SOLIDAIRES FINANCES PUBLIQUES

En un mois, deux suicides et deux tentatives de suicide au sein de la DGFiP sont à déplorer. La situation est de plus en plus préoccupante. Par nature, un suicide, ou une tentative de suicide, est un événement grave qui doit interpeller l’administration. L’extrême souffrance de la personne qui passe à l’acte ne peut être isolée de l’organisation du travail et de son contexte surtout quand ces événements se sont déroulés sur le temps et le lieu de travail.

L'administration, quant à elle, renvoie systématiquement la responsabilité de ces faits à une fragilité individuelle, dégageant ainsi toute responsabilité de l’employeur. Cette posture est indigne d'une administration publique et traduit un refus de cette dernière d'assumer sa responsabilité dans l'organisation du travail et la prévention des risques psychosociaux, préférant individualiser ces drames plutôt que d'interroger l’origine professionnelle de ces situations. En renvoyant la responsabilité sur les agents et les agentes eux-mêmes, l’administration évite de questionner son organisation du travail et les conditions de travail dégradées qu'elle leur impose.

Cette posture est encore moins audible dans un contexte où la Cour de Cassation, dans l’affaire France Telecom, vient de confirmer le délit de harcèlement moral institutionnel. Cette reconnaissance judiciaire atteste qu’une politique d’entreprise peut engendrer des conditions de travail dégradées, portant atteinte à la dignité des salariés et pouvant mener à des drames humains.

Pour Solidaires Finances Publiques, un suicide ou une tentative de suicide sur le lieu de travail ne peut être déconnecté du contexte professionnel. Face à l’attitude de l’administration, qui joue la carte de l’évitement, il est insupportable de devoir lui rappeler sans cesse qu’il existe une présomption d’imputabilité lorsque l’acte survient sur le lieu et le temps de travail. Dans ce cas, il revient à l’employeur de prouver l’absence de lien avec le travail pour faire tomber cette présomption. Ainsi est le droit ! Concernant les suicides ou tentatives de suicide d’un agent en dehors du lieu de travail, l’administration doit également enquêter pour voir si cela n’est pas lié au travail et ne pas se dédouaner automatiquement même si nous sommes conscients que les raisons de tels actes peuvent être multiples.

Pour peser face à l’administration, les personnels ont des leviers et les représentants du personnels via la formation spécialisée peuvent recourir à une expertise et/ou mener une enquête pour déterminer les facteurs professionnels ayant contribué à l’acte. Ces enquêtes permettent de déterminer la place du travail dans la survenue du suicide et d’agir sur les risques qui ont pu être identifiés comme ayant participé à la survenue de l’acte. Ainsi l’administration doit ensuite mettre les mesures de prévention adaptées pour que d’autres personnels qui ont été exposés à ces mêmes risques n’aboutissent pas aux mêmes drames.

De nombreuses études épidémiologiques ont mis en évidence un lien entre certaines conditions de travail et le risque suicidaire. Parmi ces facteurs figurent :

  • Une forte exigence psychologique combinée à une absence de marges de manœuvre,
  • Les situations de harcèlement moral ou sexuel,
  • L’insécurité de l’emploi, qui peut s’entendre chez les fonctionnaires par la précarité statutaire, l'instabilité des affectations, les restructurations incessantes
  • Le manque de reconnaissance,
  • Les conflits de valeurs et exigences contradictoires.
  • La pression des résultats chiffrés

Une étude de Santé Publique France en 2018 a révélé que près de 10 % des suicides analysés pourraient avoir un lien avec le travail. D’après l’enquête Conditions de travail de la Dares en 2016, 5,2 % des hommes et 5,7 % des femmes en emploi avaient eu des idées suicidaires.

Face à la montée des suicides et tentatives de suicide au sein de la DGFiP, Solidaires Finances Publiques refuse de voir l’administration se défausser sur de prétendues fragilités individuelles pour nier sa part de responsabilité. Nous exigeons une réponse à la hauteur des enjeux : reconnaissance, enquête approfondie, mise en place de préventions effectives et transformation des conditions de travail. L’administration doit cesser de nier la réalité et prendre ses responsabilités. Il en va de la dignité des agents et des  agentes et de la prévention de nouveaux drames. Préserver cette dignité, c'est reconnaître que leur souffrance ne peut pas être réduite à une fragilité individuelle. C'est garantir que l'administration assume ses responsabilités en matière d'organisation du travail et de prévention des risques psychosociaux, plutôt que de les éluder. Refuser d'agir ou minimiser ces drames revient à nier l'impact du travail sur la santé des agents et à les abandonner face à leur détresse. Pour éviter que de telles tragédies ne se répètent, il est impératif de mettre en place une véritable politique de prévention et de reconnaissance des suicides liés au travail.

Solidaires Finances Publiques exige donc une politique de prévention des risques psychosociaux ambitieuse, une reconnaissance de l’imputabilité au service des suicides liés au travail et la mise en place d’enquêtes systématiques.