Si la période est riche en débats sur la fraude fiscale et sur sa sanction (fiscale et pénale), les données statistiques et juridiques comparatives sont cependant bien rares. C’est tout l’intérêt d’une courte étude comparative récente (1) sur la « police fiscale américaine » dont nous reprenons les éléments marquants dans la présente chronique.
La « police fiscale américaine », la Criminal Investigation Division (CID) a été créée en 1919. Elle employait 3 124 agents en 2016. Son siège est établi dans la capitale à Washington, elle compte des bureaux locaux dans 25 villes sur le territoire américain. Elle est organisée en trois pôles, les délits fiscaux provenant des activités légales, des activités illicites et les opérations internationales. Son activité permet notamment d’assister l’Internal Revenue Service (IRS) dans la recherche de mise en conformité des contribuables avec les lois fiscales.
S’agissant du cadre juridique, l’étude rappelle qu’aux États-Unis, les sanctions pénales pour « fraude à l’impôt » distinguent les personnes morales et les particuliers. Les premières sont passibles d’une amende de 500 000 dollars et les seconds d’une amende de 250 000 dollars. Et ce qu’il s’agisse de montages frauduleux ou de fausses déclarations. Les peines d’emprisonnement, qui viennent éventuellement s’ajouter à ces sanctions, vont de 1 à 5 ans. Rappelons qu’en France, l’article 1741 du Code général des impôts sanctionne la fraude d’une amende pouvant atteindre 500 000 euros et d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 5 ans et, dans certains cas, de 3 millions d’euros et de 7 ans de prison.
Si le droit prévoit des sanctions, encore faut-il s’intéresser à son application. Sur sanctions effectivement prononcées aux États-Unis, on compte ainsi 3 395 enquêtes ouvertes et 2 744 poursuites recommandées et, in fine, 2 699 condamnations à des peines de prison ou alternatives prononcées en 2016. Par comparaison, la France propose de longue date environ 1 000 propositions de plaintes pour fraude fiscale tous les ans. La justice prononce 700 à 900 condamnations par an pour fraude à l’impôt, soit 710 en 2015 (dernière année disponible, sachant qu’on a dénombré jusqu’à 887 condamnations en 2012) dont 586 peines d’emprisonnement (dont 127 de prison ferme, 25 de sursis partiel et 434 de sursis total), 94 amendes ou encore 18 peines de substitution (2)…
Ramené toute proportion gardée à la population américaine (323,1 millions d’habitants recensés en 2016), la France (66,9 millions d’habitants recensés en 2016) sanctionne pénalement un peu plus la fraude à l’impôt. Autrement dit, si l’administration américaine sanctionnait au même niveau que la France, elle procéderait à 3 427 sanctions pour fraude à l’impôt dont 2 916 peines d’emprisonnement ou de substitution par exemple.
Que peut-on penser de ces données ? A priori, la répression pénale de la fraude fiscale n’est pas plus développée aux États-Unis, pourtant un pays réputé sanctionner durement tout franchissement de la ligne jaune, qu’en France qui comparativement, n’a pas à rougir. Est-ce à dire qu’il faut se satisfaire de la situation ? Au vu de l’ampleur et de la gravité de l’évasion fiscale, certainement pas. En réalité, si chaque pays a une organisation spécifique qui ne lui permet pas de prétendre à une supériorité indiscutable en termes d’efficacité, chacun accuse un retard coupable dans la lutte contre l’évitement de l’impôt.
Et ce ne sont pas les mesures de Donald Trump sur l’amnistie fiscale permettant aux grandes entreprises de rapatrier leurs fonds en provenance des paradis fiscaux moyennant un taux dérogatoire au taux de l’IS américain (3) ni les mesures envisagées par le gouvernement français qui vont nous rassurer quant à la volonté d’en finir réellement avec la fraude et de promouvoir enfin une justice fiscale et sociale de plus en plus souhaitée par les populations.
1) Anne de Ravel d’Esclapon, La police fiscale américaine, the criminal investigation division, Revue européenne et internationale de droit fiscal, n° 2017/3.
2) Ministère de la Justice : casier judiciaire national.
3) Voir l’article Appel profite de la réforme fiscale de Donald Trump, Courrier international de janvier 2018.