Dans sa communication, son affichage, la DGFiP se veut le fleuron de l’État numérique dans lequel le solutionnisme technologique est porté aux nues.
L’intelligence artificielle y prend une place de plus en plus prépondérante et l’ensemble des expérimentations et projets menés à la DGFiP sont conduits sous la plus grande opacité.
L’État et la DGFiP ne mettent pas les moyens pour conduire ces projets sans l’entremise de groupes privés. Au-delà de la question de la sécurisation des données partagées, quelle souveraineté numérique pour notre administration, pour l’État, lorsque des groupes comme Google sont sollicités pour participer à la conduite du projet « Foncier Innovant » ?
Aucune information n’a filtré quant à la prise en compte des risques de biais algorithmiques, ni sur le moyen que va utiliser Google pour « entraîner » les algorithmes à détecter que telle tache bleue sur le plan correspond bien à une piscine et non à une bâche ou un bassin hors-sol. Des agents vont certes contrôler en aval la réalité des détections et modifications opérées par l’IA, mais leur réduction drastique ne permettra pas de vérifier l’intégralité des données modifiées.
L’aide à la programmation du contrôle fiscal et l’utilisation des technologies de datamining sont devenues le fer de lance de la communication gouvernementale sur l’efficacité du contrôle fiscal. Solidaires Finances Publiques s’étonne de l’intégration dans la loi de Finances d’un objectif de planification de contrôles fiscaux par l’entremise des technologies d’IA. Dans les faits, le ciblage par IA ne correspond qu’à 10 % des montants recouvrés, alors que la part des contrôles fiscaux ciblés par cet outil est de plus en plus importante. La DGFiP communique sur le nombre de dossiers qui en sont issus et non sur leurs résultats. D'autre part, beaucoup de dossiers détectés sont très largement enrichis par les analyses et les recherches de nos collègues en charge de la programmation du contrôle fiscal, ce qui permet ainsi d'améliorer la qualité et les résultats de celui-ci. La communication gouvernementale sur les résultats du contrôle fiscal est exclusivement basée sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. A ce titre, un objectif de 50 % d’utilisation des technologies d’IA pour aider à la programmation a été fixé pour 2022. Les technologies d’intelligence artificielle ne permettent pas de remplacer le travail des agents de la sphère du contrôle fiscal.
Solidaires Finances Publiques s’interroge aussi de l’utilisation des données dites publiques, récupérées sur les réseaux sociaux pour certains types d’infraction. Comment imaginer que les citoyens et citoyennes maîtrisent le caractère public ou privé d’un réseau social ? N’est-il pas dangereux de s’appuyer sur l’aide indirecte de groupes comme Facebook ou leboncoin pour recueillir des informations supplémentaires ? Comment s’assurer que les informations recueillies et traitées par les logiciels d’intelligence artificielle ne conduisent pas à des biais algorithmiques ? Sur quels éléments l’intelligence artificielle s’appuiera pour proposer la réalisation d’un contrôle fiscal ? Plus que jamais, l’expertise des agentes et agents de la DGFiP demeure indispensable. Plus que jamais, la fiabilisation et la sécurisation des données collectées doivent être priorisées.
Le Chatbot AMI disponible sur le portail personnel du site impots.gouv.fr vient également répondre à une mode dite innovante. Avoir un chatbot est un gadget dont nous ignorons le coût final. Tout juste avions-nous appris que les seules expérimentations engendraient un coût annoncé de 3,878 millions d’euros alors que seulement 20 % des questions posées par les contribuables trouvaient une réponse. La fiscalité de l’impôt sur le revenu est un domaine éminemment complexe. La réduction de la formation des personnels des Finances publiques, ainsi que les réductions de postes dans les Services des impôts des particuliers, ne peuvent être compensées par ces outils. Il est illusoire d’imaginer que l’utilisation de l’intelligence artificielle va permettre de compenser les fermetures de sites, ainsi que les suppressions de postes subies à la DGFiP.
L’IA est également mise en œuvre dans la sphère de la Gestion publique et du contrôle harmonisé de la dépense, dans les évaluations domaniales avec l’entremise de la startup Homiwoo. Solidaires Finances Publiques s’interroge sur la réelle efficacité des technologies d’intelligence artificielle et sur le lobbying des intérêts privés à imposer ces systèmes éminemment coûteux aux administrations.
L’arrivée de l’intelligence artificielle dans l’exercice des missions de la DGFiP ne doit pas être l’alpha et l’omega de l’exercice des missions mais un potentiel appui.
La modernité d’un état et de ses administrations ne se juge pas à son seul niveau numérique mais bien à la qualité du service rendu...