Au cours de son intervention télévisée le dimanche 15 octobre 2017, le Président de la République a déclaré « je crois à la cordée, il y a des hommes et des femmes qui réussissent parce qu'ils ont des talents, je veux qu'on les célèbre (...) si l'on commence à jeter des cailloux sur les premiers de cordée c'est toute la cordée qui dégringole ». Mais ce qu'il met en oeuvre est très éloigné de cette image...
Le principe d’une cordée est simple : l’ensemble de ses membres progressent au même rythme car ils sont solidairement attachés et assurés les uns aux autres. Or tel n’est pas le cas. Emmanuel Macron a été bien audacieux en prenant une image de la cordée qui ne peut s’appliquer à la réalité. En atteste l’évolution du revenu des ménages, de leur patrimoine et, plus globalement, des inégalités.
De 2008 à 2011, les inégalités de niveau de vie se sont nettement creusées (1). Entre 2008 et 2013, le niveau de vie des plus modestes a reculé et si 14,3 % des personnes sont en situation de pauvreté en 2015 (contre 14,1 % en 2014), l’indicateur dit «intensité de la pauvreté» a progressé, ce qui montre une dégradation de la situation des plus pauvres. Globalement, l’indice de Gini, qui croît lorsque les inégalités globales s’aggravent, est passé de 0,293 en 2014 à 0,296 en 2016. Selon l’Insee, « ce coefficient avait fortement baissé (passant de 0,305 en 2012 à 0,291 en 2013) et effacé ainsi l’ensemble de la hausse des inégalités constatée depuis le début de la crise de 2008, avant de légèrement augmenter en 2014 (+ 0,002). En 2015, l’indice de Gini serait ainsi inférieur de 0,012 point à son point haut de 2011 et au même niveau qu’en 2008, avant la crise. » Par ailleurs, en 2015, les 10 % des français les plus aisés détenaient 47 % du patrimoine total des ménages quand les 50 % les plus pauvres n’en détenaient que 8 %.
Emmanuel Macron agit à l’inverse des valeurs d’une « cordée » dont le principe est simple : chacun de ses membres assure l’autre et tout le monde avance ensemble...
De fait, le mythe de « la cordée » ne résiste pas à l’analyse. Il n’y a pas « une cordée » pour reprendre l’image du Président de la République mais plusieurs groupes dont l’un, les plus aisés, a une fâcheuse tendance à se détacher des autres, notamment des plus faibles. En allégeant considérablement l’impôt des plus aisés et en favorisant l’accumulation de richesses sur fond de rigueur budgétaire, en déréglementant le droit du travail, en ouvrant le débat sur la réduction de l’action publique et en favorisant la financiarisation.
Pour rester sur l’image présidentielle, on peut donc dire que la politique gouvernementale a décidé de mieux équiper ceux qui l’étaient déjà et de les envoyer gravir la voie normale, soit la plus facile, tandis qu’il demande aux autres de gravir la face nord, traditionnellement la plus difficile, avec peu de matériel et aucune acclimatation. On est loin d’une cordée avançant au même rythme. C’est ainsi que ce produisent les « dévissages », autrement dit les accidents...
(1) Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2016.