Le groupe de travail relatif à la campagne déclarative 2020 s'est tenu le 3 mars.
Liminaire
Monsieur le Président,
En liminaire de cette liminaire, nous ne pouvons pas, ne pas évoquez l’épisode épidémique qui touche actuellement la France. Il ne s’agit pas pour nous d’ajouter de l’anxiété à une situation déjà très pesante, mais de vous transmettre, notamment, l’inquiétude des agents en charge de l’accueil du public sur ce sujet. Nous avons bien pris note de la réunion prévue ce soir avec le DG sur ce sujet sensible.
Pour en venir à l’ordre du jour de ce GT, ce dernier est donc consacré à la mise en place de la déclaration « automatique » et à une présentation des nouveautés de la campagne IR 2020.
Nous reviendrons plus en détail sur le contenu des fiches dans le déroulement de l’après-midi, mais Solidaires Finances Publiques souhaite vous faire part de quelques remarques : Êtes-vous vraiment en contact et à l’écoute de vos services, des agents et des contribuables ? Quand on lit le contenu de ces fiches, je ne vous cache pas qu’un doute insidieux s’installe…
Sur la déclaration automatique en elle-même, encore une fois, nous déplorons qu’une décision politique, rapide, voir imprudente et irréfléchie, impacte lourdement à la fois les agents des Finances Publiques et les liens sociétaux auxquels Solidaires Finances Publiques est tout particulièrement attaché. Pour nous ce projet porte en lui bien plus qu’il n’y paraît…
En effet, ce discours récurrent sur la simplification envoie au final l’image d’une certaine volonté de déresponsabilisation des contribuables. S’agissant de la déclaration des revenus, l’effet pervers sera double : les foyers (par exemple les retraités) dont la situation n’évolue pas seront déconnectés du système déclaratif normal, tandis que d’autres, dont la situation évoluerait, pourraient se retrouver obligés d’effectuer une déclaration à l’avenir après en avoir été dispensés… Comme simplification, on aura vu mieux et cela transpire à toutes les lignes de votre fiche ! Tout ceci risque de poser à la fois des problèmes de lisibilité et de compréhension pour les contribuables, et des difficultés inextricables aux services des particuliers, difficultés qui s’ajouteront aux mesures que vous annoncez dans les autres fiches et qui risquent d’être bien supérieures aux avantages officiellement attendus par le gouvernement ou l’administration. Ainsi, sous couvert de simplification, nous assistons à une évolution qui provoquera en définitive des situations complexes, comme c’est aujourd’hui le cas en matière de prélèvement à la source…
En outre, pour Solidaires Finances Publiques, une telle mesure affaiblirait clairement notre système déclaratif et le consentement à l’impôt. Et ce alors que, dans une démocratie, le lien entre le citoyen et la collectivité s’effectue en partie par l’impôt, notamment par l’impôt direct et justement par ce système déclaratif. Imposer la déclaration automatique, c’est donner raison à ceux qui ne la déposaient pas.
Histoire d’enfoncer le clou, vous choisissez de mettre en place cette mesure en 2020, année où justement les contribuables vont découvrir les vraies conséquences du prélèvement à la source sur leur déclaration et leur avis d’imposition. Et en même temps, vous choisissez justement ce moment pour continuer à porter votre dématérialisation avec la suppression de tous les envois de déclaration papier...Tout en disant aux contribuables que s’ils désirent avoir une copie de leur déclaration, ils n’ont qu’à se présenter à leur SIP…de même, avez-vous bien conscience, des conséquences possibles sur le fait de permettre aux contribuables de modifier manuellement leur versement PAS ? Et sur le fait d’indiquer sur la déclaration des revenus, l’impôt estimatif des contribuables ? Pour nous, les agents vont devoir faire face à la fois à des questions portant sur la déclaration des revenus et dans même temps sur des questions portant sur le recouvrement … Deux campagnes en une en résumé !
Monsieur le Président, êtes-vous bien lucide des conséquences et du travail qui va en découler dans les services ? et de la situation dans lesquelles vous allez mettre les services de la DGFiP ? Pour nous très clairement non.
Il nous semble inconcevable quand on voit l’état des SIP, des SIE et des Services d’accueil que de telles mesures puissent être prises et appliquées aujourd’hui au sein de notre administration. Surtout dans la période où les emplois dédiés à l'accueil ont été supprimés.
Aussi Solidaires Finances Publiques se doit, en responsabilité, de vous alerter sur les conséquences que vont avoir vos mesures sur les services des particuliers et sur l’accueil et la réception des contribuables. Aussi, nous vous demandons aujourd’hui, et à minima de surseoir à ces dispositions qui risquent de plonger les services dans un gouffre.
Compte-rendu
En préambule, Solidaires Finances Publiques a soulevé l’inquiétude des agents, et notamment des agents d’accueil face au développement du coronavirus. Nous avons à nouveau évoqué ce sujet lors du Comité Technique Ministériel du 10 mars 2020. Le secrétariat général a annoncé qu'un échange sur ce sujet particulier sera organisé au sein de la DGFiP. Solidaires Finances Publiques va saisir la direction générale afin que cette réunion puisse avoir lieu le plus rapidement possible.
Sur la mise en place de la déclaration automatique : pour nous cette automatisation aura pour conséquence inéluctable un éloignement de la notion d’impôt. Par ailleurs, où est la simplicité quand des foyers déconnectés du système déclaratif normal devront y revenir le jour où leurs situations évolueront ? Comment pourront-ils comprendre que 4 ou 5 ans après ils devront à nouveau déposer une déclaration ?
In fine, cette déresponsabilisation peut conduire à une remise en question du consentement à l’impôt. D’autant plus qu’imposer la déclaration automatique, c’est donner raison aujourd’hui aux contribuables qui ne déposent pas !
Pour Solidaires Finances Publiques, cette déclaration automatique inverse par ailleurs la charge de la preuve. Aujourd’hui, c’est l’usager, par sa signature, qui valide les chiffres proposés par l’administration. En cas de désaccord, c’est sa responsabilité qui est engagée (sauf erreur du service). Demain, le paradigme sera inversé. L’usager mécontent des informations incomplètes ou erronées indiquées sur la déclaration en fera porter la responsabilité sur l'administration (puisque par définition il n’aura rien signé ou validé…). Cet inversement de la charge de la preuve ne peut que tendre davantage les relations entre les contribuables et les agents, qui n’avaient vraiment pas besoin de ça. En outre, la DG reconnaît que plus d'un million de lignes transmises par des tiers à l'administration sont en échec d’identification chaque mois. Ainsi, les risques de valider une déclaration incomplète ne sont pas négligeables, avec toutes les incidences induites, notamment en matière de prestations sociales.
Par ailleurs, les problématiques d’identification de certains bénéficiaires de revenus concernent essentiellement des usagers non imposables, et des contrats courts. Afin d’éviter le déplacement de ces usagers à l’accueil, ils auront la possibilité d’ajouter ou supprimer des prélèvements PAS avec des blocages pour éviter les abus. Pour les services, la redescente d’une nouvelle liste sera à traiter (encore une) dans GESTPART
Comme toute nouvelle mesure, la mise en place de la déclaration automatique va générer un afflux plus important de réceptions tant téléphoniques, électroniques que physiques. Or cela va s’effectuer pendant la campagne IR, à un moment où les services sont déjà saturés. La DG compte sur une décharge de travail en termes de relances. Mais ces opérations ne s’effectuent pas dans le même timing ! Au lieu d’étaler dans le temps le travail des services, on est en train de le compresser et de le densifier de manière inacceptable !! De plus, le contentieux ne peut qu’augmenter. La DG va donc inviter les contribuables à procéder à des télé-corrections afin de les limiter. Mais pourquoi utiliseraient-ils la télé-correction alors que majoritairement ils déposent des déclarations papiers et sont bien souvent inconnus de nos bases ou n’ont jamais créé leur compte personnel ? Ce sont bien les services qui vont toujours devoir traiter ces cas particuliers… Il faut bien garder à l’esprit que cette mise en place se fait alors que la très grande majorité des citoyens ne s’est toujours pas appropriée le prélèvement à la source. Ainsi la DG admet que les sollicitations sont déjà importantes et seront encore plus nombreuses pendant la campagne. Pour Solidaires Finances Publiques, rajouter un flux de réceptions supplémentaires dans un contexte où les emplois à l’accueil continuent d’être supprimés équivaut à mettre en danger les agents.
Enfin, la DG profite de la mise en place de la déclaration automatique (sans lien direct avec elle pourtant) pour annuler l’envoi de déclarations papiers à tous ceux qui ont déclaré en ligne l’année dernière, quand bien même ils avaient opté pour cet envoi. Et sans prévenir en amont les agents et les usagers. Pour continuer à recevoir leur déclaration papier, ils devront solliciter directement les agents des SIP !! Pour Solidaires Finances Publiques, cette mauvaise mesure ne peut que générer incompréhension et afflux des demandes des usagers. Et pour continuer dans la déraison, cette année, tous les prélèvements payés par les usagers (PAS, acompte, avance de crédits d’impôts perçus…) seront indiqués sur la déclaration de revenus. Pour Solidaires Finances Publiques, le fait de porter noir sur blanc ces sommes risque d'augmenter de façon exponentielle les questions des usagers et transformer la campagne déclarative en campagne de recouvrement… deux campagnes en une en résumé !
En réponse, pour la Direction Générale, aborder le consentement à l’impôt par le dépôt de la déclaration est un débat philosophique pour lequel il n’y a pas de bonne réponse... et que l’usager perde de vue la validation volontaire de sa déclaration n’influe pas sur le fait qu'il devra continuer à vérifier ces données pré-remplies. Ce qui change : s’il rentre dans le cadre de la déclaration automatique, il n’a plus rien à faire ! La DG attend des impacts positifs pour les usagers dont le comportement change et qui font preuve de plus en plus de « phobie administrative », notamment la jeune génération. Ils bénéficieront ainsi d’un avis IR plus rapidement, et pour les agents, les réceptions et les travaux de relance vont être allégés.
Pour nous, cette « phobie » doit être combattue par la pédagogie et non par la suppression des obligations qui nuit au consentement à l’impôt. Si l’allègement des travaux de relance est indéniable, il sera contrebalancé par une augmentation des contentieux IR et TH, contentieux parfois agressifs. Par ailleurs, la DG semble oublier que beaucoup de dépôts en retard concernent des usagers non connus dans nos bases et donc exclus de la déclaration automatique. Elle reconnaît enfin que le PAS va générer beaucoup de réception cette année tout en considérant que le fait de porter tous les paiements des contribuables dès la déclaration de revenus est de nature à limiter les questions et les remontées des usagers (sic…).
Pour Solidaires Finances Publiques, les collègues de l’accueil savent pertinemment qu’une grande proportion d’usagers ne lit jamais, ou jamais en intégralité, les documents qu’ils reçoivent ! La relecture des données est donc un fantasme de la DG, contraire à la réalité vécue par les agents sur le terrain.
Trés clairement, la DG nie la psychologie des usagers pour lesquels chaque nouveauté nourrit son flux de réception. Et il est incompréhensible de choisir justement cette année pour mettre en place ces mesures ! Croire que les usagers ont compris le fonctionnement du PAS est une illusion... croire que les usagers ne se déplaceront pas si on leur donne un maximum d’informations est un leurre.
Interrogée par Solidaires Finances Publiques, la DG a par ailleurs apporté les précisions suivantes :
- sur les mises à jour taxe d'habitation : un usager qui n’aurait pas informé de son changement d'adresse et pour lequel une déclaration automatique est effectuée, serait inscrit en « I » afin de ne pas impacter la TH en cas de mise à jour préalable effectuée par les services (propriétaires ayant informé du départ du locataire par exemple) ;
- sur l'option des RCM au barème : les déclarants en ligne, pour lesquels l’imposition au barème des RCM pourrait être plus avantageuse, auront un message d’information sur ce point avant la validation de leur déclaration. S’ils cochent la case 2OP, les cases 2CG et 2BH seront alors automatiquement servies par l’application ;
- la mention sur les revenus issus de l’économie collaborative ne sera indiquée que pour les usagers dont l’administration a connaissance de ce type de revenus ;
- sur le recouvrement : les usagers dont le RIB est inconnu auront automatiquement le flash code sur leur avis pour permettre un paiement chez un buraliste. Les soldes d'IR seront prélevés en 1 fois (mois de 300 €) ou en 4 fois. Par ailleurs, en cas de rejet, des octrois de délais de paiement seront possibles. Enfin, cette année encore, aucune pénalité ne sera appliquée en cas d’absence de paiement en ligne ;
- afin de prendre en compte le piratage de la messagerie électronique, une mesure complémentaire a été mise en œuvre, la demande de la date de naissance. Toutefois cela n’est pas sans problème pour les contribuables disposant d’une date de naissance incomplète. Une procédure de double authentification via un envoi de SMS va être mise en place les mois à venir.
Sur le calendrier :
9 avril : ouverture de la déclaration en ligne
14 mai : date limite de dépôt papier
20 mai : date limite de la déclaration sur internet départements 01 à 19
28 mai : date limite de la déclaration sur internet départements 20 à 54
4 juin : date limite de la déclaration sur internet départements 55 à 976
Solidaires Finances Publiques a demandé la rotation d’une année sur l’autre des départements pour plus d’équité entre les citoyens et éviter que ce ne soient pas toujours les mêmes directions qui gèrent deux semaines de campagne de plus, la DG n’a pas pris position sur cette demande.
Pour finir, la DG a été très claire sur ses objectifs : maximiser les situations pour lesquelles l’usager n’aurait rien à faire. Revenus fonciers, pensions alimentaires (par l’intermédiaire de la CAF chargée désormais du recouvrement), crédits d’impôt (via des associations recevant des dons ou des syndicats ou partis politiques avec accord des usagers) sont autant de pistes étudiées pour obtenir une déclaration la plus pré-remplie possible.
Si la DG s’appuie sur l’avis d’un panel d’usagers pour mettre en place sa déclaration automatique (sans préciser lequel), elle s’est bien gardée d’interroger un panel d’agents de SIP ou de centres de contact sur l'ensemble de la question. Solidaires Finances Publiques a dénoncé un GT purement informatif où une fois de plus, la DG se moque de l’avis des personnels et de leurs représentants faisant fi d’un véritable dialogue social.
Pour Solidaires Finances Publiques, l'adage présidentiel du « tout en même temps » s'applique à la DGFiP, il est inadmissible et insupportable pour les agents :
- En même temps, les nombreuses questions PAS doivent être gérées, car force est de constater que les citoyens n’ont toujours pas compris cette réforme majeure.
- En même temps, alors que l’afflux de réceptions liées au PAS est une certitude reconnue par tous, la déclaration automatique est imposée.
- En même temps, la DG supprime sans prévenir les envois de déclarations papiers pour tous les déclarants en ligne malgré leur option pour leur maintien.
- En même temps, la DG continue de supprimer des emplois, y compris dans les services d’accueil physique, téléphonique et électronique.
- En même temps, la contradiction demeure entre la DG qui nous dit : les usagers doivent être « accompagnés » et les directions locales qui prennent des mesures pour « désintoxiquer les usagers de la réception physique », comme par exemple la fermeture de plages d’ouverture au public, la diminution drastique du nombre de places dans les salles d’attente, la pression mise sur les agents pour des réceptions les plus courtes possibles (pourtant impossibles sur les questions PAS, questions fiscales complexes ou aide en ligne notamment).
L'administration doit prendre pleinement ses responsabilités dans la campagne à venir. Aussi nous invitons les agents à n’accepter aucune insulte de la part des usagers ni aucune pression de la part de leur direction, et à rédiger des fiches de signalement contre l’un ou l’autre, chaque fois que nécessaire.