moyens humains, de véritables moyens juridiques. Ce nouvel épisode démontre la fragilité d’une Loi, pourtant votée à l’unanimité. S’affrontent clairement deux mondes, celui des politiques ultra-libérales (et des lobbies) et celui de la nécessité et du consentement à l’impôt.

Pour Solidaires Finances Publiques, la fraude et l’évasion fiscales sont des fléaux qu’il faut combattre. Justice et Équité fiscale pour toutes et tous.