Comme chaque année, la Direction générale vient de sortir une note faisant un bilan et une analyse de l’accueil des particuliers sur l’année 2019 et un focus particulier sur la dernière campagne des avis (22/07/2019 au 15/12/2019). Sur le plan de l’accueil, cette campagne se situe dans la continuité des précédentes. Elle est marquée par une baisse des flux physiques, une augmentation des appels téléphoniques, et une stabilisation des contacts via les courriels.
Au niveau de l’accueil physique, prés de 7,9 millions d’usagers se sont déplacés au niveau des guichets des SIP, SIP-SIE et trésoreries, soit une baisse d’un peu plus de 10 % par rapport à 2018. Notons toutefois des variations importantes entre périodes pré et post 15 octobre. Cette variation est principalement due à des interrogations de contribuables sur la taxe d'habitation (TH) et sur les modalités de son remboursement à la suite de la mise en place de la réforme gouvernementale. Contrairement à la campagne impôt sur le revenu (IR), la Direction générale ne donne pas les variations par direction. On peut toutefois penser qu’une grande disparité doit se faire entre départements à l’image de la campagne déclarative, voire entre résidences d’un même département.
Au niveau de l’accueil physique, il ressort une prépondérance des questions portant sur l’IR et sur l’assiette de l’impôt (35 % des interrogations des contribuables). Puis viennent les demandes d’encaissement (13 %), les dépôts suite à demandes de documents (12 %) et les demandes de copies d’avis IR (10 %) . Les contentieux d’assiette ne représentant que 7 % du motif des visites. Il est intéressant de voir que nos concitoyens viennent encore nombreux régler leurs impôts dans les centres des Finances publiques, et ceci malgré la communication contraire portée en permanence par la DG. Il est probable que l’aspect psychologique (sentiment d’être rassurés et d’être pris en charge) ne soit pas à minimiser. Cet accueil sera bien différent à partir du moment où les contribuables devront régler via le réseau de la Française des jeux leurs impôts dans un « Bar-PMU ». Il est à craindre que ce basculement voulu et imposé par l’administration ne se fasse pas sans difficulté et sans beaucoup d’incompréhension de la part de nos concitoyens.
Sur l’accueil sur RDV (APDRV), plusieurs directions souhaitent continuer à développer ce mode de réception, mais se trouvent face à des difficultés de mise en œuvre : problèmes matériels d’agencement des locaux, problèmes organisationnels par un manque d’agents pour assurer à la fois un accueil immédiat et un accueil sur RDV. Ce que Solidaires Finances Publiques a dénoncé de manière constante dans ses écrits depuis plusieurs années. Il ne suffit pas de vouloir imposer l’accueil sur RDV, encore faut-il tenir compte de la volonté des contribuables, de leurs besoins et de la réalité du terrain. On retrouve un écueil similaire dans la volonté de la DG de vouloir imposer à tout prix une dématérialisation à outrance. Il en va ainsi du développement et de l’accompagnement du numérique, et de l’incitation qui est demandé par plusieurs directions sur ce sujet.
Il est bon de rappeler que 13 millions de nos concitoyens demeurent éloignés du numérique : ils n’utilisent pas ou peu internet, et se sentent en difficulté avec ses usages. Ainsi en 2017, 13 % de la population âgée de plus 18 ans ne se connectent jamais à internet, soit 6,7 millions de nos concitoyens. 14 % d’entre eux ont déjà utilisé internet avant d’y renoncer, en majorité par absence d’intérêt et manque de compétences. S’y ajoutent plus de 7 millions d’internautes distants, qui disposent d’un faible niveau de compétences numériques et se sentent mal à l’aise dans leur utilisation d’internet. Près d’un tiers de ces derniers ne dispose pas d’adresse mail ni de compte sur un réseau social, et trois quarts ne font pas leurs démarches administratives en ligne.
Par conséquent, nous ne pouvons que déplorer la précipitation de l’administration sur ce sujet sensible. Avant de passer au tout numérique et de « forcer » nos concitoyens à utiliser des outils technologiques qui ne sont pas forcément maitrisés, il aurait été plus judicieux d’analyser le vrai besoin des contribuables et de leur proposer (pas d’imposer..) les modalités d’accueil adéquates.
Ceci est d’autant plus vrai que plusieurs grandes questions de fond ressortent de cette campagne. Si celle-ci a pu rester « maitrisée » grâce au professionnalisme et à la technicité de nos collègues, il en ressort que la mise en place du prélèvement à la source a suscité de très nombreuses questions de la part des contribuables. Comme nous l’avons répété et porté à plusieurs reprises, le prélèvement à la source (PAS) est une réforme qui n’est pas, encore à ce jour, ni comprise ni assimilée par nos concitoyens. Les questions sur le CIMR (Crédit Impôt Modernisation Recouvrement), sur les RI-CI (Réductions d’Impôt - Crédits d’Impôt), sur la fausse contemporanéité de l’impôt ont multiplié à la fois le nombre de questions, mais également leur durée. Ceci, ajouté à l’obligation de paiement par voie dématérialisée, a provoqué inévitablement des incivilités voire une augmentation de l’agressivité des usagers.
Le traitement des courriels, dont le volume à tendance à croitre de façon importante (plus de 6 millions de messages envoyés par les contribuables) est lui aussi loin d’être anodin. Le nombre est en outre amplifié par la réitération des demandes reçues. Le contribuable a ainsi du mal à comprendre que la réponse à son message ne soit pas immédiate comme peut être l’envoi du mail par lui-même, et du coup il multiplie les sollicitations pour une même question (BALF, e-contact, téléphone, guichet...) obstruant inéluctablement les services en charge de leurs traitements.
Phénomène identique pour les appels téléphoniques dont le nombre a crû également de façon importante (4.2 millions d’appels en 2019 contre 3.6 millions en 2018) dans les centres d’appels. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, beaucoup de questions liées au PAS et à ses conséquences avec des échanges téléphoniques plus longs et plus complexes que les années précédentes. Expliquer une telle réforme au téléphone n’est pas toujours chose aisée, en admettant même que le contribuable soit réceptif et comprenne les explications qu’on lui donne…
À ce titre, la campagne recouvrement est bien symbolique des problématiques liées à l’accueil en 2019. Si l'on analyse la réception du public sur la globalité de l’année écoulée, il en ressort les mêmes points majeurs : une progression des courriels, une forte augmentation de l’utilisation du canal téléphonique, et une baisse de la fréquentation de l’accueil physique.
Sur l’utilisation des courriels, l’année 2019 a vu une augmentation de l’utilisation de ce canal de près de 17.5 % par les contribuables pour atteindre 14 millions de demandes reçues… Les messages via les e-contacts augmentent de 13.6 %, et ceux des BALF de 23.5 %. L’administration s’interrogeant sur une possible fermeture des BALF, trop utilisées par les contribuables à son goût. Il n’en demeure pas moins que cette possibilité d’échange est la seule disponible dans certains cas particuliers comme dans le cas où le contribuable est inconnu sur impots.gouv.fr.
Sur l’utilisation du site internet, le nombre de visites continue de croitre pour atteindre plus de 230 millions de visites en 2019, soit une hausse de près de 9.5 % par rapport à 2018.
Malgré la réalité concrète du terrain et les besoins affirmés de nos concitoyens, nous continuons à voir que l’accueil et le renseignement du public continuent à être traités de manière dogmatique par la DGFiP, en faisant fi des réels besoins des contribuables. Ceci est clairement assumé tant par l’administration que par le gouvernement.
Tout est fait pour écarter le public de nos services : fermeture des services, suppression progressive des plages de réception du public, mise en place et généralisation de l’accueil sur rendez-vous, obligation au télépaiement et à la télédéclaration… ne cherchons pas de logique dans cette démarche, elle demeure comme nous l’avons dit purement idéologique et dogmatique. Elle a comme unique objet, sous prétexte du développement d’internet, de diminuer la présence territoriale de la DGFiP et donc d’accompagner (ou de devancer…) les suppressions d’emplois et la baisse des dotations budgétaires.
Malheureusement, les faits sont têtus, et la situation actuelle le prouve. Le public est attaché à un accueil réactif et spécialisé. Il veut et a besoin d’un accompagnement au plus près de ses besoins. Il veut pouvoir trouver près de son domicile, un agent technicien et disponible, proche de ces préoccupations et avec qui il va pouvoir échanger en toutes quiétude et sérénité. Cette volonté de la DG de « déprioriser » l’accueil, associée à une baisse des effectifs dans notre administration, a des conséquences directes dans les services. Aujourd’hui, les agents en charge de l’accueil se trouvent dans des situations inextricables, et ne peuvent plus faire face à l’afflux et aux demandes des contribuables. Ils n’ont plus les moyens de faire un travail quotidien de qualité. Il est temps de redonner une place prioritaire à l’accueil des contribuables dans notre administration. Cela passera par une analyse fine des besoins de ces derniers, et par des moyens humains et matériels, tant pour les centres d’appels que pour les agents chargés de l’accueil physique.