A quelques jours de la date limite de déclaration des revenus, la campagne de réception du public bat son plein. Comme toujours, elle est marquée par de nombreuses sollicitations des services de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).
Mais cette année, outre les questions habituelles des contribuables, les agents des finances publiques (de moins en moins nombreux pour une charge de travail qui ne faiblit jamais) sont sollicités sur la mise en œuvre du prélèvement à la source (PAS). Ces demandes sont multiples, simples et complexes, elles touchent aussi bien à « l’année blanche » qu’à la gestion du futur PAS en année courante.
A l’évidence, les contribuables réalisent que le PAS est loin d’être la simplification annoncée et vantée par ses partisans. Ce que notre organisation syndicale n’a cessé de dire au sujet du PAS1 se confirme largement : le PAS est un changement culturel, une nouvelle manière d’appréhender le paiement de l’impôt sur le revenu, un mode de recouvrement complexe dû aux règles de l’impôt sur le revenu.
Bref rappel des enjeux
Les contribuables régleront cette année leur impôt sur les revenus de 2017. Cette année est donc la dernière du système actuel, elle est également cruciale pour le passage au PAS. Le taux de prélèvement applicable en 2019 sera en effet connu des contribuables. Il sera ensuite révisé à partir du 1er septembre 2019 en fonction de la déclaration des revenus 2018. A moins qu’une démarche ne soit engagée par les contribuables qui connaîtraient des changements de situation financière2 et/ou personnelle.
Ce taux qui servira au PAS suscite de nombreuses questions outre les demandes de simulation ou d’information sur les modalités concrètes (paiement, régularisation éventuelle).
Avec l’option possible pour un taux personnalisé ou pour un taux « non personnalisé », les questions sur la sensibilité de la connaissance du taux de prélèvement par l’employeur (un salarié ayant des revenus annexes ne souhaitant pas que l’employeur s’étonne d’un taux de prélèvement du salarié, supérieur à celui d’un collègue percevant la même rémunération) sont fréquentes.
Concernant la modification du taux de prélèvement, le contribuable pourra l’actionner. Mais il ne pourra diminuer son taux de prélèvement à la source que si le montant global de son revenu diminue de 10% (ou 200 euros au moins). Faute de quoi, il encourt une pénalité de 10%. Ces modifications sont sensibles en cas de revenus multiples ou variables...
D’un système à l’autre, des mesures complexes porteuses d’effets pervers
S’il est impossible d’être exhaustif sur les cas spécifiques, quelques remontées montrent si besoin en était l’écart qui sépare le discours officiel (la simplification…) de la réalité.
Le cas d’un foyer composé d’une personne ayant pris sa retraite en 2018 mariée à un salarié également auto-entrepreneur et qui perçoit des revenus fonciers n’est pas un cas d’école : il est emblématique de la complexité du PAS et de la réactivité qu’il impose pour actualiser le taux du PAS...
La perplexité de nombreux contribuables « propriétaires bailleurs » sur le dispositif relatif à la déductibilité des travaux montre un possible effet pervers : le décalage des travaux envisagés pour 2018 ou 2019 à l’année 2020. Et ce, alors que le dispositif en vigueur visait à empêcher un décalage des travaux sur 2019 !
Il en va de même pour certains projets d’ouverture ou de versements sur un plan d’épargne retraite populaire (Perp) : pour être certains de pouvoir déduire de ce qu’il a droit du revenu imposable, le décalage à l’année 2020 est envisagé par certains épargnants.
L’enjeu d’un taux le plus juste possible est également valable pour les revenus (plus variables que ceux des salariés ou retraités) des indépendants et des gérants majoritaires de société et aussi pour les revenus fonciers. Le PAS implique en effet un système de paiement par acomptes calculés par la DGFiP et payés mensuellement ou trimestriellement. Les indépendants paieront leur impôt sur le revenu par acompte, calculé et prélevé chaque mois ou chaque trimestre par l'administration fiscale.
Mais les micro-entrepreneurs qui ont opté pour le versement libératoire de l'impôt sur le revenu ne sont pas concernés par le prélèvement à la source. La variation de leurs revenus rend plus sensible la question de la modification du taux de prélèvement. Et, pour celles et ceux qui perçoivent d’autres revenus et/ou dont le (la) conjoint(e) perçoit également d’autres revenus (salaires, pensions), la gestion du « juste taux » s’annonce bien compliquée…
Des questions se posent également pour celles et ceux qui sont aujourd’hui non imposables du fait de l’imputation de certaines crédits d’impôts mais qui se retrouveront à l’avenir prélevés durant une année avant de recevoir le chèque correspondant à leur(s) crédit(s) d’impôt en septembre de l’année qui suit celle des dépenses ouvrant droit aux crédits d’impôt. Eux feront une avance de trésorerie à l’État.
Le dispositif, présenté comme simplifié, pour les particuliers employeurs est sujet à interrogations. Il faut donc expliquer ce que sont les deux dispositifs proposés (le PAS opéré par l’employeur particulier ou le prélèvement par les centres CESU et Pajemploi).
Pour certains contribuables, l’année de transition pose problème : il en va ainsi de la fiscalisation de leurs revenus exceptionnels, ce qui suppose de les renseigner sur le périmètre de ces revenus et leur traitement fiscal. Et aussi d’être vigilant pour prévenir tout contournement du dispositif anti-optimisation…
Notons pour finir celui d’un salarié licencié fin décembre 2017 mais qui retrouve un emploi quelques mois plus tard verra son taux d’imposition (calculé sur l’année 2017 durant laquelle il aura perçu des salaires) s’appliquer en 2019. Or, si l’ancien système avait été maintenu, il aurait payé en 2019 un impôt inférieur du fait de ses mois de chômage…
L’impôt sur le revenu n’augmente pas mais son rendement, si…
Toute chose étant égale par ailleurs, hors mesures spécifiques votées dans la loi de finances donc venant atténuer son rendement, le rendement de l’impôt sur le revenu croît de 2,5 à 2,7 milliards d’euros par an. En rendant le paiement de l’impôt « contemporain », l’État peut espérer un surcroît de recettes de l’IR dû au changement d’assiette : l’IR l’année N sera calculé sur l’assiette 2019 et non sur celle de N-1 comme cela était le pas auparavant. L’État peut ainsi espérer un surcroît de recettes significatif. Et ce, même s’il faudra veiller à l’efficacité du dispositif anti-optimisation mis en œuvre afin qu’il ne soit pas contourné.
DéPASsé !
La France sera le dernier pays à instaurer le PAS, un mode de recouvrement daté qui ne répond pas aux besoins ni aux comportements des contribuables. Plutôt que de créer une véritable usine à gaz impliquant 3 parties (le contribuable, le tiers payeur et l’État), il eut mieux valu n’en conserver que 2 (le contribuable et l’État) et instaurer directement un impôt le plus contemporain possible, sur la base d’un paiement de type « mensualisation contemporaine ». Tous les défauts du PAS n’auraient certes pas été gommés (un impôt véritablement contemporain supposerait une véritable réforme fiscale…) mais un tel système aurait eu le mérite d’être moins lourd et de tenir compte de l’évolution des comportements.
Les particuliers sont ainsi de plus en plus nombreux à gérer leurs comptes bancaires de leur ordinateur voire de leur smartphone : il leur aurait été possible de gérer le paiement de leur impôt de la sorte. Pour les autres, malheureusement déjà victimes des mesures qui les éloignent du service public, la gestion de leur situation fiscale aurait été plus simple s’ils n’avaient que la DGFiP comme interlocutrice.