La Cour des comptes vient de rendre public le 25 janvier dernier ses observations sur la mise en place du prélèvement à la source (PAS). Pour solidaires Finances Publiques loin d’être le bilan exhaustif et contradictoire attendu, le document présenté contient finalement plus de constats et de poncifs que d’analyses et d’enquêtes sur le fond.
Relevons d’emblée une confusion, pour ne pas dire une erreur, d’ordre sémantique : la Cour des comptes estime que le PAS est une importante « réforme fiscale ». Or, s'il s’agit bien d’une réforme du mode de recouvrement, elle ne consiste nullement en une réforme des règles qui régissent l’impôt sur le revenu. Le terme n’est toutefois pas neutre, son soi-disant total succès peut favoriser de nouvelles réformes qui, elles, viseraient l’impôt sur le revenu…
Pour Solidaires Finances Publiques, cette publication souffre d’un défaut principal : le postulat de départ porte en ses termes la conclusion qui pouvait en être faite : le prélèvement à la source est une réforme réussie et une modernisation du recouvrement de l’impôt.
Le rapport comporte :
Des manques.
Le premier manque criant porte sur la contemporanéité du paiement de l’impôt, et pourtant elle constituait l’argument majeur des partisans du prélèvement à la source. Cet oubli valide-t -il le fait que l’impôt ne peut être véritablement contemporain ? La question de la contemporanéité de l’impôt est intimement liée au quotient familial et conjugal ainsi qu’aux réductions et crédits d’impôt.
Solidaires Finances Publiques a toujours affirmé qu’avec ces dispositifs, il ne pouvait y avoir d’impôt réellement contemporain. En effet, les taux de prélèvement sont calculés par défaut sur la base de dernière déclaration des revenus. Ainsi aujourd’hui, le taux par défaut pris pour le calcul de l’IR en ce mois de janvier 2022 est celui basé sur la déclaration des revenus 2020, si le contribuable n'a effectué aucune démarche pour le modifier. De fait, dans de très nombreux cas, il y aura toujours une régulation l’année suivante ! La communication gouvernementale (l’impôt s’adapte à votre vie) est trompeuse. Elle demande une vraie réactivité des contribuables. Or, celle-ci est encore trop souvent absente, notamment dans le cadre de la prise en compte du quotient familial (naissance d’enfant…) : une naissance sur trois a été déclarée en 2020. Et encore la Cour n’a-t-elle pas poussé ses investigations aux autres changements de situation non déclarés… Il aurait été intéressant d’avoir un chiffrage des sommes versés en plus ou en moins par les contribuables au titre du PAS.
Par ailleurs, le rapport ne livre pas d’analyse sur les conséquences du prélèvement à la source sur l’évolution de la réception du public, ni d’évaluation du nombre de foyers sans modification de taux alors qu'un changement de situation le nécessitait, ni de données sur le coût pour les entreprises.
De même, les perspectives d’évolution futures et les problèmes récurrents ne sont pas traités dans le rapport. Un exemple emblématique, puisque mis en avant par les services de communication du ministère pour la mise en place du PAS, celui des futurs retraités qui doivent réaliser pas moins de trois interventions en 1 an sur l’application informatique GESTPAS pour pouvoir harmoniser leur taux à la baisse de leurs revenus. Or, peu de contribuables en ont conscience ce qui provoque un décalage entre l’impôt et son montant fort éloigné d’une vraie contemporanéité et des annonces faites.
On aurait pu attendre une véritable analyse de la modification de la charge réelle de travail pour les services de l’administration fiscale. Or, la grande prudence du rapport sur les gains de productivité supposés atteste que la Cour n’a manifestement pas souhaité creuser ses investigations. Celles-ci ayant sans aucun doute conclu à l’absence de gains de productivité pour l’administration fiscale du fait de la hausse importante des sollicitations des contribuables. Les Services des impôts des particuliers et des entreprises, chargés du suivi du prélèvement à la source, sont dans une situation catastrophique. Depuis 2015, ils ont perdu respectivement 23 % et 11 % de leur effectif.
Conformément à l'analyse de Solidaires Finances Publiques, le prélèvement à la source s’est surtout traduit par une hausse du nombre de sollicitations tout au long de l’année de contribuables qui demandent à modifier leur taux de prélèvements lorsque leur situation personnelle ou financière change. Et elles pourraient être beaucoup plus importantes, de nombreux foyers attendent le dépôt de la déclaration pour signaler ces modifications.
De vagues recommandations entourées de flou.
Si la question du contrôle est abordée, elle demeure vague… Il en va ainsi du contrôle du Crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) et du contrôle des entreprises (un très faible nombre de sanctions a été infligé pour non-reversement des sommes prélevées à la source alors qu’elle estime que 2,6% des collecteurs n’ont pas reversés les sommes perçues). La prescription pour le CIMR arrive à terme à la fin de l’année 2022. Or, pour les services qui gèrent le prélèvement à la source comme pour les services de contrôle, il ne peut y avoir de contrôle efficace sans d’une part, les moyens humains adéquat et d’autre part, une orientation claire. Mais en la matière, l’orientation des pouvoirs publics consistent à accompagner plus qu’à contrôler. Difficile dans de telles conditions d’imaginer que le contrôle du CIMR soit efficace...
De très nombreuses interrogations sont encore à ce jour sans réelles réponses. Pour Solidaires Finances Publiques, cette réforme du recouvrement aurait mérité un vrai bilan exhaustif et contradictoire et non une publication partielle et partiale. Ce bilan reste donc à réaliser et à écrire, mais pour cela une réelle volonté politique est nécessaire.