Alors que le mouvement contre le projet du gouvernement en matière de retraite connaissait une nouvelle journée de mobilisation le 11 janvier, le gouvernement annonçait la « suspension » du fameux « âge pivot » et la tenue prochaine d’une conférence sur le financement.
Cette annonce relative à l’âge pivot appelle deux remarques.
Tout d’abord, elle est le fruit d’un mouvement historique dans sa durée et son niveau qui est soutenu par une majorité des personnes interrogées dans les différentes enquêtes d’opinion. Sans ce mouvement, l’âge pivot se serait pleinement appliqué avec les autres dispositions de ce projet.
Sur le fond cependant, le gouvernement maintient son projet dans sa globalité et adresse aux organisations syndicales un message clair : se mettre d’accord dans le cadre très restrictif qu’il fixe (la ligne de crête étant particulièrement étroite car ce cadre est celui de sa politique budgétaire et de sa réforme « systémique ») ou, à défaut, reprendre la main sur les dispositions à prendre (avec éventuellement, une application de l’âge pivot). Cette tactique ne trompe personne.
L’orientation du gouvernement en matière de dépenses publiques produit des effets particulièrement implacables et néfastes sur la protection sociale et l’action publique. Ce faisant, elle crée les conditions d’une intervention de plus en plus importante du secteur marchand sur des champs qui lui échappait car relevant de la solidarité nationale et de l’intérêt général. Cette orientation est visible dans de nombreux secteurs (ainsi, bien qu'administration publique régalienne de l’État, la Direction générale des finances publiques ne pourra plus encaisser de numéraire alors que cela sera possible pour les débitants de tabac…), y compris en matière de retraites.
En fixant, dans le cadre de sa réforme, à 13,8 % du produit intérieur brut la part consacrée aux retraites (voire moins) dans un contexte où il y aura davantage de retraités à court et moyen termes, on assisterait à une baisse globale de la moyenne des pensions. Anticipant cette baisse, les actifs qui en ont les moyens seraient incités à cotiser à des mécanismes complémenaires de type fonds de pension. Il y aurait donc bien une augmentation des cotisations (cotisations sociales et cotisations individuelles) et de l’effort de financement des retraites. Mais il serait très inégalement réparti et nourrirait la hausse des inégalités.
A l’opposé, il est possible de financer les régimes de retraites actuels et de les améliorer.
Dans une note du 10 janvier, notre organisation rappelle que le montant des niches sociales, tel qu’il est évalué par la Cour des comptes, dépasse 90 milliards d’euros. Plus grave, de nombreuses niches sociales ayant fait l’objet d’évaluation ne sont pas efficaces au regard des objectifs qui leur ont été assignés (compétitivité, créations d’emplois). Un élargissement de l’assiette des cotisations sociales par la suppression de niches sociales aiderait au financement nécessaire des retraites au cours des prochaines années. Sachant au surplus que dans l’hypothèse d’un retour aux 40 ans, la hausse du taux de cotisation serait parfaitement gérable ; elle représenterait 3,75 points de cotisation vieillesse supplémentaire entre 2020 et 2025, soit 0,625 point par an.
Enfin, il reste également à améliorer le système fiscal et à mieux combattre l’évasion et la fraude fiscales (les ressources fiscales financent les retraites des fonctionnaires et une part du régime général). Dans ce cadre, le code des pensions civiles et militaires de l’État, adossé au statut de la fonction publique, doit être maintenu. Il s’applique à des fonctionnaires durement touchés par le gel de la valeur du point d’indice et dont la logique de carrière conduit à prendre la période précédent le départ à la retraite (tout en restant fonctionnaires et soumis à certains devoirs).
Plus globalement, cela doit s’inscrire dans le cadre d’une orientation qui doit en finir avec les inégalités (notamment les inégalités femmes/hommes) et la pression salariales mais aussi mener une politique de l’emploi volontariste tournée notamment vers la transition écologique.
Solidaires Finances Publiques poursuivra et développera son action contre le projet du gouvernement en participant aux prochaines journées de mobilisation comme cela est le cas depuis le 5 décembre, et nourrira le débat public sur la nécessité de conserver un système général par répartition ainsi, notamment, que le Code des pensions des fonctionnaires.