L’objectif du gouvernement est de transformer l’administration publique en une entreprise privée. Il n’y aura plus de fonctionnaires ou alors seulement pour une élite, bien choisie qui tournera au gré des politiques en place. Les autres seront tous des contractuels, recrutés selon le bon vouloir du directeur local. Il s’agit d’appliquer au monde public les règles et modalités de gestion du privé : le contrat, la rémunération et la promotion au mérite. Finies les mutations le fonctionnaire, enfin le contractuel d’une « entreprise » publique devra se vendre sur le marché du travail pour négocier son salaire, son poste et ses conditions de travail. S’il a de la chance et des connaissances, il trouvera son bonheur. Au regard du marché du travail actuel on ne peut dire que le chômage ait disparu ni que la loi du marché ait permis des évolutions positives en termes de garanties et de rémunérations pour les salariés du privé. Les inégalités de salaire sont croissantes, les risques d’être sans emploi font peser une insécurité permanente et des pressions fortes. Il faut être à la fois servile et savoir se démarquer pour démontrer l’intérêt de l’employeur à nous garder.
Voilà ce qui nous attend !!!
La fin des CAP
Les recours en CAP ne concerneront plus que les évaluations professionnelles, le disciplinaire, l’insuffisance professionnelle, le refus de titularisation, le refus de congé de formation syndicale, le refus de formation ou de congé de formation professionnelle, la déchéance ou la restriction du droit à pension (avis préalable). Non seulement, les agents ne peuvent plus exercer leur droit de contrôle via leurs représentants, mais la CAP n’est plus le lieu où ils formulent leurs recours en matière de mutation, promotion, avancement. Le seul recours possible s’exercera dorénavant via une procédure de recours administratif. Ce recours administratif préalable obligatoire, est indispensable, sous peine d’irrecevabilité, avant tout recours contentieux. Donc plus aucun contrôle de la part des agents et de leurs représentants n’est possible sur les mouvements, les promotions ni les avancements.
Fini le recours a priori des CAP pour les mutations, les tableaux d’avancement, les listes d’aptitude et les exclusions de 1 à 3 jours, il s’agira pour l’avancement de démontrer sa valeur professionnelle et pour la rémunération son mérite individuel. Ainsi l’agent est placé seul en responsabilité pour l’ensemble de ses actes de gestion face à l’administration. La défense et les garanties collectives sont tout simplement abandonnées. Le fonctionnaire deviendra inféodé à son directeur local pour l’ensemble de sa carrière, de sa rémunération.
Ceci profitera à quelques-uns mais surtout à personne. La mise en concurrence des agents va impacter les collectifs déjà fragilisés par les restructurations, les fusions de service. Ce sera le chacun pour soi, tous contre tous. L’objectif de la rémunération au mérite n’est certainement pas la reconnaissance des compétences et valeurs individuelles. Il s’agit d’un outil de soumission et surtout de faire des économies. Il s’agit de diminuer le salaire de la majorité des fonctionnaires. La majorité ce n’est pas les autres, c’est chacun d’entre nous.
Les garanties d’avancées de carrière et de rémunération ont été prévues pour assurer l’impartialité des fonctionnaires face au pouvoir politique changeant. Les discours anti-fonctionnaires qui montrent le fonctionnaire comme un nanti, un privilégié font oublier à la mémoire des populations l’origine des garanties mises en place. Ces garanties ont été faites pour garantir un service public neutre, indépendant et égalitaire pour l’ensemble de la population sans différenciation d’origine ethnique, sociale. Que le citoyen soit pauvre ou riche, qu’il habite une zone peu peuplée ou très dense il a le droit au même service public à la même qualité d’informations et de traitement.
La création des CSA
Il est acté la fin des CHSCT qui va fusionner avec les CT pour former le Comité Social d’Administration (CSA). Il est prévu, pour les établissements dont les effectifs dépasseront un certain seuil (a priori 300), qu’une formation spécialisée sur la santé et les conditions de travail puissent se faire. Sa mise en place est prévue en 2022, date de renouvellement des instances lors des prochaines élections Fonction publique.
Il s’agit d’aligner les politiques de prévention, de santé et sécurité sur les pratiques du privé. Le choix du nom pour CSA pour Comité Social d’Administration en miroir du CSE le démontre. L’objectif est le même : diminuer le nombre d’instance représentative du personnel et réduire les possibilités d’action en matière de santé et sécurité. Une fois noyée dans une instance commune on parlera de tout mais surtout de rien. Les sujets seront très difficilement abordés, de manière superficielle, les représentants du personnel crouleront sous des réunions avec des ordres du jour sans fin.
Il est, d’ailleurs, expressément exclu de la compétence de la formation spécialisée la question des réorganisations de services alors que cette question est fondamentale à l’heure où les restructurations de service se multiplient et même s’empilent ! L’impact des réorganisations, les risques psycho-sociaux y afférents disparaissent du champ de la nouvelle instance.
Seul le CHSCT dans sa dimension conditions de travail permettait d’y répondre. L’extension de compétence des CHS aux conditions de travail existait depuis 7 ans seulement, elle avait démontré sa pleine utilité pour les personnels par des prérogatives contraignantes (droit d’alerte, de visite, d’expertise, visite…).
La contractualisation
Le gouvernement souhaite mettre fin au recrutement par concours pour faire usage massivement au contrat plus flexible et surtout plus précaire. Ainsi les directeurs auront à leur appréciation le choix de leurs recrues. Le projet de loi introduit la possibilité de prendre en compte les résultats professionnels et les résultats collectifs dans la rémunération des contractuels. Pour les fonctionnaires, ce dispositif existe déjà par le RIFSEEP. Il ouvre la possibilité du recrutement de contractuels sur tous les postes et emplois, y compris les emplois de direction. Il met aussi en place le contrat de projet, plafonné à 6 ans, parallélisme des formes avec le contrat de projet mis en place dans le privé par la loi travail.
Le concours par son mode d’organisation et ses modalités d’application rendaient impossible la nomination d’un candidat par les désirs et choix individuels d’un directeur local. Il assurait une forme d’impartialité dans le choix des futurs fonctionnaires.
Le recrutement contractuel par entretien d’embauche ouvre la porte à des recrutements beaucoup moins partiaux. Les critères de sélection seront à l’appréciation du recruteur. Comprendre qu’il sera possible parce qu’un candidat aura des affinités particulières, il sera recruté plus facilement au-delà des compétences individuelles propres à ce candidat. Le recrutement pourra devenir un objet de négociation de politiques locales. Il s’agira de composer des équipes de fonctionnaire partisane aux politiques gouvernementales. Le roulement des équipes se feront au gré des élections. Cela est en opposition avec la tradition de la fonction publique qui est d’être loyale au gouvernement élu, quel qu’il soit.
Il reposera sur le candidat la négociation de son salaire. On pourrait croire que cela sera l’occasion pour chacun de gagner plus par nos compétences et qualités propres, réussir à obtenir plus que le voisin. Dans les faits la négociation est asymétrique, c’est l’administration qui aura les cartes en main avec le chômage de masse comme argument de force. Elle pourra fixer des salaires plus bas. Les statuts de la fonction publique sont une garantie d’évolution de la rémunération négociée de manière collective pour tous. La mise en place de la contractualisation creusera les différences de salaire entre la majorité des fonctionnaires, c’est-à-dire tout le monde, et quelques hauts postes de la fonction publique.
La contractualisation est un poison pour la neutralité du service public.
La mobilité
Finie la mobilité choisie, la mobilité sera forcée. Le projet de loi fonction publique prévoit un arsenal réglementaire pour la redistribution des ressources humaines au gré de l’arbitraire des directeurs locaux pour mettre en place toutes les restructurations, externalisations/privatisations de missions. Il s’agit en fait de fournir les outils pour mettre en place toutes les recommandations de CAP22
Il faut pouvoir se débarrasser des personnels au gré des restructurations. Si un poste est supprimé demain, l’agent devra soit poursuivre sa mission qui pourrait se retrouver très loin de chez lui. Sinon il devra aller chercher dans une autre administration voire aller dans le privé, peut être même dans l’entreprise dans laquelle la mission qu’il exerçait sera externalisée et si vraiment il fait le difficile il lui restera ce choix, le départ volontaire.
La stratégie menée est d’ouvrir la voie à des départs massifs de fonctionnaire. Pour les quelques irréductibles qui s’accrocheraient à ces valeurs que sont le service public, la fonction publique, ils seront tellement peu nombreux que leurs droits et garanties ne seront plus respectées. A travers ses possibilités de mobilité, présentées comme des opportunités professionnelles, les qualités professionnelles, la technicité, les spécificités de corps sont complètement niées.
La mobilité permet de vider les esprits de corps et la technicité des agents donc toute résistance et accroît les pressions managériales offertes aux différents dirigeants.