La CAPN de tableaux d'avancement pour l'accès aux grades d'ATP2 et ATP1 s'est tenue le 23 octobre.

Comme chaque année, il est à déplorer que beaucoup d'agents techniques remplissant pourtant les conditions statutaires ne seront une nouvelle fois  pas promus. La faute à un taux pro/pro (promouvables/promus) imposé par le ministre beaucoup trop faible.

Liminaire

L’idéologie néo-libérale, qui préside de longue date aux politiques fiscales et sociales, présente un bilan désastreux qui se traduit pour les Etats par un accroissement de la dette, et pour les citoyens par des inégalités de revenus, de contribution à l’impôt, d’accès à l’emploi, aux transports, ou encore aux soins. Cette vieille idéologie n’est guère novatrice que lorsqu’il s’agit de permettre aux plus riches de se soustraire aux devoirs qui sont les leurs. L’actualité nous donne un nouvel exemple de l'ingénuosité innovante dont les grandes banques et les milieux boursiers sont capables en la matière.

 Après les LuxLeaks (en 2014), les Panama Papers (en 2016) et autres Paradise papers (en 2017), voici les CumEx files. Cette fois, il n’est même plus question de paradis fiscaux ou de montages occultes et complexes. Le dernier avatar de la flibusterie financière consiste en une exploitation des failles de la réglementation fiscale, à la frontière de l’illégalité, et aux travers de transactions boursières dont l'unique but est d'échapper à l'impôt sur les dividendes. En Allemagne, au Danemark, en Belgique, en Suisse, en Autriche et en Norvège, les fraudeurs sont allés jusqu'à obtenirs des remboursements sur des taxes qui n'avaient même pas été prélevées, ce qui constitue clairement un délit. En France, de telles escroqueries sont techniquement impossibles depuis la suppression de l’avoir fiscal, en 2005, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Cependant, les pratiques d'optimisation, qui permettent d'éluder l'impôt sur les dividendes, demeurent possibles, et ce même si un arrêt du Conseil d’Etat ( en 2015) a eu pour effet de requalifier certains schémas en fraude.

Il n’existe pas d’estimation officielle des pertes fiscales liées à l’optimisation des dividendes. Mais en utilisant la méthode de l’universitaire allemand Christoph Spengel, spécialiste du sujet, et qui a produit des chiffrages pour l’Allemagne, on obtient un coût potentiel de 3 milliards d’euros par an pour la France. Rapporté au budget annuel de dépenses publiques, ces 3 milliards représentent un peu plus que le coût annuel du « plan contre la pauvreté » présenté par le gouvernement en septembre (2 milliards), et un peu moins que le coût des baisses d’impôts accordées par Emmanuel Macron aux ménages les plus aisés en début de quinquennat (4,5 milliards). Et au moment où il est beaucoup question d'un prétendu gain de pouvoir d'achat, le montant de ces fraudes équivaut à 45 euros par Français.

 Le coût potentiel de 3 milliards d'euros ne concerne que l'optimisation fiscale, et ne prend pas en compte l'évasion fiscale dans son ensemble, dont le caractère occulte rend difficile l'estimation. Cependant, si ces recettes supplémentaires étaient disponibles, sans doute ne seraient-elles pas affectées à une augmentation du pouvoir d'achat ou à une amélioration du service public, mais bien plutôt à la réduction de cette dette dont on nous serine qu'elle est devenue insoutenable. L'Etat serait « en faillite », pour reprendre la formule d'un ex premier ministre dont la carrière a été écourtée pour des raisons d'optimisation familiale. Il est à noter que l'argument de la dette, souvent évoqué pour justifier le gel des salaires, disparaît comme par magie lorsqu'il s'agit de réduire la contribution des 1% de français les plus aisés. Les cadeaux fiscaux ne sont pourtant pas sans conséquences sur les comptes publics.En réalité, la dette publique est inférieure à la dette privée, surtout si l'on tient compte du fait qu'une partie non négligeable de l'endettement public résulte de l'effacement de dettes privées apparues lors de la crise des subprimes.

Et puisque nous évoquons cet énième krach engendré par le néolibéralisme, il est intéressant de constater que les trois plus grandes banques françaises sont impliquées dans les schémas frauduleux des CumEx files, et que celles-ci avaient reçu de l'Etat, au moment de la crise des subprimes, une aide s'élevant au total à plus de 15 milliards d'euros.

Alors, bien entendu, vous nous répondrez que les questions d'ordre politique ne relèvent pas de la Commission Paritaire Administrative qui nous vaut d'être réunis aujourd'hui. Ce sont pourtant ces choix politiques qui déterminent le niveau de redistribution des richesses et, au final, le niveau de rémunération et de promotion des agents de notre administration. Et lorsque le gouvernement supprime 2130 emplois au sein de la DGFIP, il se prive un peu plus encore des moyens de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, et prive les caisses de l'Etat de sommes considérables.

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Et pendant ce temps là, le pouvoir d'achat des fonctionnaires n'en finit plus de baisser, en dépit des déclarations de Gérald Darmanin, brandissant il y a peu encore la promesse d'une hausse de 4 % en 2019.

Pourtant, le gel de la valeur du point d'indice est maintenu, le jour de carence a été rétabli le 1er janvier 2018 et l’injuste hausse de la CSG mal compensée. En effet, à partir de 2020, le montant de la compensation de la hausse de la CSG qui a été calculée une bonne fois pour toutes, l'agent avançant dans sa carrière par le biais d'une promotion ou d'un concours verra cette compensation stagner, alors que le montant de la CSG, calculé sur le traitement brut augmentera, lui, de fait.

Sans entrer dans le piège constamment posé par nos politiques, d'une comparaison entre le public et le privé, la suppresion des charges sociales pour les salariés du privé, et la défiscalisation des heures supplémentaires sont de bons exemples d'un discours de propagande trompeuse. En effet, le gouvernement dit vouloir récompenser le travail. Estime-t-il que les fonctionnaires ne travaillent pas pour ne leur faire bénéficier, cette année encore, d'aucune augmentation de leur pouvoir d'achat ?

L'inflation est galopante, la hausse des prix des carburants pénalise les agents obligés de prendre leur voiture pour aller travailler, alors que les règles de gestion et les restructurations à venir vont les affecter de plus en plus loin de leur domicile. La soit disant diminution de la taxe d'abitation d'1/3 pour 80 % des ménages en est un autre exemple. Nombre de foyers ont vu leur TH augmenter !

Pour certains agents techniques, cela s'accompagne, au gré des restructurations, des suppressions de poste, par l'obligation de demander une mutation, sur une autre résidence, ou vers un autre métier. Les gardiens-concierges qui pouvaient encore s'autoremplacer les week-ends voient du jour au lendemain leur pouvoir d'achat s'effondrer lorsque les directions installent des caméras et dispositifs automatisés les week-ends. Double peine lorsque leur poste est supprimé. Triple peine lorsqu'ils sont dans une direction préfiguratrice pour les nouvelles règles de mutation, et que les garanties de maintien à la résidence y seront supprimées.

 Les organisations syndicales n'avaient que peu d'espoir en assistant au rendez-vous salarial le 17 octobre 2018. Les attaques contre le statut général de la fonction publique se multiplient pour pallier les suppressions d’emplois et pouvoir déplacer les agent-es comme des pions:

-> le contrat en lieu et place du statut,

-> la mobilité forcée,

-> les plans de départs volontaires,

-> la remise en cause des instances de dialogue social,CHS CT et CAP,

-> et enfin la rémunération au mérite, qui remet en cause l’objectivité et la neutralité du fonctionnaire dans l’exécution de ses missions, et aggrave les inégalités femmes-hommes.

 Dans ce contexte, le « Rendez-vous salarial » (2eme épisode puisqu’un premier, déjà décevant avait eu lieu le 18 juin) aurait dû représenter un enjeu autour de la question de la reconnaissance du travail des agent-es. Il n'en a rien été.

 Tout cela fait suite à la mise en place du non protocole PPCR (parcours professionnel carrière et rémunération) qui n'a en rien été un coup de pouce ni au pouvoir d'achat des agents de la DGFIP, ni à l'accélération ou l'amélioration de leur carrière, contrairement aux annonces faites au moment de sa mise en place. Par mesure budgétaire, son application a été gelée en 2019. La disparition des réductions d'ancienneté administrative permettant l'accès accéléré à l'échelon suivant, la modification de l'évaluation donnant une importance primordiale au tableau synoptique, ainsi qu'à l'appréciation littérale a déjà produit ses effets : les agents pensent (à tort) qu'il n'est plus utile de formuler un recours d'évaluation en CAP nationale, alors que cette dernière est primordiale pour la suite de sa carrière. Nous inaugurons cette année le fait que des agents sont écartés des tableaux d'avancement pour avoir eu une croix en « insuffisant » sur le tableau synoptique…

 Nous en venons ainsi au sujet à l'ordre du jour de cette dernière CAPN de l'année mais aussi du mandat : Les tableaux d'avancement.

 Comme chaque année, il est à déplorer que beaucoup d'agents techniques remplissant les conditions statutaires ne seront une nouvelle fois, pas promus. Les taux pro/pro déterminés par le ministre, s'ils stagnent plutôt pour les agents techniques, s'appliquent à une population d'année en année plus restreinte. Au final, ce sont de moins en moins d'agents qui sont promus, et qui verront leur situation quelque peu améliorée, s'agissant du pouvoir d'achat. Pour les autres, ils pourront attendre. Cette année, cela représente plus de 400 d'entre eux, si l'on cumule le nombre des agents dans la PAS (Plage d'Appel Statutaire) des 2 tableaux d'avancement exclus par le taux pro/pro.

Pour les agents techniques qui exercent le métier d'aide-géomètre, par exemple il est fort probable qu'ils ne verront jamais leur promotion par tableau d'avancement au sein de la DGFIP. La mission cadastrale étant à moyen terme amenée à disparaître dans notre direction, qu'en sera-t-il au sein de leur prochaine direction d'accueil ? Certes ce sujet est tabou, mais il faudra bien un jour que vous nous dévoiliez la vérité sur l'avenir de ces agents afin qu'ils aient le temps de décider s'ils souhaitent, ou non, suivre leur missions en dehors de la DGFIP.

 Cette CAPN clôt un cycle de 4 années d'un mandat qu'il nous a fallu exercer dans des conditions difficiles. Les élus que nous sommes sont très inquiets quant à l'avenir des agents techniques : l'avenir des métiers, l'avenir des missions, mais également celui des agents techniques. Combien d'entre nous exerceront encore leur métier au sein de la DGFIP à l'issue du prochain mandat ? Pendant ces 4 années, nous avons dû faire face aux attaques répétées de la part de la Direction Générale et des directions locales envers les agents techniques. Mais ces attaques étaient également dirigées contre les représentants des personnels élus que nous sommes. Lorsque le Directeur Général décide en cours de mandat de changer les règles de préparation des CAPN et d'en diminuer la durée, c'est une attaque envers les agents et leur droit à une défense individuelle. Lorsque nous vous faisons remonter des sujets depuis les directions locales, et que les mêmes sujets, dans les mêmes directions reviennent systématiquement à la CAPN suivante, c'est un mépris envers les agents concernés, envers nous même, et dans une certaine mesure, envers vous même que les directions locales affichent avec, de plus, un sens de la provocation non dissimulée.

 Nous avons eu quelques sujets de satisfaction: la mise à jour en septembre 2016 de la circulaire sur l'emploi des agents techniques de 2012, en est un, par exemple. Mais lors de la dernière CAPN, vous n'avez pas su nous donner les résultats de l'audit que vous avez lancé il y a 2 ans déjà auprès des directions locales quant à la remise aux agents techniques de cette circulaire. Par ailleurs, beaucoup de gardiens concierges n'ont toujours pas de cahiers de consignes à jour, et de nombreuses directions ont profité de la mise à jour de ces doctrines d'emploi pour cesser de les remplacer les week-ends, ainsi que les veilleurs de nuit. Quant aux agents de services communs, les directions ont de plus tendance à les considérer comme des EDR, la prime en moins…

 Il nous a été confirmé lors des récents groupes de travail que les agents techniques ne se verraient pas appliquer à la lettre près les nouvelles règles de gestion. Ces derniers auraient encore des règles adaptées au fait qu'ils n'aient pas d'instances locales. Ce sera notamment le cas concernant la départementalisation en matière de mutation, ou encore le maintien du recours d'évaluation en CAPN. Cependant, à l'aune de l'expérience du mandat qui s'achève nous nous interrogeons sur la durée du maintien de cette particularité.

Qu'en sera-t-il alors lorsque tout ne se décidera plus qu'en local ? Serez-vous là, avec nous, pour assurer la défense des agents et des règles de gestion ?