Liminaire
Près de onze ans après la dernière réunion sur le sujet se tenait le mercredi 8 décembre un groupe de travail consacré au recouvrement des amendes. Entre évolution des outils et de l'organisation de la mission, la direction générale a, en vain, cherché à éluder la question centrale des effectifs.
Ce groupe de travail est dédié à l’actualité des trésoreries amendes. Solidaires Finances Publiques ne peut que saluer l’initiative de réunir un tel GT. Nous avons recherché dans nos archives la date de la dernière réunion dédiée à cette thématique. Elle remonte à 2010 !
Cela fait donc très longtemps que l’administration n’a pas pris l’initiative d’une telle réunion ! Nous n’allons pas le reprocher au président de séance qui rompt ce silence. Mais quand même, cela en dit long, très long, sur l’attention qui est portée à cette mission par la DGFIP. Et plus particulièrement sur l’attention qui est portée à l’expression des agentes et des agents que nous représentons.
Car fort heureusement, d’autres réunions métiers se sont tenues à un rythme un peu plus soutenu avec des journées d’études. Réunions descendantes, convenues, souvent lénifiantes où le contradictoire et les interpellations sont rarement de mise.
Mais les chefs de service, au moins, ont eu l’occasion de s’exprimer...encore que…
A supposer qu’ils et elles aient eu quelques velléités, les sujets présentés, essentiellement voire exclusivement prospectifs, ne pouvaient, guère donner lieu à des retours !
Nous avons en effet examiné l’ordre du jour de la dernière journée d’études intervenue en février 2020. Des sujets importants y étaient présentés, curieusement absents des fiches qui nous ont été adressées pour nos échanges aujourd’hui. Incidence de la privatisation de l’encaissement en numéraire, projet ROC SP…
C’est, il faut l’avouer, très confortable pour l’administration centrale. Il n’y a jamais de bilan contradictoire des réformes ! Il faut dire qu’à la DGFIP, la critique ne s’exprime qu’a posteriori !
Quand il s’agit de condamner le dispositif existant, jusqu’alors paré de toutes les vertus, et ainsi justifier la nouvelle réforme, trop souvent commandée par des considérations étrangères au bon exercice de la mission !
Et pourtant, à l’extérieur, la critique, justifiée ou non, est nourrie. Sur la thématique des amendes, les rapports sénatoriaux de 2019 tirent à boulets rouges sur l’architecture et les moyens du recouvrement des amendes.
Ces rapports critiques sont pourtant eux-mêmes biaisés ab initio ! Ils refusent, par principe, d’examiner la contribution nocive de ce gouvernement et de sa majorité à la dégradation de la mission. Certes, ils mentionnent la baisse des effectifs dans la trésorerie amende de Paris concomitante à la hausse continue de la charge de travail.
Mais c’est pour en conclure un peu vite qu’il faut revoir l’allocation des moyens humains entre les services de la DGFIP comme si les autres n’étaient pas déjà exsangues ! Le petit bout du bout de la lorgnette !
Où figure l’incidence des suppressions d’emplois dans ces structures sur l’efficacité du recouvrement et la qualité de l’accueil, ce qui relève directement de la responsabilité politique ?
Où figure l’incidence des postes vacants dans ces structures, ce qui relève conjointement de la responsabilité de l’administration et du politique ?
On peut déplorer l’obsolescence d’AMD et le caractère déficient de la chaîne informatique, mais les moyens humains ? Quand même !
Pourquoi est-il si difficile de joindre les collègues par téléphone ?
Pourquoi est-il si difficile d’obtenir une réponse rapide par mail ?
Pourquoi le service rendu aux usagers et les conditions de travail des collègues sont-ils aussi dégradés ?
Et encore une fois, ce n’est pas en créant une énième plateforme téléphonique conduisant à la suppression d’emplois dans les structures de gestion que vous allez commencer à apporter le début d’une solution à ce problème. Vous le savez parfaitement d’ailleurs !
Envisager les liaisons des services amendes avec la justice par le seul prisme de l’informatique c’est méconnaître l’importance du lien humain qui a pu un temps exister entre les trésoreries amendes et le parquet, quand il y avait encore des agent·es pour se rendre physiquement au palais, pour obtenir les consignations par exemple. Faute d’agent tout prend aujourd’hui beaucoup plus de temps… Et le temps, en matière de recouvrement, c’est de l’argent, beaucoup d’argent…
Autre sujet sur lequel l’on perçoit le malaise des sénateurs de la majorité : Quelle est l’incidence de la privatisation de l’encaissement du numéraire sur l’efficacité du recouvrement ? Quel est son coût également ?
Rapport hémiplégique donc, critiques justifiées des moyens techniques et organisationnels mais cécité totale sur les causes de l’insuffisance des moyens humains…
Non le problème ne vient pas seulement de l’imprévoyance dans la gestion des départs en retraite !
A ce stade, nous ne savons trancher. Croire que la dégradation du recouvrement forcé résulte principalement de l’inefficacité relative des applications informatiques relève t-il de l’incompétence ou de la mauvaise foi ?
Et pourtant à l’heure de la tenue des états généraux de la justice, comment ne pas voir que l’effectivité de la sanction est une des composantes de l’efficacité de la réponse pénale face à une infraction ?
Comment ne pas voir que le non recouvrement des amendes n’est pas seulement une question de perte de recettes pour l’État et les collectivités publiques mais plus fondamentalement une question de principe. Celle de l’égalité des justiciables devant la loi ?
Comment ne pas voir qu’il est parfaitement illusoire et malhonnête de laisser croire que l’alourdissement des sanctions prononcées par les juridictions produira le moindre effet si derrière les amendes et dommages et intérêts prononcés ne sont jamais recouvrés ?
Comment ne pas voir qu’une partie du mécontement et de l’incompréhension des usagers qui altère les conditions de travail des collègues résulte directement de la politique de fermeture des accueils physiques et de l’insuffisance du nombre d’agent·es pour assurer un accueil du public digne de ce nom?
Pourquoi la DGFIP ne saisit pas l’opportunité qui lui est offerte lors des débats sur les moyens accordés à la justice de souligner que ceux-ci doivent être accordés à l’ensemble des structures qui contribuent au service public de la justice au risque de priver d’effet les efforts consentis pour améliorer l’amont de la chaîne pénale ?
Vous allez nous répondre efficience ! Il y a longtemps déjà que cet argument n’est plus pertinent. Il y a quand même des limites au faire plus avec moins !
Solidaires Finances Publiques souhaite aborder 5 aspects principaux au cours de l’examen des fiches.
I Les effectifs et la charge de travail des trésoreries amendes
Vous commencez par souligner l’importance de la mission de recouvrement des amendes pour l’effectivité des sanctions pénales et pour le budget de l’État. Soit ! Les agentes et agents des trésoreries amendes vous diraient : heureusement que vous considérez que cette mission est importante. Quel serait l’état des services si vous la jugiez secondaire ?
Vous évoquez l’augmentation continue du montant des prises en charge passé de 642 millions d’euros en 2011 à 928 millions d’euros en 2019 pour un nombre d’amendes passé de 12 à 14 millions par an. Le rapport sénatorial de 2019 relève d’ailleurs que cette tendance va s’accentuer dans les années qui viennent. De nouveaux produits ne cessent en effet de s’ajouter à ceux déjà existants.
Comme dans les documents de la journée d’études de 2020, vous réussissez le tour de force de construire des ratios dans tous les sens, en passant sous silence celui du nombre d’agent·es dédié·es à la mission. Pour une fiche consacrée à la stratégie et au pilotage de la mission, il y a quand même une sérieuse lacune !
Car oui et ce n’est pourtant pas un scoop, pour assurer du recouvrement forcé, il faut des agentes et des agents !
Or, un des ratios usuels utilisés dans les différents rapports sur le sujet, c’est le ratio nombre d’amendes prises en charge/ nombre d’agent·es affecté·es à la mission. Et montant de prise en charge/ agent·e.
Nos questions sont donc les suivantes :
Combien d’agent·es sont affecté·es au niveau national à l’exercice de la mission amendes en 2021 ?
Quel était ce chiffre en 2011 ?
Quel est le ratio nombre d’amendes prises en charge/ par agent·e et le ratio montant pris en charge/agent·e pour les mêmes années 2011 et 2021 ?
Les trésoreries amendes ont longtemps été, au même titre que d’autres structures spécialisées, les variables d’ajustement des suppressions d’emplois dans les directions locales. Les taux de recouvrement étant jugés structurellement mauvais, un peu plus ou un peu moins ne changeait pas grand-chose dans l’esprit des directrices et directeurs ! Les arbitrages se faisaient et se font encore parfois ainsi, toujours au détriment de ces services.
S’agissant du « pilotage », la DGFIP a t-elle prévu un fléchage d’emplois pour tenir compte des charges de travail en augmentation continue?
En d’autres termes entendez-vous donner des consignes claires au réseau afin d’attribuer des ETP en nombre suffisant pour l’exercice de cette mission, ou considèrez-vous toujours, de manière ésotérique que la « main invisible » va faire magiquement coïncider les gains de productivité allégués du fait des évolutions technologiques à l’accroissement de la charge de travail ?
II. Le taux de recouvrement et les indicateurs
Vous évoquez la dégradation du taux de recouvrement forcé des amendes passé de 34,6 % en 2011 à 25,7 % en 2019 que vous attribuez de manière univoque et exclusive à l’augmentation mécanique du nombre de prises en charge.
Quel est le sens d’un tel indicateur agrégé ? Même en simplifiant le raisonnement à l’envi comme vous le faites, ne disposez-vous pas de taux de recouvrement par nature de créance ?
Le taux de recouvrement dépend d’abord et avant de tout de la solvabilité du débiteur ! Or ce dernier n’est pas nécessairement le même s’agissant par exemple d’un défaut de titre de transport en commun et des amendes pour non dénonciation de conducteur responsable d’une infraction !
Avez-vous fait un bilan de la phase comminatoire faisant intervenir les huissiers de justice ? Quel est l’apport de cette privatisation de la mission ? Cette dernière fait en effet perdre beaucoup de temps.
III. Sur les outils et les organisations
L’assistant digital
Les équipes des services comptabilité considèrent que l’assistant digital leur apporte une véritable aide lors du traitement du relevé BDF. Certains flux d’organismes importants tels que les CPAM, les CARSAT, le pôle emploi ne sont toujours pas identifiés par l’assistant digital.
Roc SP
Nous souhaiterions avoir un point d’étape sur l’application ROC SP pour le recouvrement des amendes.
Qu’elle est par ailleurs votre vision du devenir des trésoreries amendes dans la perspective de la création d’un pôle unique de recouvrement par département ?
IV. Les partenariats
Avec la justice
L’annonce d’une interface entre Cassiopee et AMD pour 2022 est clairement une bonne nouvelle. Mais l’année 2022 sera t-elle celle du début de l’expérimentation ou de la mise en œuvre effective ?
Les collègues regrettent que le ministère de la justice n’ait toujours pas accès à JAM car la demande d’états de paiement est très importante et le nombre de dossiers de jour-amende ne fait que croître.
Par ailleurs, pour Solidaires Finances Publiques, la direction locale n’est clairement pas le meilleur niveau pour établir un lien avec les services de la justice. C’est avec la trésorerie amende ou le service que les échanges doivent intervenir.
Nous sommes interpellés par le réseau sur la conclusion de conventions permettant de saisir les fonds détenus par les personnes faisant l’objet d’une garde à vue ? 102 saisies effectives, cela représente une par département pour une moyenne de 678 € ! C’est à l’image de l’utilité des conventions dans l’administration !
Par contre, vous avez mobilisé des moyens humains pour rédiger des protocoles, des conventions et céder à la démagogie politique… Tout ce bazar pour 678 € par département ! Est-ce véritablement sérieux ?
Qui va être sollicité pour procéder à cette saisie ? Les huissiers du trésor ?
Avec la SNCF
Vous reconnaissez implicitement les sous-effectifs chroniques de la mission, en sollicitant des effectifs auprès des transporteurs publics. Croyez-vous que l’arrivée de 18 collègues de la SNCF pour 97 structures va suffire à renforcer le recouvrement de ce type d’amendes, qui ne font par ailleurs pas l’objet d’un sort particulier pour les collègues de la DGFIP ? Qu’elle sera l’apport de ces agent·es par rapport aux collègues de la DGFIP ?
V. L’accueil et les plateformes téléphoniques
L’approche idéologique que développe l’administration en matière d’accueil et qui consiste à dissocier l’accueil de la gestion en créant des plateformes téléphoniques qui ont vocation à faire disparaître les accueils physiques est encore moins adaptée au recouvrement des amendes qu’elle ne l’est pour le reste des missions. Nous mesurons avec les usager·es pourtant quotidiennement les conséquences déplorables d’une telle organisation. S’agissant des particuliers, et alors que les centres de contact sont presque généralisés, vous en êtes rendus à créer des cellules téléphoniques de soutien aux plateformes alors qu’elles avaient soit-disant pour objet de décharger les services de gestion de l’accueil téléphonique et de la messagerie ! C’est quand même un comble !
La fiche dédiée n’est d’ailleurs pas une fiche métier. Nous sommes enchantés de savoir que les locaux du CDC sont situés au deuxième étage du bâtiment B. Pour l’aspect compétences, la fiche utilise le conditionnel, les compétences devraient être et a simplement dupliqué la présentation qui avait été rédigée pour la création du premier centre de contact en matière d’accueil fiscal des particuliers.
Quelle va être l’articulation avec les services locaux des amendes ? Pensez-vous que créer une structure supplémentaire dans la chaîne des amendes est pertinent alors que l’un des défauts majeurs dénoncé par l’ensemble des études, c’est justement la multiplication des intervenants ? Et comment articuler l’exigence de proximité par ailleurs relevée avec cet éloignement supplémentaire.
Vos schémas organisationnels sont décidément totalement stéréotypés et déconnectés des besoins des usager·es et des collègues. Mais il est vrai que désormais la prise en compte des besoins des usagers n’est plus ce qui détermine l’offre du service public !