La commission des finances de l'assemblée nationale harmonise depuis hier, et poursuit aujourd'hui également, les différentes modifications apportées par le sénat sur le projet de loi portant sur la lutte contre la fraude.
L'article 13 inséré par le Parlement porte sur le « verrou de Bercy », il ne sera débattu que cet après-midi (25 juillet 2018).
Mais Monsieur Darmanin, ministre du budget et des comptes publics, a donné le « la » hier après-midi, en annonçant que le gouvernement soutenait l'amendement parlementaire présenté par Emilie Cariou le 23 juillet 2018.
Cet amendement va beaucoup plus loin que celui adopté par le sénat, pour lequel 3 critères cumulatifs étaient retenus (montant de la fraude fixé par décret en Conseil d’État, application de pénalités d'au moins 80 % et réitération des faits) pour une transmission des dossiers à la justice.
La DGFIP sera dans l'obligation de transmettre au parquet les dossiers suivants :
- montant des droits dépassant un seuil fixé par décret,
- majorations de 100 % (évaluation d'office), 80 %, 40 % pour des manquements réitérés,
- 40 % pour un premier manquement pour les personnes tenues à une exigence renforcée d'exemplarité même si le montant des droits est inférieur au seuil fixé. Le parquet seul décidera de la suite à donner à ces dossiers.
Le parquet pourra également poursuivre directement les fraudes fiscales connexes à celles dont il est saisi (autres impôts, autres périodes).
La procédure actuelle de dépôt de plainte de l'administration, sur avis conforme de la Commission des Infractions Fiscales, est maintenue.
Le secret professionnel auquel sont tenus les agents de l'administration fiscale est levé à l'égard du procureur de la République.
Ces dispositions sont loin des préconisations de notre syndicat basées, plus particulièrement, sur une plus grande coopération et mutualisation entre la DGFIP et le ministère de la justice au niveau national mais également au niveau régional et local, afin de rendre cette transition plus souple mais également, et surtout, efficace (cf notre rapport lutte contre la fraude, en finir avec l'impunité fiscale).
Le manque criant de personnel à la DGFIP et à la justice risque fort de rendre quasi inopérant ce système. Certains parquets vont voir le nombre de dossiers s'accroître de manière significative, auront-ils tous la capacité d'y répondre ? Et dans quels délais ?
Les services vérificateurs, mais également les services de direction chargés de coordonner la qualité, la transmission et le suivi des dossiers, seront également fortement sollicités. Compte tenu des annonces faites autour de CAP22 de par les restructurations d'ampleur et les suppressions d'emplois prévues, cet exercice risque d'être périlleux.
Au final, nous aurons plus de transmission de dossiers :
- la première question est de savoir s'ils seront examinés rapidement par la justice afin de déterminer ceux qui présentent un intérêt et ceux qui reprennent un parcours classique, permettant entre autres une transaction (les transactions fiscales portent uniquement sur les pénalités).
- La deuxième question porte sur la place qui sera accordée à ces dossiers à l'intérieur du ministère de la justice, les troubles à l'ordre public étant prioritaires. La réalité est que sur ces dossiers, l'ensemble des citoyens sont lésés par l'absence ou la minoration de recettes au budget de l’État.