Le ministre de l’action et des comptes publics a annoncé le lancement d’un « partenariat fiscal » avec des entreprises qui le souhaiteraient. « En échange d'une plus grande transparence de la part de l'entreprise, l'administration offrira un service renforcé de sécurité juridique pour régler les grandes questions fiscales au fil de l'eau » a-t-il déclaré, précisant que ce dispositif « permettra aux entreprises de venir spontanément régler des situations problématiques, moyennant une réduction des pénalités ». Le ministre a également déclaré « L'administration doit pouvoir accompagner ceux qui souhaitent payer leur juste impôt et mieux détecter les fraudeurs », et assure que le contrôle fiscal reste « essentiel » et qu'il « n'est pas question de le déshabiller ».
Sur ce point, on précisera que la réalité contredit le ministre : 500 emplois ont été supprimés dans les services de contrôle fiscal depuis 2013, plus de 3 000 depuis le milieu des années 2000, (avec des redéploiements réguliers de vérificateurs vers des fonctions support) et ce gouvernement s’apprête à supprimer un tiers des emplois de la DGFiP. Les services de contrôle sont déjà et seront donc eux aussi touchés. C’est alarmant lorsqu’on sait qu’on connaît l’ampleur de la fraude fiscale (environ 80 milliards d’euros) et ses conséquences (injustices fiscales accrues, activité économique faussée, comptes publics dégradés et consentement à l’impôt affaibli)...
Ce « partenariat » est tout sauf neutre. Il traduit une approche très « anglo-saxonne » et libérale du contrôle fiscal. Il soulève des questions qui, dans le contexte de déstructuration que connaît la Direction générale des finances publiques (DGFiP), ont légitimement de quoi inquiéter. Car le gouvernement veut imposer une profonde réorientation du contrôle fiscal : privilégier l’accompagnement et les régularisations « au fil de l’eau » et réduire la place du contrôle fiscal. Plus de conseil d’accompagnement, moins de contrôle, telle est la logique profonde du gouvernement pour qui la compétitivité et les intérêts particuliers priment sur l’intérêt général.
Si, comme le dit le ministre, « L'administration fiscale est là aussi pour conseiller, pas uniquement pour contrôler », encore faut-il ne pas mélanger les genres. Les agent.es des Finances publiques conseillent quotidiennement les ménages et les entreprises qui les contactent. Ils et elles leur expliquent les dispositions légales tout en tenant compte de leurs difficultés (des délais de paiement, prises de positions et rescrits, remises gracieuses, application nuancée des pénalités en fonction de la gravité des situations de non respect de la loi fiscale…).
En outre, les contrôles fiscaux ne sont pas programmés au hasard, ils découlent d’une analyse préalable qui montre des anomalies, d’éléments probants et de questionnements sérieux sur le respect des obligations fiscales. Réduire le nombre de contrôles comme cela est déjà le cas faute de moyens comporte un risque majeur : que la fraude augmente. Avec, au surplus, un véritable risque « d’optimisation » de ce partenariat de la part de certaines entreprises...
Le ministre objectera que de nouvelles mesures permettront de mieux orienter les contrôles. Outre qu’il faudra veiller à ce qu’elles soient aussi intéressantes que ce qui est annoncé, il faut plus que jamais donner les moyens aux services de les exploiter utilement. Incontestablement, le nombre d’outils s’accroît : ceci impose de disposer d’agent.es en nombre suffisant pour les exploiter et en tirer le meilleur parti. A titre d’exemple, le datamining ne sera efficace que si, en amont du traitement, les données sont fiables et que les applications informatiques soient correctement servies et, en aval, qu’elles soient correctement exploitées. Faute de quoi la machine tournera à vide… Vu les restructurations et les suppressions d’emplois, on peut tirer la sonnette d’alarme.
Pour bien conseiller dans un cadre clair et bien contrôler, il faut impérativement ne pas déstructurer les services de la DGFiP qui travaillent de concert, selon une chaîne de travail fiscale, ni affaiblir leurs moyens. Le gouvernement, lui, a choisi de faire l’inverse.