Les deux pistes mises au débat par le gouvernement, baisser les droits de donation et instaurer un impôt sur le revenu dit universel (payé par tout le monde), confirment au fond son orientation. Celle-ci s’est déjà traduite par une baisse de la fiscalité du capital avec la baisse de l’impôt sur les sociétés (qui permettra aux plus grandes de distribuer davantage de dividendes), la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (qui se traduira par une baisse de l’imposition des revenus financiers et des plus-values financières) et par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (qui consiste à ne plus imposer les titres financiers notamment). Ces mesures nourrissent la dynamique des inégalités et affaiblissent le consentement à l’impôt.
Le gouvernement compte cependant poursuivre sur cette voie. Il envisage de baisser les droits de donation. Et, par là-même, probablement des droits de successions qui obéissent aux mêmes règles.
On dénombrait 57 655 déclarations de donations en 2017 (51 957 en 2016, 50 345 en 2015). Autrement dit, l’immense majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité, de la population n’est pas imposable lors d’un don. Deux raisons liées l’expliquent : les abattements (chaque parent peut donner 100 000 euros tous les 15 ans à un enfant sans être imposable) et la faiblesse du patrimoine moyen des français (158 000 euros en 2015…).
Baisser les droits de donation bénéficierait donc à une minorité aisée de la population qui a déjà profité des mesures du gouvernement. Outre le manque à gagner budgétaire qui en résulterait, une telle mesure contribuerait à accélérer la hausse des inégalités et de l’injustice fiscale.
« En même temps », le gouvernement réfléchit à un impôt universel payé par tous. Il prétend que cela renforcerait le lien citoyen. Or, celui-ci existe déjà. En effet, tous les contribuables, imposables ou non, déclarent leurs revenus et, surtout, toute la population paie déjà des impôts : la TVA (la moitié des recettes de l’État), certains droits sur la consommation, la contribution sociale généralisée (le premier prélèvement sur le revenu payé par tous), etc.
Au surplus, le gouvernement refuse de revoir les « niches fiscales », ce qui signifie qu’il ne veut pas refondre le système fiscal. Dans ces conditions, faire payer l’impôt sur le revenu par tous reviendrait à alourdir, même de manière symbolique, et pour un rendement très symbolique, la charge fiscale des contribuables qui, en raison de la faiblesse de leurs revenus, ne paient pas l’impôt sur le revenu. On imagine par ailleurs mal l’administration (affaiblie par 40 000 suppressions d’emplois depuis 2002) procéder à des relances pour recouvrer des sommes aussi faibles… Le gouvernement détourne ainsi une belle idée.
Car la seule manière d’instaurer un impôt sur le revenu universel dans un système fiscal plus juste consiste à revoir l’ensemble du système fiscal afin qu’il offre une progressivité régulière, qu’il réduise les inégalités au lieu de les augmenter, comme c’est le cas actuellement, et qu’il finance l’action publique dans de bonnes conditions. Mais le gouvernement s’est mis « en marche » dans le sens contraire… En 1907, Leroy-Beaulieu tentait de justifier la mise en place d’une fiscalité dégressive : nous y allons tout droit.